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COLLOQUES


LES LETTRES FRANCOPHONES, HISPANOPHONES, LUSOPHONES ET LA LATINITE
La communauté au secours de la nation : politiser l’identité « latine », un gage de compétitivité dans les sociétés mondialisées de la fin du XIXe siècle ?

Sarah Al-Matary, Université de Lyon, EA « Passages XX-XXI »


Le travail de singularisation engagé lors de la constitution des États-nations européens s’accompagne d’une essentialisation des activités sociales. À mesure que les nations gagnent en souveraineté, les stéréotypes qui sont attachés à leurs populations trouvent donc une nouvelle vigueur ; phénomène qui contribue à renforcer les tensions culturelles entre les différents ensembles. En effet, avec les révolutions industrielles, une double dynamique entre à l’œuvre : tandis que l’espace international se structure en s’uniformisant, l’essentialisation des différences nationales se poursuit. Au cours de ces années de « première mondialisation1 » économique, les élites, qui cherchent à s’imposer en se distinguant, réalisent que les étiquettes nationales ne le permettent souvent pas. Par conséquent, le regroupement s’impose dans un univers où seules les superstructures semblent appelées à survivre. C’est là une affaire de positionnement politique, plus que de convictions. La « latinité » est l’une de ces « communautés imaginées2 » au service d’intérêts stratégiques ; un projet politique, autant que culturel, conçu par les classes dominantes.
À partir de l’expédition française au Mexique, qui se solde, en 1867, par l’échec des troupes napoléoniennes, les observateurs ne manquent pas d’associer les défaites militaires3 essuyées par les nations porte-flambeaux de l’Europe Sud à leurs défaillances économiques. S’ensuit une mise en accusation globale des peuples « latins », peu adaptés, selon leurs contempteurs, aux nouvelles conditions d’existence. En réponse à ce verdict, porté par une logique concurrentielle, se met alors en place une polémique internationale qui affecte l’ensemble des champs du savoir. Entre 1880 et 1895, époque où s’affirment les volontés impériales, les revendications d’appartenance à la « latinité » s’organisent désormais en un corps de doctrine cohérent, conjuguant l’économique, le politique et le culturel4.
Ce faisant, la « latinité » se pose comme discours de réaction. En France, mais aussi en Italie, en Espagne et en Amérique, une part des élites élabore ainsi un discours visant à relégitimer, en même temps que leurs « valeurs » culturelles, leurs propres prérogatives. Il dénonce, selon des modalités diverses, ce qu’on nomme depuis Renan « l’américanisation des mœurs5 ». De l’efficacité du discours pro-latin semble donc dépendre la position de domination culturelle des sociétés impériales du sud. En appelant à la constitution d’un empire culturel, ces dernières espèrent effectivement contrecarrer l’expansionnisme américain, tout en protégeant leurs intérêts dans la bataille pour la mise en dépendance du continent noir6 et des républiques américaines émancipées.

Instrumentalisations savantes de la « latinité »

Au sein de la sphère savante, des disciplines peu différenciées, qu’on ne nomme pas encore les « sciences de l’homme », s’attellent à hiérarchiser les peuples. La « latinité » se trouve notamment au centre des disputes qui agitent les psychosociologues. Sous une apparente objectivité, leur discours se borne à confirmer ou infirmer les prétentions impériales d’un certain nombre de nations, à entériner ou contester, en somme, les relations de pouvoir existantes. Le débat s’organise en une polémique où les contradicteurs se répondent terme à terme. Ainsi le républicain Napoleone Colajanni7 (1847-1921), professeur de statistique à l’université de Naples, contredit-il à la fois son compatriote Cesare Lombroso (1835-1909) et le pédagogue français Edmond Demolins (1852-1907). Lombroso  un Italien du Nord  prétendait en effet les habitants du Mezzogiorno inadaptés à la modernité citadine. Le criminologue affirmait entre autres que les pays héritiers du droit romain8, qu’il jugeait trop peu répressif, se trouvaient spécialement menacés par la délinquance. De ce fait, il considérait que les nations méridionales, en pleine crise morale, ne pouvaient plus prétendre offrir un modèle de civilisation. Or l’écart qu’il postulait entre l’Italie du Nord et celle du Sud se voit contesté par le Triestin Colajanni au fil des pages de Latins et Anglo-Saxons : races supérieures et races inférieures (1904). Ce volume prend en outre le contrepied du livre d’Edmond Demolins À quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons (1897), qui avait valu au promoteur de l’individualisme et du pragmatisme une certaine notoriété, puisque son étude, amplement commentée en Europe9, avait également inspiré une réponse au journaliste uruguayen Víctor Arreguine10. Dans son entreprise de mise en doute des postulats de Demolins, Colajanni relève par exemple qu’on peut rattacher le culte du corps, présenté par son rival comme une tendance nordique, aux Grecs ou aux « Latins » de la Renaissance11. On le voit, la « latinité » offre à des locuteurs variés (savants, écrivains, éditeurs, hommes politiques) un discours commun apte à assurer leur légitimité, malgré ses variations. Ce discours transnational, mis au service d’une cause « nationale », quoique supra-étatique, favorise la constitution informelle de réseaux intellectuels. Partant, les polémiques nouées substituent aux conflits guerriers des affrontements qui, pour se situer aux marges du politique, n’en sont pas moins efficaces.
La bataille livrée par l’entremise des lettrés affecte jusqu’à la caractérisation des disciplines scientifiques en cours de nationalisation. À l’heure où l’on clame volontiers, en France, que l’unification de l’Allemagne scelle la victoire du système scolaire germanique, la rivalité scientifique franco-allemande se fait plus impérieuse. C’est elle qui déterminera l’opposition entre « l’inconscient à la française », tel que le définit le psychosociologue Gustave Le Bon, et l’inconscient que la psychanalyse viennoise, dominée par Freud, met au service du renouvellement des sciences psychologiques12. Dès les années 1850, la romanistique française était née en réaction aux travaux des philologues d’outre-Rhin. Claude Fauriel craignait à cette époque que les avancées allemandes en matière d’études médiévales n’aboutissent à la captation d’un héritage qu’il jugeait « latin ». Raison pour laquelle il s’attela à démontrer l’antériorité de la branche linguistique latine sur la germaine13, espérant déraciner par là la croyance faisant de l’Allemagne la « mère-patrie de l’Europe14 ». Premiers feux d’une bataille qui devait s’intensifier dans la seconde moitié du XIXe siècle. L’intrication de l’anthropologie et de la linguistique15 favorise alors l’émergence d’un darwinisme nouveau : le modèle comparatif dominant les sciences humaines naissantes dessine, aux côtés des « familles » humaines, des « familles » linguistiques. Ce cadre, où les ensembles se trouvent fréquemment hiérarchisés, conduit les élites à s’inquiéter de la survie des langues romanes dans l’univers mondialisé.

