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COLLOQUES


LE LETTRÉ : DÉFINITIONS ET ENJEUX


La Bibliothèque de l’exil : portrait de B. Brecht en lettré (chinois)

Florian Mahot Boudias


 

« La politique du lettré procède d’une insatisfaction permanente vis-à-vis du présent, sans déboucher pourtant sur une éventuelle conquête du pouvoir : c’est une politique d’opposition. » Vie du lettré1

« Connaissez-vous le go ? un très vieux jeu chinois sur damier. C’est au moins aussi intéressant que les échecs – il nous faudrait l’introduire à Svendborg. Dans ce jeu de go, on ne déplace jamais les pions, on les pose juste sur le damier, vide au début. Il me paraît en aller de même avec votre pièce. Vous posez chacune de vos figures et de vos formulations à la bonne place. C’est à partir de là qu’elles exercent d’elles-mêmes, et sans avoir à faire un geste, leur juste fonction stratégique. » Lettre de Walter Benjamin à Brecht, 21 mai 19342

 

Lorsque je rencontrai William Marx à l’été 2009, dans le hall de la Bibliothèque nationale de France, il avait publié la même année Vie du lettré. Ce n’était pourtant pas cet auteur auquel je venais demander conseil au sujet de mon projet de thèse, mais, sur la recommandation d’une enseignante admirable dont les cours avaient éclairé une longue et asséchante préparation à l’agrégation, je venais rencontrer l’ancien chargé de recherches documentaires, statut qui convenait bien à un certain goût de l’archive que je sentais en moi, et surtout l’auteur de L’Adieu à la littérature3, synthèse dont l’ampleur m’avait enthousiasmé. Lui disant que je désirais travailler sur la politique de la littérature, William Marx m’avait répondu que ce qui l’intéressait le plus, lui, était la tension entre son autonomie et son hétéronomie. Il m’était apparu avec un corps de lettré, un corps qui respirait le sérieux et l’honnêteté, une voix calme et convaincante, ce qui rassura le futur doctorant qui ne savait pas trop où il mettait les pieds. Finalement, mon goût ne l’archive ne suffit pas à faire de moi un chargé de recherches documentaires, peut-être parce que je n’étais justement pas assez fait du bois des lettrés et parce que j’étais plus attiré par cette figure d’historien de la littérature que construisait William Marx dans son Adieu à la littérature. L’écriture de l’histoire m’intéressait plus que la vie des lettrés. Et c’est ainsi que Vie du lettré ne fut pas pour moi le livre le plus important de William Marx. Je commençais en tout cas une thèse, d’abord sous la forme d’un mémoire de Master 2, au sein de l’université Paris 10 Nanterre, à laquelle j’étais tout particulièrement attaché. Tout s’arrangeait pour le mieux et je commençais à travailler sur des textes inconnus en essayant de cerner un sujet. Au cours de ces lectures, je fis la rencontre d’un auteur que je connaissais pas, ou seulement à travers quelques concepts et quelques phrases, un auteur qui allait devenir primordial, une de ces lectures qui décapent une existence ou remettent quelque chose à plat, une lecture qui compte : Bertolt Brecht.

À présent que je réfléchis plus en profondeur à ce qu’est la vie du lettré, à ce concept de lettré, le nom de Bertolt Brecht s’impose à mon esprit. Mais quoi de plus lointain du raffinement de l’existence lettrée, d’une vie de bibliothèque, d’un corps façonné par la lecture et d’une sexualité sublimée, d’une vie de dialogue avec les livres du passé et de distance vis-à-vis des enjeux sociaux de la cité, que ce dramaturge communiste fondant son art impur sur l’émancipation des masses et sur l’inscription de l’écrivain au sein de la collectivité, ce jouisseur infidèle et entrepreneur mégalomane, ce créateur plagiaire et lecteur vorace, à la fois fervent défenseur du modernisme artistique et représentant de la culture officielle de la RDA, à la fois poète exilé et tyran de son petit royaume dramatique ? Les lettrés de William Marx placent au contraire leur vie sous le signe de la lecture patiente, de l’existence modeste, de la mélancolie savoureuse, du désintéressement et du dialogue feutré avec les autres lettrés, morts, vifs, ou à naître. En relisant aujourd’hui le livre, et particulièrement le chapitre « la politique », il m’apparaît que le lettré de William Marx, comme figure transhistorique, doit non seulement à la culture classique4, mais aussi à une rêverie orientale autour du lettré chinois, sage philosophe et conseiller plus ou moins heureux du seigneur ou de l’empereur, dont l’exemple illustre est Confucius, premier des lettrés. Que le choix de William Marx se soit porté sur le mot « lettré » – au lieu d’« érudit », de « savant », de « clerc », d’« intellectuel » – est significatif : le substantif est en français nimbé d’un voile oriental depuis le xviie siècle, ce qu’attestent déjà sa définition dans le dictionnaire de Furetière et ses occurrences dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Or, ce que Brecht et William Marx ont bien en commun est la lecture des lettrés chinois, et notamment de Confucius (mais qui n’est assurément pas le lettré préféré de Brecht). C’est ce paradoxe qu’il s’agit ici d’explorer : par anticipation, quelles relations a pu développer Brecht à l’égard des lettrés de William Marx ? Comment Brecht pense-t-il son rapport à la bibliothèque et à l’étude ? Est-il un écrivain lettré ? Il est évident qu’on sera ainsi moins amené à évoquer le Brecht dramaturge, homme de théâtre, que le Brecht poète et diariste, plus intime, plus inscrit dans la bibliothèque (et de moins en moins connu du lecteur francophone).

