Érotisme et politique : Autour de quelques représentations féminines dans la transition du romantisme au réalisme poétique
Vagner Camilo
La présente étude se propose d’examiner quelques unes des représentations de la femme et du sexe qui émergent chez les derniers romantiques et prennent corps, littéralement, avec les premiers baudelairiens au Brésil, en faisant converger l’érotisme à l’excès et la politique, dans la mesure où ils peuvent voir dans l’acte amoureux une synthèse d’idéaux libéraux ou républicains.
I. Rappelons pour commencer la remarque d’Antonio Candido à propos des baudelairiens des années 1870 à 1880, qui auraient contribué à une déformation salutaire de l’œuvre du poète français, dont la présence se fait sentir dans leur poésie à travers la mise en avant de la sexualité. Cet aspect trop cru des appropriations des supposés réalistes fut durement critiqué par Machado de Assis dans « A nova geração » (« La nouvelle génération »), qui rappelait notamment que Baudelaire avait en horreur la qualification de réaliste – « cette grossière épithète »1. Comme l’observe Candido, bien que Machado de Assis ait « formellement raison », dans une perspective historique, les premiers baudelairiens avaient raison de se livrer à cette déformation,
Toujours selon Candido, la pierre de touche de cette attitude fut la lutte contre le Romantisme déclinant en faveur du Réalisme Poétique ou Social, qui défendait une poésie politiquement progressiste, inspirée par Les Châtiments de Hugo, et démystificatrice de la vie affective, en recourant pour ce faire à Baudelaire, avec l’intervention décisive de la médiation des Portugais de la « Génération de 65 » (Antero de Quental, Guerra Junqueiro et Gomes Leal), parvenant ainsi à réunir dans leurs œuvres l’influence des deux poètes français. La poésie de Júnior « donne le ton » du Réalisme Poétique brésilien, et son sonnet « Profissão de fé » (« Profession de Foi ») dialogue ouvertement avec « L’idéal » des Fleurs du Mal tout en s’imposant comme un manifeste antiromantique :
La connotation pathologique de l’original baudelairien est ici conservée, tout comme le recourt au même terme médical, « chlorose », mais l’exagération surgit par l’accumulation de toutes ces autres expressions morbides (« avortement rachitique », « accès d’hystérie », « hydrophobe »…) qui désignent explicitement le Romantisme comme cible de l’attaque, ce qui n’est pas présent chez Baudelaire. Pour l’auteur des Fleurs du mal, souligne aussi Candido, le rejet de la femme désincarnée par l’idéalisation se dessine de manière contenue ou neutre, comme une simple constatation (« Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes [...] qui sauront satisfaire un cœur comme le mien »), sans la haine explicite de Carvalho Júnior. Dans « L’idéal », ces modèles de beauté renvoient à une référence plastique ou graphique : ce sont des « beautés de vignettes », qui deviennent, chez Carvalho Júnior, des « beautés de missel » – connotation religieuse importante lorsque l’on considère, avec Glória Carneiro do Amaral3, combien le réalisme agnostique dominait cette génération. Candido comme Amaral concluent leurs analyses de cette déclaration de principes poétique en constatant que, alors Baudelaire achevait son poème contre les beautés chlorotiques en renvoyant à un idéal de beauté authentiquement titanesque, avec l’évocation de modèles de l’Antiquité et de la Renaissance (tels Eschyle et Michel-Ange), Carvalho Júnior s’attarde sur la femme de tous les jours, restaurée dans son intégrité charnelle, et plus à même d’être opposée aux vierges éthérées des rêveries romantiques. Il convient d’observer qu’en termes de tradition romantique locale, la cible des assauts de Carvalho Júnior et de sa génération fut la dilution, de la part de leurs successeurs, des idéaux amoureux et de certains modèles féminins mis en circulation par Álvares de Azevedo, qui conçoit, platoniquement, la femme comme incarnation de l’éternel féminin (Goethe), représentation sensible d’une abstraction (l’idéal de la poésie)4. Caractéristique de cette représentation idéale, la figure de la belle endormie (thème explicite de « Cantiga » – « Chanson » –, dans Lira dos vinte anos – Lyre des vingt ans), contemplée dans son lit, offerte au sommeil et aux rêves, alors que le « je » lyrique construit son discours poétique d’idéalisation, sans mettre en scène le moindre geste ou, tout au plus, en se risquant à cueillir un baiser volé. Emblématiques de cette attitude sont les poèmes commençant par les vers « Pâle, sous la faible lampe » et « Quand la nuit dans le lit parfumé ».
Ces deux poèmes, comme d’autres de l’auteur de Lira dos vinte anos, connurent une appropriation6 de la part de plus d’un baudelairien, parmi lesquels Teófilo Dias, auteur d’un livre au souffle encore romantique, intitulé, dans le goût d’Azevedo, Lira dos verdes anos (Lyre des vertes années) (1878), et qui remet en scène de façon évidente cette situation paradigmatique dans des poèmes comme « O sono » – « Le sommeil », figurant dans cet ouvrage, ou « O leito » – « Le lit » – et « Miniature » – « Miniature » –, extraits de Fanfarras (Fanfare) (1882). D’ailleurs, en lisant ces poèmes les uns après les autres et dans cet ordre-là, on peut percevoir une illustration de la transfiguration radicale de la scène paradigmatique que nous évoquions, et qui a lieu au cours de la transition du romantisme vers le réalisme poétique, en se nourrissant de la lecture de Baudelaire. Ainsi, dans le premier des trois poèmes (presque une paraphrase de « Quand la nuit dans le lit parfumé », jusqu’à l’épigraphe de Cowper, empruntée elle aussi à ce poème de Álvares de Azevedo), la figure féminine apparaît encore comme une image pudique, chaste, qui est décrite, selon le goût très romantique, comme l’ « ange de mes rêves », dont la respiration est comparée au doux halètement d’un enfant, et qui révèle son « austère front parfumé et pur » pendant qu’elle « dort tranquille », « seule, / de l’innocence dans un candide abandon », le visage faiblement éclairé par les rayons de lune… Devant cette belle endormie, le « je » lyrique, affrontant « la fièvre de l’agonie », adopte une attitude, typique d’Azevedo, de contemplation ou même d’adoration, agenouillé aux pieds de la jeune femme, impatient de l’entendre murmurer son nom en rêve et implorant pour qu’elle « ne desserre pas ses sombres paupières »7. En revanche, dans « O Leito » – « Le lit », inclus dans la section de Fanfarras intitulée Flores Funestas – Fleurs Funestes – qui, au long de ses dix-neuf poèmes représente « le plus grand recueil de poèmes composés sous l’influence de Baudelaire dans la littérature brésilienne du XIXe siècle »8 –, la scène paradigmatique de l’alcôve et de la femme langoureuse endormie dans son lit est transfigurée, de manière érotique, par l’inspiration puisée en partie dans « La chevelure », dont Teófilo Dias emprunte non seulement le rythme des vers et le schéma rimiques des quintiles (a-b-a-a-b), mais également l’imagerie, comme l’a bien démontré Amaral9. Les analogies par lesquelles le poète français décrit la « crinière lourde » de l’aimée, comparée à la « mer d’ébène » ou au « noir océan », dans lesquels le « je » baudelairien « plongerait [sa] tête amoureuse d’ivresse », sont déplacées par Dias vers les draps du lit de l’aimée :
L’élément typiquement baudelairien du filtre enivrant ou toxique – qui, dans d’autres poèmes, apparaît aussi associé au goût, au parfum ou à la voix de la femme aimée11 – imprègne les draps et, plus loin, « enivre l’alcôve, dans une totale plénitude », comme :
Par le parfum, pourtant, il est fait référence à la représentation plus physique et naturelle (ou naturaliste) de la femme aimée, rompant ainsi avec l’image sublimée et romantique présente encore dans le poème précédent. Ainsi, également, l’attitude contenue du « je » lyrique, malgré la fièvre de l’agonie de « O sono » (« Le rêve »), cède parfois à de « vagues pensées » suscitées par ce parfum qui excite à nouveau les nerfs et conduit à l’extase. Enfin, la si grande intensification de l’érotisme dans la composition de la scène paradigmatique a lieu dans les même Flores Funestas – Fleurs Funestes, avec « Miniature », qui s’ouvre et se ferme dans un intéressant jeu d’ombre et lumière : la « sombre placidité » ou la « pénombre discrète » de l’alcôve dans laquelle s’installe l’aimée et la lumière du soleil qui dans la « splendeur flamboyante de midi », virilement, « par une fente ténue, étroite, élancée, / Darde une flèche d’or »… Ce soleil qui illumine la scène lyrique est responsable de la chaleur qui rend le corps de l’aimée « prostré, relâché, languide, abattu… ». La « torpeur somnolente » contribue significativement à ce que l’érotisme de l’image du corps féminin éblouisse et fascine, plongé dans un « silence calme » qui « emplit l’alcôve de sa chaude atmosphère, / perfide et tendre ». Ce corps figuré à traves la « vague transparence des voilages du rideau », au milieu de ces « voilages immobiles, / encadrant un lit séducteur, / attirant, fatal, comme un péché… »12. De manière profanatoire, cette vision est associée à l’image de la « madone, / dans sa niche de marbre dentelé ». Le poème semble presque se rapprocher d’une logique déterministe entre la réalité de cette chaleur tropicale et l’érotisme exacerbé de la scène, notamment au moment où le « je » fait référence au visage en sueur de la jeune femme, dû à la chaleur intense, établissant une analogie suggestive : le « teint de neige tendre, / si humide et si doux qu’il ressemble / à un fruit de l’Equateur, / qui laisse ruisseler, si le soleil le chauffe, / la pulpe extrême d’une rosée de chaleur »13. Le poème, toutefois, ne parvient pas à cette réalité implacable du milieu, qui sera, sans tarder par la suite, exploitée de façon déterminante dans le roman naturaliste. Il est important d’observer que la situation paradigmatique avait déjà connu une reprise et, jusqu’à un certain point, une subversion, dans le dernier mouvement du Romantisme par Castro Alves, non pas seulement dans « Adormecida » – « Endormie » –, mais aussi jusqu’à la recréation de la fameuse scène de l’aube de Roméo et Juliette dans « Boa Noite » – « Bonne nuit » :