VISITE CHEZ LES POÈTES EN EXIL

Brecht est évidemment un lecteur de la bibliothèque et des actualités, mais un lecteur en exil politique, un lecteur en perpétuel déplacement, au moins entre 1933 et 1947. C’est pourquoi Brecht est un lecteur concerné : les discours de l’actualité (coupures de presse, photographies, films) entrent toujours chez lui en résonance avec sa pratique littéraire, comme le montre notamment le livre expérimental qu’est l’ABC de la guerre (Kriegsfibel, 1955), dont le dispositif mêlant photographies de presse et épigrammes grinçants a été analysé par Georges Didi-Huberman5. Mais le fait que Brecht n’ait pas eu de bibliothèque constituée et définitive ne l’a pas empêché de s’appuyer considérablement sur ses propres affinités dans le canon littéraire mondial pour produire ses travaux6. C’est d’ailleurs tout le sens des récurrentes accusations de plagiat contre le dramaturge : on lui a souvent reproché de réutiliser, de traduire et de réécrire des textes du passé, notamment ceux de François Villon dans L’Opéra de quat’ sous. Brecht travaille les textes du passé comme un matériau à sa disposition, il les adapte et les découpe, les démembre et les reconstruit pour les insérer dans son dispositif. C’est notamment visible dans sa réutilisation constante de l’ancien patron allemand de la ballade, et son attachement à la poésie chantée, que ce soit à la guitare dans les rues d’Augsbourg au début de sa carrière ou le song du théâtre et de la comédie musicale anglo-saxonne, utilisé dans le sens d’une parodie généralisée. Le théâtre de Brecht, comme sa poésie, témoignent en tout cas, au rebours d’une tabula rasa, d’une constante attention aux formes et aux productions du passé. Durant la période de l’exil, un poème en particulier thématise le rapport de Brecht aux poètes du passé et à leur enseignement : il s’agit de « Visite chez les poètes en exil » (« Besuch bei den verbannten Dichtern7 »), texte central des Poèmes de Svendborg (Svendborger Gedichte, 1939), dans lequel un « il » rentre dans la « maison des poètes en exil », où se trouvent Euripide, Ovide, Bai Juyi, Du Fu, Dante, Villon, Shakespeare, Voltaire et Heine.

 

Lorsqu’en rêve il entra dans la cabane des poètes
En exil, cabane située à quelques pas de celle
Où vivaient les professeurs exilés (il entendit
Venir de là un bruit de controverse avec des rires),
Ovide vint à sa rencontre et lui dit à mi-voix :
« Mieux vaut ne pas encore t’asseoir. Tu n’es pas mort encore.
Qui sait si tu ne prendras pas le chemin du retour ?
Et sans que rien même ait changé, rien si ce n’est toi-même. »
Bai Juyi, le regard consolateur, vint près de lui
Et dit en souriant : « Ne peut espérer mansuétude
Celui qui n’a nommé qu’une seule fois l’injustice. »
Et son ami Du Fu dit calmement : « Vois-tu, l’exil
N’est pas le lieu où la morgue se perd. » Mais plus terrestre,
Tout loqueteux, s’approcha d’eux Villon : « Combien de portes
A la maison où tu vis ? » lui dit-il. Sur le côté,
Dante lui tira la manche et murmura : « Tes vers
Sont un grouillis d’imperfections, ami, prends garde et songe
A tous ceux qui sont contre toi ! » Et Voltaire intervint :
« Veille aux sous, sinon ils te feront mourir de faim ! » Heine
Cria : « Et par-ci par-là le mot pour rire ! » « Inutile,
Gronda Shakespeare, à peine Jacques roi, je n’ai plus eu
Le droit d’écrire, moi non plus ». « Si tu vas en justice,
Comme avocat prends un gredin ! » conseilla Euripide.
« Car lui connaît les trous dans le réseau des lois. » Les rires
Se prolongeaient, quand s’éleva, du recoin le plus sombre,
Un appel : « Toi, sait-on tes vers par cœur ? Ceux qui les savent
Sont-ils sûrs d’échapper à la persécution ? » « Ceux-là,
Ce sont les oubliés », dit à voix très basse Dante.
« Leurs corps furent anéantis et puis aussi leurs œuvres. »
Le rire cessa net. Pas un n’osait les regarder.
Le nouvel arrivant avait blêmi.


Als er im Traum die Hütte betrat der verbannten
Dichter, die neben der Hütte gelegen ist
Wo die verbannten Lehrer wohnen
(er hörte von dort Streit und Gelächter), kam ihm zum Eingang
Ovid entgegen und sagte ihm halblaut :
« Besser, du setzt dich noch nicht. Du bist noch nicht gestorben. Wer weiss da
Ob du nicht doch noch zurückkehrst ? Und ohne dass andres sich ändert
Als du selber. « Doch, Trost in den Augen
Näherte Po Chü-i sich und sagte lächelnd : « Die Strenge
Hat sich jeder verdient, der nur einmal das Unrecht bennante. »
Und sein Freund Tu-fu sagte still : « Du verstehst, die Verbannung
Ist nicht der Ort, wo der Hochmut verlernt wird. » Aber irdischer
Stellte sich der zerlumpte Villon zu ihnen und fragte : « Wie viele
Türen hat das Haus, wo du wohnst ? » Und es nahm ihn der Dante beiseite
Und ihn am Ärmel fassend, murmelte er : « Deine Verse
Wimmeln von Fehlern, Freund, bedenk doch
Wer alles gegen dich ist ! » Und Voltaire rief hinüber :
« Gib auf den Sou acht, sie hungern dich aus sonst ! »
« Und misch Spässe hinein ! » schrie Heine. « Das hilft nicht »
Schimpfte der Shakespeare, « als Jakob kam
Durfte auch ich nicht mehr schreiben ». « Wenn’s zum Prozess kommt
Nimm einen Schurken zum Anwalt ! » riet der Euripides
« Denn der kennt die Löcher im Netz des Gesetzes. » Das Gelächter
Dauerte noch, da, aus der dunkelsten Ecke
Kam ein Ruf : « Du, wissen sie auch
Deine Verse auswendig ? Und die sie wissen
Werden sie der Verfolgung entrinnen ? » « Das
Sind die Vergessen », sagte der Dante leise
« Ihnen wurden nicht nur die Körper, auch die Werke vernichtet. »
Das Gelächter brach ab. Keiner wagte hinüberzublicken. Der Ankömmling
War erblaßt.

Ce poème dantesque est à comprendre dans le contexte des autodafés des années 1930 et de la lutte pour la culture. Brecht exilé trouve alors dans la prosopopée des poètes du passé une aide pour continuer son combat d’écrivain exilé. C’est le premier enjeu d’un tel poème : il s’agit pour Brecht d’éviter le discours élégiaque et de trouver un enseignement éthique, du conseil et de la ténacité, dans la lecture ou le souvenir des poètes du passé. À partir de 1933, l’enjeu est aussi de se construire une autorité littéraire. Comme les éditeurs des revues allemandes exilées, il recrée dans son art un réseau de symboles prestigieux de l’exil. Ces images, ou allégories de l’exil, construisent aussi la force du discours brechtien et permettent de décrire l’expérience de l’exil comme valeur. Dans un tapuscrit de 1934 intitulé « L’Émigration des poètes » (« Die Auswanderung der Dichter »), il fait une liste de poètes bannis dans un esprit assez semblable à celui du poème des Svendborger Gedichte8. Ces poètes ont ainsi une fonction allégorique et pédagogique, historique aussi : Brecht montre à son lecteur et se montre à lui-même la profondeur temporelle des luttes. Cette convocation est enfin la marque en creux de la mélancolie brechtienne face à l’histoire comme éternel retour des luttes politiques et du bannissement des poètes lettrés.

L’ENSEIGNEMENT DES LETTRÉS CHINOIS

Cette convocation des poètes du passé donne lieu à un travail des textes, au sens fort du terme, et ce travail constitue un savoir, à la fois pour Brecht et pour le lecteur de ses œuvres. La tradition littéraire des écrivains exilés devient un objet de réflexion, un objet d’inspiration et de création. Ce travail peut être de l’ordre de la réécriture à travers le filtre de la traduction, de la Nachdichtung, en particulier de la littérature chinoise9. Il en est ainsi des Poèmes chinois (Chineschiche Gedichte), dont le titre unique cache deux recueils : un premier recueil, « Six poèmes chinois » (Sechs chinesische Gedichte), publié en août 1938 dans la revue moscovite Das Wort ; un second recueil, Chinesische Gedichte, qui reprend le premier en l’amplifiant, paraissant en 195010. Cet écart temporel montre à lui seul l’omniprésence, chez Brecht, de la littérature chinoise. Ce tropisme chinois est ancien : on trouve dans ses archives un essai de poème datant de 1920 et s’intitulant « À Tsi te je11 », il est fasciné dans les années 1930 par la découverte à Moscou du théâtre chinois et du jeu à la fois rituel et gestuel de l’acteur Mei Lanfang12 et la Chine devient le décor de la fable didactique qu’est La Bonne Âme de Se-Tchouan (Die gute Mensch von Sezuan, 1943). Dans les Poèmes chinois, sept poèmes sont en fait des traductions de Bai Juyi (viiie-ixe s.), un poète de la dynastie Tang ayant connu l’exil. La thématique sociale de ses poèmes, leur froide simplicité et leur caractère lapidaire plaisent à Brecht. On en trouve également témoignage dans les Poèmes de Svendborg, avec « À l’occasion de la naissance d’un fils » (« Bei der Geburt eines Sohnes »), poème inspiré de Su Shi (xie s.)13. Dans les années 1930, Brecht travaille ces textes à partir d’une édition anglaise de poèmes chinois, ce qui pose non seulement une question de traduction mais aussi d’auctorialité. Le matériau de travail est l’anthologie d’Arthur Waley, 170 Chinese Poems (1918), dans laquelle Elisabeth Hauptmann choisit certains textes et les traduit en allemand pour Brecht. Le 3 mai 1934, elle lui envoie une lettre de Saint-Louis dans le Missouri pour attirer son attention sur le volume de Waley14. En plus des filtres des différentes traductions, le recueil de Brecht apparaît d’emblée comme un travail à quatre mains. Il est même vraisemblable que les premières versions de ces poèmes soient d’Elisabeth Hauptmann. Les poèmes chinois sont souvent des formes courtes, de quatre à huit vers, et chaque vers compte cinq ou sept pieds. Les poèmes les plus longs n’obéissent pas à de telles contraintes. On peut faire une hypothèse quant aux raisons qui incitent Brecht à s’intéresser à ces textes : il y est séduit par la lyrique de l’exil et l’expression élégiaque que contiennent ces vers et par les interrogations continuelles de leurs auteurs sur l’efficacité sociale et politique de l’art. Dans la revue Das Wort, les traductions de Brecht apparaissent clairement dans la rubrique des « traductions » (Übersetzungen) sous le titre « Transferts » (Übertragungen)15. Ainsi les Poèmes chinois de Brecht ne sont-ils pas présentés comme un recueil, mais comme une série de traductions. Le détour par la poésie chinoise permet aussi à Brecht d’éviter l’élégie personnelle et l’obscénité du lyrisme. Le travail de la traduction permet un décentrement existentiel. Plutôt que de toujours se baser sur sa propre expérience, Brecht impose à son lecteur une sorte de défamiliarisation et souhaite provoquer sa réflexion. Il s’agit d’utiliser la profondeur du passé pour mieux penser l’histoire présente et ses enjeux. La traduction, la polyphonie et l’effet de fiction ont un but convergent : au-delà de représenter la société contemporaine, elles permettent de présenter des histoires exemplaires faisant comprendre au lecteur les logiques historiques. L’usage de la troisième personne permet de représenter les luttes et les conflits de l’histoire sur un mode objectif : la poésie ne doit pas être seulement l’expression d’une conscience mais aussi le creuset des voix du monde. Il s’agit de sortir de soi pour mieux prendre en charge l’évocation de l’histoire collective.