Dans ce poème, le « je » lyrique abandonne l’attitude contemplative, retournant au lit d’amour avec sa bien-aimée, afin de réaliser pleinement la vie amoureuse, unissant les corps et les esprits dans une érotisation qui se projette de toute part, à commencer par la lumière de la lampe : « faible » chez Álvares de Azevedo (conférant ainsi une pâleur de mort à l’aimée étendue sur un lit de fleurs), la « pâle lueur de la lampe d’albâtre », comme pour réverbérer le désir ou l’impulsivité de l’amant, « lèche voluptueusement » les « contours » de la bien-aimée… On trouve aussi, en outre, l’agencement des métaphores musicales orchestrant les soupirs ou les gémissements des amants, depuis les préliminaires jusqu’au comble de la jouissance amoureuse (la « cavatine du délire »). La femme aimée (simple et humble Maria) se retrouve associée aux grandes représentations féminines immortalisées par la littérature, de la Juliette shakespearienne à la Consuelo de George Sand et à Marion, qui pourrait être autant celle de Hugo que de Musset – notons ici que, dans les deux cas, l’association avec une courtisane ou une prostituée ne compromet pas l’image de l’aimée, étant donné le degré d’idéalisation romantique. Mais le fait est que, même après avoir rompu avec l’image abstraite et platonique de la femme et de l’amour chez Azevedo, Castro Alves habille encore l’expérience amoureuse d’une aura d’idéalisme, en maintenant ainsi un équilibre entre les deux dimensions de l’amour, physique et spirituelle. Il faudra attendre la génération suivante, ou le courant suivant, pour que cet équilibre entre la dimension physique et la transcendance, entre l’idéalisation et la matérialité, tende à se rompre ou à se déstabiliser par l’emphase de l’expérience plus charnelle de l’amour, ou par l’hypertrophie de sa composante érotique, comme le suggère encore Candido. Notons, dans ce sens, la reprise de la scène paradigmatique des romantiques – la femme endormie dans son lit, plongée dans un sommeil ambigu apparenté à la mort – par Carvalho Júnior dans « Adormecida » – « Endormie » –, qui évoque délibérément, dès le titre, les poème d’Álvares de Azevedo, ainsi qu’un autre poème homonyme de Castro Alves dans Espumas flutuantes (Ecumes flottantes). Mais cette reprise est marquée par une contradiction et une dimension artificielle dénoncées par Amaral, dans la mesure où le « je » lyrique, même s’il évoque, dans les premières strophes, l’apparence morbide du corps endormi typique des romantiques, finit par décrire un corps frais, rose et agité par l’effervescence du sang, qui devrait repousser et non exciter les instincts masculins, comparés à des vautours affamés, suivant une espèce de « nécrophilie latente »15. Toutefois, nous sommes convaincus que cette contradiction effective du poème est le produit de la transition d’une esthétique à l’autre. Il faudrait, encore, mettre en regard la scène du réveil des amants dans « Boa noite », qui propose à nouveau la convention propre à l’aube de Shakespeare, avec la même scène dans « Après le combat » :
La divergence apparaît déjà nettement dans la manière dont Carvalho Júnior reprend les métaphores martiales, récurrentes depuis la tradition classique pour décrire l’acte sexuel, à commencer par le titre partiellement euphémique, poursuivant les descriptions de cette « lutte » en terme de perte de la raison, « fièvre hallucinée », « frénétique et homicide » pour conclure avec le « chaos et le naufrage ». Comme le note Amaral, l’image phallique des armes de combat, ainsi que d’autres métaphores audacieuses des instincts humains, justifieraient la qualification de priapique par laquelle Machado définit la poésie de Carvalho Júnior. Un autre aspect couramment évoqué de l’appropriation très particulière de l’érotisme baudelairien par la génération de Carvalho Júnior est l’animalisation des instincts, déjà présente dans les vers de « Adormecida » – « Endormie » –, mais en aucun cas dans Les Fleurs du Mal. Cette animalisation, note encore Amaral, fait passer de l’amour charnel, métaphoriquement, à l’amour carnivore dans le poème de Júnior précisément intitulé « Antropofagia » – « Anthropophagie » –, tout en manifestant de façon propre le sadisme que le grand poète français introduisit dans la poésie moderne17 :
Après la grande subversion des images romantiques prônée par les premiers baudelairiens, la scène paradigmatique de la femme contemplée dans son lit apparaît de nouveau chez un grand parnassien brésilien (significativement, le plus romantique d’entre eux), mais sans l’ambivalence avec laquelle elle fut construite par Álvares de Azevedo dans la poésie brésilienne :
Ici, les fantasmes sont clairement identifiés comme appartenant à l’adolescence, associant ainsi de manière intime le type de représentation amoureuse de la femme dans son lit avec le mythe du moi adolescent qu’Álvares de Azevedo a créé dans sa poésie19. Chez Correia, pourtant, il existe une dose d’érotisme bien plus intense, sans toutefois aller jusqu’aux représentations violentes, sadiques et perverses des premiers baudelairiens, même s’il a pu bénéficier des conquêtes érotiques de ces derniers.