Ce rapport à la transmission et au savoir venu d’autres consciences, l’un des Poèmes de Svendborg l’approfondit : il s’agit de la « Légende de la genèse du Tao te King écrit par Laozi sur le chemin de l’exil » (« Legende von der Entstehung des Buches Taoteking auf dem Weg des Laotse in die Emigration »), texte précédant d’ailleurs immédiatement « Visite chez les poètes en exil ». Cet apologue, formé de treize strophes rimées, raconte comment Laozi se retira du monde en voyageant à dos de bœuf et rencontra sur le chemin de l’exil un douanier qui lui demanda de mettre par écrit son enseignement. Cette légende figure ainsi la genèse du livre aux cinq milles caractères, le Tao te King. Chez Brecht, le douanier est prolétaire, d’abord agressif puis demandeur d’enseignement, il offre l’hospitalité à Laozi afin que celui-ci dicte ses quatre-vingt-une maximes. La dernière strophe résonne comme une morale et dit le rapport du narrateur à la transmission de la sagesse, toujours à lire dans le contexte des autodafés et de la haine de la culture propre au régime nazi :

13.

Mais ne célébrons pas uniquement le sage
Dont le nom au milieu du livre resplendit !
Il faut en effet arracher sa sagesse au sage.
C’est pourquoi le douanier aussi doit être remercié :
C’est lui qui lui en a fait la demande instante16.


13.

Aber rühmen wir nicht nur den Weisen
Dessen Name auf dem Buche prangt!
Denn man muß dem Weisen seine Weisheit erst entreißen.
Darum sei der Zöllner auch bedankt:
Er hat sie ihm abverlangt17.

Le poème est écrit en 1938, d’abord paru dans Internationale Literatur (Moscou, 1939, vol. 1, p. 33) mais la légende est connue de Brecht dès les années 1920. Sa source est sans conteste le livre de Laozi, Tao te king. Das Buch des Alten vom Sinn und Leben, paru en 1911 dans la traduction de Richard Wilhelm18. Laozi est certes l’exemple archaïque de la figure du sage lettré mais il serait abusif de prétendre qu’il est un masque de Brecht – qu’on pourrait tout aussi bien chercher dans la figure du douanier ou du jeune garçon conduisant le bœuf. Pour Walter Benjamin, dans ses « Commentaires de poèmes de Brecht », la « Légende » montre la valeur de « l’amabilité » (Freundlichkeit) dans le système éthique brechtien, particulièrement en temps de crise. Il voit notamment affleurer cette valeur dans l’image de la roche dure qui a le dessous face à l’eau qui la polit et la creuse : « c’est la dureté qui a le dessous » (« das Harte unterliegt »), dit l’enfant au douanier après que celui-ci lui eut demandé ce que Laozi avait appris en exerçant le métier d’enseignant19. Les symboles ne sont pas monolithiques, et Brecht semble surtout vouloir provoquer chez le lecteur la même réflexion que provoqua ce texte en lui. Par la voie d’un poème pédagogique, il souhaite transmettre la valeur d’une impression de lecture et met en forme une légende qui semble l’obséder. Il n’en reste pas moins que Laozi est une figuration de l’exil, de l’émigration, et celle d’un savoir possiblement perdu, sans postérité, un enseignement oral sans continuateur. Brecht veut mettre en scène cette conscience mélancolique du savoir, ainsi que les conditions matérielles de sa transmission finalement rendue possible par la demande polie (« höflich ») d’un douanier au visage tanné et au veston rapiécé. Brecht exprime ainsi sa confiance en une humanité pleine de questions, attentive aux savoirs des lettrés.

REVENIR TOUJOURS AU MANUEL

Dans sa poétique, Brecht semble toujours avoir à l’esprit cette figure du vieux douanier passeur, qui peut devenir selon les textes un enfant, un ouvrier, une prostituée curieuse. Il s’agit de susciter la réflexion, au quotidien et de manière critique. C’est pourquoi l’auteur a une constante préoccupation du manuel, de sa manipulation répétée, d’un enseignement livresque très concret, et de l’inscription de ce savoir dans une tradition ancestrale. Brecht a toujours affectionné, imité, parodié la forme du manuel, que ce soit dans les Sermons domestiques ou Extraits d’un manuel pour habitants des villes ou dans son fameux ABC de la guerre. Ce goût se retrouve dans un livre jamais publié, auquel Brecht travailla vraisemblablement des années 1930 jusqu’à sa mort : Me-ti, Livre des tournants ou Livre des retournements (Buch der Wendungen). Ce texte posthume, dont le contenu et l’ordre des textes fluctuent en fonction des découvertes de la recherche en génétique textuelle, a été constitué par la critique brechtienne et publié pour la première fois en 1965. Il s’agit d’un recueil d’aphorismes, d’anecdotes et de réflexions inspiré de la lecture de Mozi, philosophe du cinquième siècle avant notre ère, lettré d’origine plébéienne, pacifiste et critique à l’égard de confucianisme en tant que religion d’État, et dont les écrits ont été rassemblés dans l’ouvrage qui porte son nom, plus tard intégré dans le canon taoïste et traduit en allemand en 192220. Le titre du livre de Brecht joue avec l’un des cinq livres canoniques du confucianisme, Yi-King, qui est traduit en allemand par Buch der Wandlungen. Brecht s’inspire ainsi de Mozi et retient la figure centrale du « Sozialethiker », cite presque tels quels certains passages et en amplifie ou crée d’autres, transposant l’existence lettrée dans le monde contemporain, en utilisant avec humour les masques de la fiction, à la fois transparents et grotesques. L’URSS devient ainsi « Su », Staline est « Ni-en », Hitler est « Hi-yeh ». La réorganisation des phonèmes de « Lénine » permet d’aboutir à « Mi-en-leh ». Dans le cas de Karl Marx (« Ka-meh ») et Friedrich Engels (« Eh-Fu »), ce sont les initiales qui deviennent le matériau du canular singeant les noms chinois. Brecht apparaît lui-même sous le nom « Kin » ou « Kin-yeh », présent dans le livre à travers ses prises de position esthétiques, et il est évidemment aussi à chercher derrière le personnage principal du livre, Me-ti, figure de sage calquée sur Mozi, ayant des maîtres et des disciples (Brecht répète comme un refrain « Me-ti sagte » pour introduire de nombreux enseignements). Les thématiques de ces fragments brechtiens sont l’édification de l’URSS, le « grand ordre » (« grosse Ordnung »), les procès staliniens, l’aliénation des intellectuels, l’économie du désir et de l’amour (avec Lai-tu, figurant Ruth Berlau). Sur un feuillet isolé datant des années 1930, Brecht semble expliciter son projet dans un discours préfaciel s’appuyant sur la fiction d’une traduction anglaise de l’œuvre de Mozi.

Le Livre des retournements a été transcrit en allemand à l’aide d’une traduction anglaise faite à partir du chinois par Charles Stephen. Ce livre ne fait pas partie des classiques de l’Antiquité chinoise, bien que le noyau en provienne de Mozi. La doctrine de Mozi, après avoir été presque complètement évincée par les disciples de Confucius, a, au cours du siècle dernier, repris sa place au premier plan, quelques uns de ses éléments rappelant certains courants de la philosophie occidentale et rendant presque un son moderne. Les chapitres « Sur la musique » et « Sur le comportement » sont du pur Mozi. D’autres chapitres, sans être de Mozi, sont tout aussi anciens. D’autres encore, tout en étant de date récente, sont eux aussi, dans le texte chinois, rédigés dans le style des écrivains anciens. Du point de vue strictement scientifique, des ouvrages comme le Livre des retournements ne sont pas sans appeler des réserves. Mais le lecteur qui s’attache moins à l’authenticité qu’au contenu lira ce livre avec profit, en dépit de son caractère éclectique. L’introduction de façons modernes de penser et le choix parfois fort drôle des comparaisons tirées de l’histoire moderne pour illustrer les idées fondamentales d’un vieux philosophe chinois, c’est justement ce qui amusera plus d’un lecteur21.

Das Buch der Wendungen ist unter Benutzung einer englischen übersetzung aus dem Chinesischen von Charles Stephen ins Deutsche übertragen worden. Es gehört nicht zu den klassischen Büchern der chinesischen Antike, wenngleich sein Kern von Mozi stammt. Die Lehre Mozis ist nach ihrer fast völligen Verdrängung durch die Konfuzianer im letzten Jahrhundert wieder in den Vordergrund getreten, da einige ihrer Elemente an gewisse westliche philosophische Strömungen erinnerten und fast modern anmuten. Das Kapitel Von der Musik und Vom Benehmen sind echter Mozi. Andere Kapitel sind nicht von Mozi, aber gleichfalls alt. Wieder andere sind neuen Datums, sie sind jedoch auch in der chinesischen Fassung im Stil der Alten geschrieben. Vom streng wissenschaftlichen Standpunkt aus sind Werke wie das Buch der Wendungen nicht unbedenklinch. Der Leser aber, der sich weniger an den Echtheitsstempel als an den Inhalt hält, wird trotz der eklektischen Züge das Buch mit Gewinn lesen. Gerade die Einfügung moderner Gedankengänge und die teilweise recht amüsante Wahl der Vergleiche aus der modernen Geschichte für die Grundgedanken eines alten chinesischen Philosophen wird manchen Leser erfreuen22.