II. Si l’algolagnie, plaisir sexuel stimulé par une souffrance physique, semble figurer, surtout, parmi les prérogatives de la sexualité masculine, on trouve également parmi cette génération de baudelairiens, dans un moindre degré, la situation inverse, où la femme cesse d’être un objet inerte de possession et de réalisation des impulsions sexuelles de l’homme pour se transformer en agent de séduction. L’inversion des rôles, on le sait, est associée à une tendance caractéristique du passage de la littérature romantique aux écoles postromantiques. Mario Praz a démontré comment, à la fin du XVIIIe siècle et pendant la première moitié du XIXe siècle, est devenue prédominante la figure de l’homme fatal, dont le portrait le plus achevé correspondrait au mythe de Lord Byron conçu sous la bannière du divin marquis (de Sade) et incorporant certains des traits inspirés du Satan de Milton. Tandis que la littérature et la peinture de la seconde moitié du XIXe, à l’orée de la fin de siècle, inversèrent les positions, en renvoyant l’homme fatal au second plan et en amenant au centre de la scène la femme fatale, autant dans les reprises mythologiques (la Sphinx, Hélène de Troie, Cléopâtre, Hérodiade ou encore la trilogie castratrice biblique : Salomé, Judith et Dalila…), que dans les créations individuelles ou personnelles (à l’instar de La belle dame sans merci de Keats)20. Elles incarnent toutes les attributs essentiels qui définissent ce type, comme la fonction de la flamme qui attire et qui brûle, l’inaccessibilité physique et le plaisir pervers comme la souffrance infligée aux amoureux. En outre, cette image de la femme séductrice tend, dans bien des cas, à être associée à des terres ou des pays distants considérés comme exotiques. Comme le note bien Praz, allié à l’érotisme, cet exotisme est clairement « la projection fantastique d’une carence sexuelle » qui matérialise l’inaccessibilité féminine en termes de distance spatiale, géographique21. En examinant la réapparition de ce type féminin chez Valle Inclán, inspiré par les poètes antérieurs, comme le Nicaraguayen Ruben Dario (qui, rappelons-le, fut l’interlocuteur et l’interprète d’un des premiers baudelairiens du Brésil : Fontoura Xavier), Lily Litvak observe ceci, à propos de la subversion, encouragée par cette figure dominante, du type féminin qui marqua l’histoire de la poésie depuis, au moins, la Béatrice de Dante, en passant par toute la tradition pétrarquéenne (dont Camões est tributaire) et en allant jusqu’aux rééditions à tendances néoplatoniciennes qu’en fit le romantisme : « Le mythe de l’éternel féminin était irrémédiablement lié à la malice. La fin de siècle se soumit à la fascination des grandes courtisanes, des reines cruelles ou des célèbres pécheresses »22. Peter Gay allait reprendre cette représentation de la femme en revendiquant la motivation psychosociale, pourrait-on dire, de la récurrence de la figure de la femme dévoratrice dans la production artistique et littéraire de la période : sans pour autant être réduite, comme on a parfois pu le croire, à une réaction symbolique face à l’émergence des prémisses du féminisme (réaction suscitée par un imaginaire masculin menacé dans sa suprématie), la mode de la femme fatale provient, en partie, des conflits résultants d’une
Ceci dit, nous pouvons tracer une sorte de généalogie de cette figure de la femme fatale dans la poésie brésilienne, émergeant dès les premiers balbutiements du Romantisme avec la « Lélia » d’Álvares de Azevedo, se poursuivant avec le Castro Alves de « O tonel das Danaides » (« Le tonneau des Danaïdes ») et les autres hugoliens de la troisième génération, avant d’éclore dans de multiples représentations avec les premiers baudelairiens (à l’instar de « Nêmesis » de Carvalho Júnior, ou « A Esfinge » (« La Sphinx »), « A voz » (« La voix ») et « Latet anguis » de Teófilo Dias) et avec les parnassiens, comme dans la « Guerreira » (« La Guerrière ») des Panóplias (Panoplies) d’Olavo Bilac. Pour ne pas parler de certaines des apparitions avant-gardistes (ou plus spécifiquement surréalistes) de ce type féminin chez Drummond (avec « O mito » (« Le mythe »), par exemple, dans A rosa do povo – La Rose du peuple), Murilo Mendes (avec « Alegoria » – « Allégorie » – dans Sonetos brancos – Sonnets blancs) et d’autres modernistes. Avec les premiers baudelairiens, cette figure allait recouvrir, d’ailleurs, une autre dimension que la critique n’a pas encore mis en évidence : sa construction en tant qu’allégorie. En ceci également, ils suivaient de près l’auteur des Fleurs du mal, dans le poème intitulé, justement, « Allégorie » (en français), qui met à nouveau en scène la figure de la femme fatale envisagée du point de vue suggéré par le titre. On y retrouve, parmi d’autres, les attributs évoqués par Praz : la beauté comme un don sublime ; l’opulence et la « rude majesté » ; la stérilité de la « vierge inféconde » ; la peur qu’elle inspire ; la façon dont tout s’affaiblit et finit par mourir après son simple contact ; le pouvoir d’extraire « le pardon de tous les crimes infâmes » ; son indifférence face à toute menace, au Purgatoire et à l’Enfer ; le mépris et l’ironie devant la mort ; la démarche majestueuse et les traits orientalistes dans la manière de sultane qu’elle a de se reposer, outre la foi mahométane qu’elle accorde au plaisir… Cette référence, plus encore que l’association proposée par Praz entre l’orientalisme et l’exotisme comme projection spatiale de l’inaccessibilité féminine, peut peut-être évoquer quelque chose qui se rapproche du « despotisme oriental » qu’étudia Ross Chambers en examinant la « violence poétique ou symbolique »24 mise en scène dans la dédicace « Au lecteur » hypocrite des Fleurs du Mal. Il attire l’attention sur le personnage qui apparaît en fumant son houka, une larme involontaire perlant dans son œil et, dans le même temps, rêvant d’échafauds. Chambers voit dans cette figure de despote oriental (lu en se basant sur les considérations de Marx quant au « mode de production asiatique »), la réincarnation symbolique de la bourgeoisie même au moment initial où elle affirme sa domination, au prix d’une violence et d’une oppression extrêmes mise en œuvre en juin 1848. Plus spécifiquement, ce despotisme oriental est une métaphore, dans le poème, de l’hypocrisie, de l’Ennui, ou de l’état de torpeur, de vide ou d’indifférence avec lesquels la bourgeoisie cherchait à réprimer la conscience des horreurs pratiquées sur les barricades et la peur d’une revanche ouvrière. Il s’agit là, bien sûr, d’un résumé très simplifié et mécanique, même s’il ne faut pas oublier que l’allégorie a toujours été apparentée à un certain schématisme… Quoi qu’il en soit, ces considérations permettent de comprendre les liens entre l’érotisme et la politique, entre le corps féminin et le corps social, au moyen de l’allégorie, également en vigueur, bien que moins fréquemment, dans certaines des représentations féminines de nos premiers baudelairiens, sans ignorer, bien sûr, les spécificités sociopolitiques du contexte historique brésilien. A dire vrai, même avant eux, la figure de la femme fatale comme allégorie notamment politique apparaissait déjà chez les derniers romantiques, avec un poète hugolien aujourd’hui oublié : Pedro Luís25. C’est ce que l’on peut lire dans les vers de « Terribilis Dea » (« Terrible déesse »). Dans l’ouverture du poème, l’apparition inattendue de cette terrible déesse, figure resplendissante et sanguinaire, son drapeau rouge flottant au vent, et dont l’identité n’est pas connue, est capable d’affecter frénétiquement toute une nation :
Les strophes suivantes s’attachent à énumérer les autres attributs menaçants de cette « grande divinité », femme fantôme et vision dantesque, dont le large sein est gonflé du souffle des passions, et dont le culte est le carnage. Elle est « des champs de bataille l’horrible bacchante, / qui se plonge dans le sang et rit des malédictions ! ». D’autres épithètes, encore, sont utilisés afin de rendre plus démoniaque et plus sinistre cette « déesse sépulcrale » qui célèbre « dans le sang les grandes saturnales ». Démarche imperturbable et habit de gala et de deuil, elle est entourée d’une « lugubre Cour », « le cortège de la mort », / la misère qui pleure et la gloire qui séduit ». Cette déesse fatale qui est née avec le mal et qui vit à travers les siècles,
Au bout du compte, on sait que cette femme dévergondée est une allégorie de la guerre, de ses motivations et de ses conséquences. Mais si le poète énumère les divers moments de l’histoire où elle se trouvait aux côtés d’Attila, de Scipion, de César, de Pompée, de Roland, de Charlemagne ou de Napoléon, notamment, ce n’est pas pour l’enfermer, décontextualisée, dans une abstraction. Son évocation par Pedro Luís évoque un moment historique bien défini, comme on peut le lire dans la 14e strophe :
Ces vers sont marqués par une certaine ambigüité, dans la mesure où, d’un côté ils décrivent la « déesse virile », « déesse de la guerre », « archange de la bataille » au « spectre effrayant », qui « arrache du bronze les cantiques maudits » pendant que « le sang bout et s’écoule en torrents chauds ». Mais le « je » lyrique, d’un autre côté, malgré les horreurs auxquelles il assiste, ne manque pas de saluer celle qui « nous donnera le rêve de vengeance, / le glaive de la justice [,] le rayon de l’espoir, / et de la gloire sanglante la magique splendeur! ». On peut lire cette louange avec ironie, quand, dans les tout derniers vers, évoquant la nature du son par lequel s’exprime ces louanges à la déesse, le « je » poétique déclare :