D’une façon presque borgésienne, Brecht invente ainsi une tradition livresque (Charles Stephen n’existe pas), use des masques parodiques de la fiction tout en inscrivant son propos dans la profondeur historique de la tradition lettrée. Souvent, il apparaît dans le livre assez clairement une conscience mélancolique de la répétition et de la nécessaire référence à la tradition, comme en témoigne le passage suivant :

Le vieux neuf
Un disciple dit à Me-ti : « Ce que tu enseignes n’est pas neuf. Ka-meh et Mi-en-leh ont enseigné la même chose, et mille autres en dehors d’eux ». Me-ti répondit : « Je l’enseigne parce que c’est vieux, c’est-à-dire parce qu’on pourrait l’oublier et le considérer comme valant seulement pour le passé. N’y a-t-il pas une foule prodigieuse de gens pour qui c’est tout à fait nouveau23 ? »

Das alte Neue
Zu Me-ti sagte ein Schüler: was du lehrst, ist nicht neu. Dasselbe haben Ka-meh und Mi-en-leh gelehrt und unzählige außer ihnen. Me-ti antwortete: Ich lehre es, weil es alt ist, das heißt , weil es vergessen werden und als nur für vergangegene Zeiten gültig betrachtet werden könnte. Gibt es nicht ungeheuer viele, für die es ganz neu ist24?

Il s’agit de valoriser une sagesse ancienne et de souligner son pouvoir pédagogique, aux dépens peut-être d’une vision uniquement techniciste et moderniste : dans l’imaginaire brechtien, l’histoire tend à se répéter et le nouveau ne l’est jamais tout à fait complètement. Brecht invite son lecteur à tourner le regard vers le passé. Plus largement, on trouvera d’ailleurs dans les poèmes et les écrits de Brecht, de manière continuelle, toute une nécropole mondiale, du paysan égyptien au lettré chinois, de la mendiante provinciale à l’intellectuel de la capitale, nécropole qui est la dépositaire de la mémoire des mœurs et de l’oppression immémoriale des faibles. Dans ce cadre historique, et pour faciliter l’émancipation, Me-ti évoque également la vie des maîtres Marx et Engels, qui sont d’authentiques vies de lettrés au sens de William Marx :

Vie des maîtres
Les maîtres Ka-meh et Eh-Fu, qui étaient les plus grands moralistes de leur temps, enseignaient peu de chose sur le comportement des individus. Sur l’attitude à adopter à l’égard de leur famille, la manière de gagner leur vie, de traiter leurs semblables, de s’acquérir de la considération, de contracter mariage, de faire œuvre d’art, bref, sur la manière de vivre, leurs disciples apprenaient peu de chose. De son côté la vie de ces maîtres s’était écoulée de façon toute simple. Ni à l’égard de leurs familles, ni à l’égard de leurs amis les plus proches, ils ne s’étaient conduits d’une manière qui appelât l’attention. Alors que l’un était à l’aise, l’autre vécut au milieu des difficultés d’argent. Ils ne réussirent pas toujours à convaincre leurs interlocuteurs et connurent fréquemment des échecs. Nombre de prédictions qu’ils avaient faites ne se réalisèrent pas. Ils laissèrent inachevés des ouvrages importants. Ils exprimèrent la plupart de leurs vues en s’attaquant à celles des autres, si bien qu’une partie de leurs livres ne peut se comprendre que si on lit également les médiocres ouvrages de leurs adversaires25.

Die Meister Ka-meh und Eh-fu, welche die grössten Verhaltenlehrer ihrer Zeit waren, lehrten wenig über das Verhalten der einzelnen. Wie sich zu ihrer Familie stellen sollten, wie sie ihren Lebensunterhalt verdienen, ihren Mitmenschen behandeln, sich Ansehen verschaffen, Ehen schliessen, Kunst machen, kurz: wie sie leben sollten, darüber erfuhren ihre Schüler wenig. Auch das Leben der Meister selber war einfach verlaufen. Weder ihren Familien, noch ihren engeren Freunden gegenüber hatten sie sich auffallend benommen. Während der eine wohlhabend war, lebte der andere in Geldschwierigkeiten. Sie konnten nicht alle überzeugen, die mit ihnen sprachen, und erlebten häufig Niederlagen. Eine Reihe von Voraussagen, die sie gemacht hatten, trafen nicht ein. Wichtige Werke liessen sie unbeendet. Die meisten ihrer Ansichten äusserten sie, indem sie die Ansichten anderer angriffen, so dass ihre Bücher teilweise nur zu verstehen sind, wenn man auch die schlechten Bücher ihrer Gegner liest26.

Me-ti souligne ici les conditions d’émergence concrètes et matérielles du marxisme, avec ces corps de Marx et Engels pris dans une économie, dans des rapports sociaux et des polémiques intellectuelles. Brecht est matérialiste jusque dans sa conception de l’émergence des concepts philosophiques. Me-ti souligne aussi l’ampleur de l’héritage philosophique de Marx et Engels tout en pointant dans leur système un manque éthique : comment se comporter en tant qu’individu est une question qui semble ne pas trouver de réponse dans leur philosophie, alors même qu’elle est le cœur de l’entreprise de Mozi et des lettrés chinois de l’Antiquité. Cette réponse, c’est comme si Brecht voulait la prendre à sa charge, tout du moins la poser dans l’exercice de rédaction de son Livre des tournants. C’est pourquoi ce manuel se présente avant tout comme un livre de l’esprit critique, un manuel d’exercices offert au lecteur, certes jamais publié, mais prouvant par là même que l’exercice intellectuel importait plus à l’auteur que la publication d’un livre. Brecht s’inscrit lui-même et inscrit son lecteur dans la tradition d’un savoir pratique et revendique les implications éthiques de la forme poétique choisie. Rien de plus éloigné de l’écrivain romantique, de l’auctorialité triomphante ou du fétichisme du livre : Brecht se conçoit ici comme un lettré marxiste, contribuant à l’émancipation de ses contemporains, lecteurs et lettrés en puissance.