L’ambigüité, toutefois, se résout lorsqu’on se souvient que dans deux des autres poèmes réunis dans son recueil Dispersos (Dispersés), Pedro Luís ne laisse aucun doute sur sa vision de la guerre, prenant de manière inconditionnelle la défense du Brésil contre le Paraguay. Dans « Hino de guerra » – « Hymne de guerre » – guidé par un désir de vengeance patriotique, il déclarera « Arda em chamas o vil Paraguai / Pela pátria! Por Deus! pelo mundo »26 – « Le vil Paraguay est livré aux flammes / Pour la patrie ! Pour Dieu ! Pour le monde ». Evoquant Solano Lopez, plus loin dans le poème, il le qualifiera de lâche et monstrueux, une accusation emphatisée encore dans le poème intitulé, précisément, « Covarde !... » – « Lâche !... » –, qui concentre ses attaques sur le personnage que le poète nomme despote, « tyran du Paraguay » ou bête féroce, « abutre / que a carniça jamais fartou » – « vautour / qu’aucune charogne ne rassasie ». Il élabore encore une image du pays voisins comme fétide, sinistre et funeste, sous l’«empire de la cruauté », d’où la vertu et la raison ont été proscrites, et totalement dépourvu de « lumière divine »27… Dans ces poèmes, Pedro Luís ne s’éloigne pas des allégations officielles fournies alors pour justifier la Guerre du Paraguay. De cette guerre, présentée comme une preuve de patriotisme ou de nationalisme, à laquelle s’ajoutent des motivations (toutes empreintes d’attaques personnelles) de lutte contre l’ambition démesurée, la politique frauduleuse et le caractère dictatorial et autoritaire du caudillo paraguayen Solano López, on connaît surtout le bilan désastreux après sept années d’un conflit qu’on n’avait pas imaginé si long et qui, incontestablement, prit des proportions dantesques en termes de pertes, de crise économique et de dévaluation de l’image de la monarchie, occasionnant ainsi le début de la campagne républicaine, ainsi que l’abolition de l’esclavage28. Comme le résume Schwarcz, dans une étude qui montre bien le processus d’inversion : Malgré ces oscillations, la guerre se terminait par une victoire ternie par le nombre de morts et par la cruauté des batailles. L’image de l’empereur aussi en sortait écornée ; au bout du compte, quel aura été le motif de cette persécution, qui parvint même à associer à la mémoire de López un caractère héroïque et patriote ?29 De cette guerre cruelle, représentée sous l’allégorie de la femme fatale, Pedro Luís a particulièrement retenu, et non sans ambigüité, l’épisode de la bataille de Riachuelo (« Impressões do combate de Riachuelo » – « Impressions du combat de Riachuelo » – est le sous-titre du poème), qui marqua un tournant décisif en faveur de la Triple Alliance ou « triple infamie » comme on surnomma cet accord. En réponse à ses poèmes, Castro Alves composa sa « Deusa incruenta » – « Déesse sans sang » –, allégorie, cette fois, de la presse, qui oppose la raison ou l’illustration comme arme et alternative à la lutte, sans guerre ni effusion de sang, comme le propose le titre. Ce faisant, l’auteur d’Espumas flutuante – Ecumes flottantes – suivait fidèlement l’idéologie et la conception libérales et émancipatrices qu’affirmaient les poèmes comme « O livro e a América » – « Le livre et l’Amérique » –, guidés par le culte illuministe du savoir comme chemin d’accès au progrès. Aussitôt après la génération hugolienne de Pedro Luís, l’allégorie féminine réaffirme sa présence justement chez les réalistes ou les baudelairiens comme Fontoura Xavier, chez qui elle recouvre des significations très diverses, fruit, à n’en pas douter, de la fusion de l’idéal sexuel et de l’idéal politique. Dans son livre Opalas – Opales –, en 1884, on trouve un chapitre intitulé justement Musa livre – Muse libre –, qui redimensionne le signifié de l’adjectif apparemment banal dans le contexte poétique du XIXe siècle. Il n’est pas inutile de rappeler que, par muse libre, on entendait bien souvent le licencieux ou le franchement obscène, comme l’illustrent bien les Poesias livres – Poèmes libres – de Laurindo Rabelo. Sans renier tout à fait ce sens, Fontoura Xavier semble attribuer à cet adjectif une teinte plus clairement idéologique, dans le sens de libéral, ou même libertaire. C’est de cette manière que, dans la strophe présentée en ouverture de ce chapitre, le poète s’attache à figurer sa Muse libre comme un porte-drapeau des races qui se vautrent dans la poussière des places publiques :
Il nous semble évident que cette Muse libre, représentée comme « Médée devant les masses », portant « dans la main le faisceau de l’Idée », est l’allégorie des idéaux politiques et sociaux de l’abolitionniste, du républicain ou, même, du socialiste Fontoura Xavier30, dans des vers, une fois encore, ambivalents, dans la mesure où l’image féminine dégradée dans la poussière des places publiques est le produit d’un rêve caressé par le « je » poétique qui la salue. Cette ambivalence, réitérée par l’alternance entre « vision ou nuage », avec laquelle elle est décrite, orientera aussi le premier poème homonyme du chapitre, et donc en lien étroit avec cette strophe, justifiant ainsi le sens allégorique de l’ensemble. La « Muse Libre » qui apparaît dans ce poème comme « la courtisane de la place publique », rappelle, immédiatement, l’allégorie féminine de la République telle que la représentaient les poètes, peintres et caricaturistes dans les années qui suivirent la Proclamation, inspirée certainement de l’exemple français, comme le souligne José Murilo de Carvalho dans A formação das almas – La formation des âmes : En effet, les caricaturistes ne tardèrent pas à utiliser la figure féminine pour tourner la République en ridicule. Il est vrai que les adversaires de la Républiques firent la même chose en France. La vierge ou la femme héroïque des républicains pouvait facilement être transformée en femme de tous les jours, en prostituée. La différence réside en ce que cette représentation, au Brésil, fut prédominante, et en vint même à être réutilisée par ceux qui avaient d’abord soutenu le nouveau régime. La déception, exprimée dans cette fameuse formule « Ce n’est pas la République dont j’avais rêvé », se répandit bientôt dans le monde des caricaturistes, au moment où elle atteignait les politiciens de la propagande et les écrivains. [...] La République, lorsqu’elle n’était pas représentée par l’abstraction, classique ou romantique, trouvait son incarnation dans la figure de la femme corrompue, elle était une res publica, comme la prostituée était une res publica. [...] Symboles, allégories ou mythes ne s’enracinent que dans un terrain social et culturel qui les nourrit. En l’absence d’une telle base, toute tentative de les créer, de les manipuler ou de les utiliser comme instruments de légitimation, n’aboutissent à rien, sinon au ridicule. Il me semble qu’en France, il existait une telle communauté d’imagination. Au Brésil, elle n’existait pas. » (pp. 87-89). On ne peut pas, toutefois, oublier que la « Muse libre » de Fontoura Xavier figure dans un livre qui précède de cinq ans la Proclamation de la République… Serait-il donc possible, malgré tout, de confirmer une telle intention allégorique et une telle portée critique ? Le poète serait-il encore en train de penser à la République comme un idéal de régime de gouvernement et à la viabilité de son implantation dans le pays (y compris après les conséquences observées dans les pays l’ayant déjà adoptée) ? Quelle que soit la réponse, le fait est que le poème renferme un contraste évident entre l’attitude de la femme « populeuse, inerte et lasse », qui « méconnaît la vision » de la « courtisane de place publique » et la « sublime prostituée », alors que le « je » poétique, ébloui, adore et salue cette allégorie, qui s’offre comme modèle non plus à Marianne mais plutôt à Marion, qui, une fois encore, peut faire référence aussi bien à la prostituée de Jacques Rolla, de Musset, qu’à la célèbre courtisane Marion Delorme immortalisée par Hugo. À partir de ce modèle, Fontoura Xavier transforme, pour finir, et de manière encore plus ambivalente, la Muse Libre en « Muse de la Canaille » !
Traduit du portugais par Simon Berjeaut
1 Dans M. M. Machado de Assis, « A nova geração » (« La nouvelle génération »), in Crítica literária. Obras complétas (Critique littéraire. Œuvres complètes), Rio de Janeiro, São Paulo et Porto Alegre, W. M. Jackson, 1938. 2 Antonio Candido, « Os primeiros baudelairianos no Brasil » (« Les premiers baudelairiens au Brésil »), in A educação pela noite e outros ensaios (L’Education par la nuit et autres essais), São Paulo, Ática, 1987, p. 23-38. 3 Glória Carneiro do Amaral, Aclimatando Baudelaire (Acclimater Baudelaire), São Paulo, Annablume, 1996. 4 Cilaine Alves Cunha, O belo e o disforme (Le beau et le difforme), São Paulo, Edusp, 1997. 5 M. A. Álvares de Azevedo, Poesias completas (Poésie complète), (org. Péricles E. da Silva Ramos), Campinas, Edunicamp, 2002. 6 Candido parle même de véritables pastiches d’Álvares de Azevedo parmi d’autres romantiques (son oncle Gonçalves Dias, Casemiro de Abreu, Fagundes Varela...). Voir l’introduction et les notes du critique Teófilo Dias, Poesias escolhidas (Poésie choisie), São Paulo, Conselho Estadual de Cultura, 1960. 7 Theophilo Dia, Lyra dos verdes anos (Lyre des vertes années), Rio de Janeiro, Evaristo Rodrigues da Costa, 1878, p. 22-23. 8 Glória Carneiro do Amaral, î, p. 121. 9 Péricles Eugênio da Silva Ramos fut celui qui souligna le ton et le schéma de rimes des quintiles inspirés par « La chevelure », alors qu’Amaral (op.cit., pp. 126 et suivantes) y mit en relief les autres affinités. De Ramos, voir « A renovação parnasiana na poesia » (« La rénovation parnassienne dans la poésie »). In A. Coutinho, (org.). A literatura no Brasil (La littérature au Brésil), Rio de Janeiro, Ed. Sul Americana, 1969, vol. 3, p. 83-134. 10 Theophilo Dias, Fanfarras (Fanfares), São Paulo, Ed. Dolivaes Nunes, 1882, p. 24-25. 11 C’est Candido qui a, le premier, souligné l’incorporation de cet élément baudelairien du philtre toxique et enivrant dans son introduction à l’édition déjà citée de Poemas escolhidos (Poèmes choisis). Amaral développera l’analyse de cette incorporation aux côtés d’autres images et analogies typiquement baudelairiennes présentes chez Dias et d’autres de ses contemporains, comme l’électricité féline de la femme, ses « cheveux élastiques et lourds », ainsi que les métaphores animales associées aux instincts, qui trouvent dans « A matilha » (« La meute ») leur réalisation peut-être la plus heureuse de cette génération (op. cit., p. 148). 