 

Brecht est bien un écrivain lettré. Pas de terrorisme avant-gardiste chez lui, il n’est pas un expressionniste et encore moins un futuriste, il ne nie pas l’existence et la valeur de la bibliothèque. Le recours aux textes du passé, et particulièrement à ceux de la Chine antique et impériale, n’est pas à mettre au crédit d’un orientalisme : le texte est travaillé, réemployé, sur un mode moderniste, dans la perspective du collage et du montage, voire de la parodie. La singerie est toujours chez lui un préambule à la réflexion. Les textes des lettrés orientaux ne sont pas pour Brecht des chinoiseries, ils sont des supports de réflexion, des matériaux de lecture puis d’écriture. Brecht est convaincu que rien ne s’écrit qu’à partir d’une lecture concrète et il emploie la bibliothèque comme un matériau à part entière. Dans ce cadre, la poésie philosophique chinoise provoque une défamiliarisation de l’auteur et du lecteur. Dès 1930 Walter Benjamin l’écrit dans l’exposé intitulé « Bert Brecht » :

« L’écrit pour lui n’est pas œuvre, mais appareil, instrument. Plus haut se situe son niveau et plus il est capable de transformation, de démontage et de métamorphose. L’exemple des grandes littératures canoniques, surtout de la chinoise, a montré à Brecht que là-bas la suprême exigence posée à l’égard de l’écrit est qu’il soit citable. Signalons que prend fondement ici une théorie du plagiat qui aura vite fait de couper le souffle aux plaisantins27. »

« Das Geschriebene ist ihm nicht Werk, sondern Apparat, Instrument. Es ist, je höher es steht, desto mehr der Umformung, der Demontierung und Verwandlung fähig. Die Betrachtung der großen kanonischen Literaturen, vor allem der chinesischen, hat ihm gezeigt, daß der oberste Anspruch, der dort an Geschriebenes gestellt wird, seine Zitierbarkeit ist. Es sei angedeutet, daß hier eine Theorie des Plagiats gründet, bei der den Witzbolden sehr schnell der Atem ausgehen wird28. »

Il ne s’agit jamais de rechercher une essence des sagesses ou des littératures chinoises, revenir à un original fantasmé, ou s’imprégner d’un canon, il s’agit d’abord et avant tout de provoquer la distance et de mimer une sagesse précisément pour la faire advenir. Benjamin insiste sur la « citabilité » (« Zitierbarkeit ») de la littérature chinoise, concept qui entre en écho avec la pratique brechtienne du montage et sa valorisation du geste scénique, c’est-à-dire la possibilité pour l’acteur comme pour le spectateur d’isoler un geste, de l’extraire et de le penser. Mais cette pratique de lettré ne va pas sans une certaine nostalgie, Brecht en exil a une vie quotidienne de lettré, celle de l’attention, de la curiosité et du doute. Il en a aussi la profonde mélancolie : Brecht, comme l’Ange de l’histoire de Walter Benjamin, avance en contemplant le passé qui s’éloigne. Cette prégnance du rapport au passé, chez Brecht, son rapport presque fétichiste, non au livre comme objet mais au livre comme trace d’une expérience et d’une praxis, fait de Brecht un lettré. Ici réside la modestie du savoir et de la pratique brechtienne, la possibilité d’un marxisme critique. Et sa politique de lettré mélancolique.

 

BIBLIOGRAPHIE
 

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A Hundred and Seventy Chinese Poems. Translated by Arthur Waley, traduit par Arthur Waley, Londres, Constable, 1918.

 

1 William Marx, Vie du lettré, Paris, Éditions de Minuit, 2009, p. 151.

2 « Kennen Sie Go ? ein sehr altes chinesisches Brettspiel. Es ist mindestens so interessant wie Schach – wir müßten es in Svendborg einführen. Beim Go werden Steine nie bewegt, nur auf das, anfänglich leere, Brett gesetzt. Diese Bewandtnis scheint es mir mit Ihrem Stück zu haben. Sie setzen jede Ihrer Figuren und Formulierungen an die richtige Stelle, von der aus sie von selber und ohne sich geberden zu müssen die richtige strategische Funktion ausüben. » Walter Benjamin, Essais sur Brecht, traduit par Philippe Ivernel, Paris, La Fabrique, 2003, p. 155 ; Versuche über Brecht [1930-1939], Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1978, p. 128-129.

3 William Marx, L’Adieu à la littérature¯: histoire d’une dévalorisation, xviiie-xxe siècle, Paris, Éditions de Minuit, 2005.

4 Chez Aristote, l’homme savant est opposé à l’homme politique dans l’Éthique à Nicomaque, dichotomie que l’on retrouve au sein de la vie même, et de la mort, de Cicéron selon William Marx.

5 Bertolt Brecht, ABC de la guerre [Kriegsfibel] [1955], traduit par Philippe Ivernel, Paris, L’Arche, 2015 ; Georges Didi-Huberman, Quand les images prennent position, L’oeil de l’histoire, 1, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 2009.

6 Erdmut Wizisla, Helgrid Streidt et Heidrun Löper (éds.), Die Bibliothek Bertolt Brechts: ein kommentiertes Verzeichnis, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Verlag, 2007 ; Reinhold Grimm, Bertolt Brecht und die Weltliteratur, Nürnberg, Allemagne, H. Carl, 1961.

7 Bertolt Brecht, Gedichte, 2: Sammlungen 1938-1956, Berlin et Francfort-sur-le-Main, Aufbau-Verlag et Suhrkamp, 1988, p. 35 36 ; Bertolt Brecht, Poèmes, 4¯: 1934-1941, Paris, L’Arche, 1966, p. 50 51. Trad. Maurice Regnaut.

8 Bertolt Brecht, Gedichte, 4: Gedichte und Gedichtfragmente 1928-1939, Berlin et Francfort-sur-le-Main, Aufbau-Verlag et Suhrkamp, 1993, p. 256.

9 Sur la presence du motif chinois dans l’oeuvre brechtien, voir : Antony T. Tatlow, The Mask of Evil¯: Brecht’s Response to the Poetry, Theatre and Thought of China and Japan, A Comparative and Critical Evaluation, Bern, Peter Lang, 1977 ; Renata Berg-Pan, Bertolt Brecht and China, Bonn, Bouvier, 1979; Eric Hayot, Chinese Dreams: Pound, Brecht, Tel Quel, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2004.

10 Le premier recueil de Brecht paraît en 1938 contient six poèmes. Dans l’édition de 1950, ces poèmes sont en partie retravaillés, mis dans un ordre différent et augmentés de trois pièces. En 1967, sont publiés dans les œuvres complètes trois poèmes supplémentaires. Sur ces textes, voir Bertolt Brecht, Gedichte, 1: Sammlungen, 1918-1938, Berlin et Francfort-sur-le-Main, Aufbau-Verlag et Suhrkamp, 1988, p. 255 266 ; Jan Knopf (éd.), Brecht Handbuch - Gedichte, Stuttgart, J. B. Metzler, 2001, p. 304 313.

11 « An Tsi te je, / Chinesische Himmel, äußerst violett… », Brecht Archiv, Akademie der Künste, Berlin, cote BBA1 – 0004/019. Reproduit dans Bertolt Brecht, Gedichte, 3: Gedichte und Gedichtfragmente 1913-1927, Berlin et Francfort-sur-le-Main, Aufbau-Verlag et Suhrkamp, 1993, p. 187.

12 Bertolt Brecht, Écrits sur le théâtre [Schriften zum Theater], Paris, Gallimard, coll. « Bibl. de la Pléiade », 2000, p. 803 812.

13 « Bei der Geburt eines Sohnes (Nach dem Chinesischen des Su Tung-p’o) », Brecht Archiv, Akademie der Künste, Berlin, cotes BBA1 1208/012 (cette page contenant également le poème « Ansprache des Bauern an seinen Ochsen »), BBA 1 1949/042+, BBA1 0999/070, BBA1 1940/027+.

14 Lettre d’Elisabeth Hauptmann à Brecht, 3/05/1934, Brecht Archiv, Akademie der Künste, Berlin, cote BBA2 0480/83-088. Voir A Hundred and Seventy Chinese Poems. Translated by Arthur Waley, traduit par Arthur Waley, Londres, Constable, 1918, 168 p. On peut aussi penser que la lecture d’Ezra Pound eut un rôle dans l’émergence de l’intérêt de Brecht.

15 « Unbekannter Dichter (100 v. Chr.) : Die Freunde ; Po (772-846) : die Decke, Der Politiker, der Drache des schwarzen Pfuhls ; Ts’ao Sung (870-920) : ein Protest im sechsten Jahre des Chien Fu ; Su Tung-p’o (1036-1101) : bei der Geburt seines Sohnes », Das Wort, 3ème année, 1938, n° 7-9, p. 87-89.

16 Bertolt Brecht, Poèmes, 4, op. cit., p. 50 51. Traduction de Maurice Régnaut modifiée par nos soins.

17 Bertolt Brecht, Gedichte, 2, op. cit., p. 34.

18 Laozi, Laotse Tao te King; das Buch des Alten vom Sinn und Leben, traduit par Richard Wilhelm, Iena, E. Diederichs, 1911.

19 Walter Benjamin, Essais sur Brecht, op. cit., p. 113 116 ; Versuche über Brecht, op. cit., p. 92-96.

20 Mê Ti des Sozialethikers und seiner Schüler philosophische Werke, zum ersten Male vollständig übersetzt, mit ausführlicher Einleitung, erläuternden un textkritischen Erklärungen versehen von Professor Alfred Forke, traduit par Alfred Forke, Berlin, Kommissionsverlag der Vereinigung wissenschaftlicher Verleger, 1922.

21 Bertolt Brecht, Me Ti, Livre des retournements [Me Ti, Buch der Wendungen], traduit par Bernard Lortholary, Paris, L’Arche, 1979, p. 9.

22 Bertolt Brecht, Prosa, 3, Berlin et Francfort-sur-le-Main, Aufbau et Suhrkamp, 1995, p. 194.

23 Bertolt Brecht, Me Ti, Livre des retournements [Me Ti, Buch der Wendungen], op. cit., p. 94 95.

24 Bertolt Brecht, Prosa, 3, op. cit., p. 96.

25 Bertolt Brecht, Me Ti, Livre des retournements [Me Ti, Buch der Wendungen], op. cit., p. 148.

26 Bertolt Brecht, Prosa, 3, op. cit., p. 107.

27 Walter Benjamin, Essais sur Brecht, op. cit., p. 16.

28 Walter Benjamin, Versuche über Brecht, op. cit., p. 15.



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- Auteur : Florian Mahot Boudias
- Titre : La Bibliothèque de l’exil : portrait de B. Brecht en lettré (chinois)
- Date de publication : 22-11-2017
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=194
- ISSN 2105-2816