12 Idem, p. 32-33. 13 Idem, p. 34. 14 Antonio de Castro Alves, Espumas flutuantes/Os escravos (Ecumes flottantes/Les esclaves). São Paulo, Martins Fontes, 2001. 15 Amaral, op. cit. 16 Dans Amaral, op. cit. Tous les poèmes de Carvalho Júnior ont été reproduits ici en accord avec la transcription de l’essayiste. 17 Voir le commentaire du poème dans Amaral, op. cit., p. 91-93. Il est important de souligner que le sadisme légué par la poésie baudelairienne trouve dans cette génération sa meilleure expression dans l’un des plus beaux poèmes de Fontoura Xavier, « Pomo do mal » (« La pomme du mal »), qui fut l’objet d’une magistrale analyse d’Antonio Candido dans son essai homonyme. Voir O discurso e a cidade (Le discours et la ville). São Paulo: Duas Cidades, 1993, pp. 245-256. 18 Raimundo Correia, Alleluias. Rio de Janeiro, Cia Editora Fluminense, 1891, p. 165-66. 19 J’ai cherché à étudier la construction littéraire (à l’encontre des thèses guidées par des tendances biographiques) de ce mythe de l’adolescence dans l’œuvre azevedienne dans : Vagner Camilo, « Álvares de Azevedo, o Fausto e o mito romântico do adolescente no contexto político-estudantil do Segundo Reinado » (« Álvares de Azevedo, le Faust et le mythe romantique de l’adolescent dans le contexte politico-estudantin du Second Empire »). Itinerários n° 33. Araraquara, juillet-décembre 2011, p. 63-108. 20 Mario Praz, A carne, a morte e o diabo na literatura romântica (La chair, la mort et le diable dans la littérature romantique), (trad. Philadelpho Menezes), Campinas, Ed. UNICAMP, 1996. 21 Idem, p. 172. 22 Lily Litvak, « La mujer fatal » (« La femme fatale »), Erotismo fin de siglo (Erotisme fin-de-siècle). Barcelona, Antoni Bosch Ed., 1979, p. 145. 23 Peter Gay, A paixão terna – a experiência burguesa : da rainha Vitória a Freud (La tendre passion – l’expérience bourgeoise : de la reine Victoria à Freud), (trad. Sergio Flaksman), São Paulo, Companhia das Letras, 1990, p. 359. 24 Ross Chambers, Mélancolie et opposition : les débuts du Modernisme en France, Paris, José Corti, 1987. 25 Bien qu’oublié aujourd’hui, Pedro Luís marqua son époque avec « une demi-douzaine de pièces au verbe haut et à la fibre patriotique et politique ». Candido rappelle, à son sujet, les mots du préfacier de Poesias (Poésie) de Pedro Luís, lorsqu’il se réfère à l’apparition de celui-ci au sein de la génération qui succéda à celle d’Álvares de Azevedo, en signalant que sa gloire consista à briser « la monotonie de ces recoins tristes avec les clameurs de son clairon guerrier » (d’après Antonio Candido, « Novas direções na poesia » (« Nouvelles directions dans la poésie »). Formação da literatura brasileira : momentos decisivos (Formation de la littérature brésilienne : moments décisifs). Belo Horizonte: Itatiaia, 1981, vol. 2, p. 252). Voir aussi de Mário Neme, « Pedro Luís. Notas para uma biografia » (« Pedro Luís ; Notes pour une biographie »). RAM. São Paulo, 1940. 26 Pedro Luis, Dispersos (Dispersés), Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1934, p. 63. 27 Idem, p. 66-69. 28 Pour une synthèse des thèses sur la Guerre du Paraguay, voir Lilia M. Schwarcz, As barbas do imperador : um monarca nos trópicos (Les barbes de l’empereur : un monarque sous les tropiques), São Paulo, Companhia das Letras, 1998, p. 295-318. 29 Idem, p. 313. 30 Regina Zilberman souligne les ambigüités de la prise de position politique et idéologique, en pensant non pas à son républicanisme mais à son socialisme proudhonien : « Fontoura Xavier dénonce la misère publique, mais sa posture est toujours celle d’un aristocrate qui n’accepte pas de voir les distorsions sociales. En ce sens, Fontoura Xavier se rapproche beaucoup de certains personnages d’Eça de Queiroz : ceux qui incarnent des hommes riches qui, cultivés et modernes, s’émeuvent devant la misère, mais ne font rien pour la modifier. C’est le modernisme qui commença à assumer des positions socialistes, pourvu que celles-ci n’exigent pas plus qu’un poème, une confession ou une lettre apportant un témoignage politique. Pour la même raison, on confond souvent une position d’ordre idéologique avec une réflexion sur la décadence de la société, situation qui aboutit à expliquer la différence de classes ». Cf. « Fontoura Xavier : sua época e seus poemas » (« Fontoura Xavier : son époque et ses poèmes »). In Fontoura Xavier, Opalas (Opales), Porto Alegre, PUCRS, 1984, p. XXI. ___________________________________________________ - Auteur : Vagner Camilo
- Titre : Érotisme et politique : Autour de quelques représentations féminines dans la transition du romantisme au réalisme poétique - Date de publication : 26-02-2016 - Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense - Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=167 - ISSN 2105-2816 |