Un nouveau mode de rivalité : la concurrence des langues

De fait, l’affaiblissement du rayonnement politique de la France entraîne la régression de sa langue, jadis outil de négociation diplomatique, au bénéfice de l’anglais. Voilà pourquoi l’économiste chrétien Paul Leroy-Beaulieu, ardent militant de la colonisation « à la française », invite dès 1888 à restituer au latin la place qu’il occupait auparavant au sein des échanges internationaux16. Dans le même esprit, une décennie plus tard, le critique Ferdinand Brunetière, près de se convertir au catholicisme, s’indigne qu’à défaut de restaurer le latin, on accorde une efficacité politique à des langues artificielles comme l’esperanto ou le volapuk17.
Ces réactions rendent compte de l’hostilité qui entoure les langues mortes pendant le second XIXe siècle. La « question du latin », posée une première fois en France dans le sillage de la révolution de 1848, suscite dans les années 1885 un débat d’importance. C’est en effet à cette date que Raoul Frary, ancien normalien devenu journaliste, condamne l’hégémonie scolaire du latin, au nom de la « culture de l’utile18 ». Sa prise de position excède le simple débat pédagogique. En effet, loin d’être restreinte à cette sphère, la valorisation des langues vivantes au détriment des langues anciennes sert les ambitions impériales : la langue, qui assure la domination commerciale et coloniale, est devenue un instrument de pouvoir.
Dans un temps où dominent les « idiomes utilitaires », souligner la vocation « humaniste » du français ne peut suffire à concurrencer l’anglais, dont la grammaire est supposée plus simple que celle des langues romanes. L’anglais séduit d’ailleurs les négociants tout autant que les mondains cosmopolites. Les descriptions des salons proustiens suffiraient à en témoigner ; l’anglomanie atteint des proportions telles qu’elle engendre au tournant du siècle un débat sur l’emprunt linguistique, auxquels participent divers écrivains français tel que Paul Adam ou Remy de Gourmont. Le premier, ancien symboliste devenu le chantre d’une littérature énergique, entrevoit dans l’assimilation une possibilité de régénération et d’expansion des langues latines19. Le second se montre plus prudent : Gourmont craint ainsi que l’emprunt ne scelle l’affaiblissement des langues et des cultures latines. Car, pour le refondateur du Mercure de France, qui s’était appliqué tout à la fois, entre 1890 et 1900, à valoriser la littérature italienne et à soutenir l’exportation des lettres françaises en Amérique, chaque mot anglais entame la « psychologie20 » « latine ». Bien qu’il ne soit pas convaincu de la capacité de résistance des langues latines, Gourmont croit toutefois en la vertu des littératures à assurer la survie des cultures méridionales. Dans un article polémique de 1900 intitulé « La destinée des langues », il distingue ainsi le nombre de locuteurs d’une langue de sa valeur de « civilisation ». Sous cet angle, quand bien même le russe l’emporterait sur la plupart de ses concurrentes, le français et l’italien distanceraient sans doute la Grande-Bretagne et l’Allemagne, grâce à leurs littératures.
Ces considérations témoignent de l’inquiétude que suscite l’accroissement démographique des populations de langues anglaise et allemande. Sur ce terrain, la France est, quoi qu’on en dise, plus vulnérable que l’Espagne, forte de ses locuteurs d’outre-Atlantique. Pourtant, dans un geste de défense, Gourmont prétend que le français se porte plutôt bien : au Canada par exemple, il résisterait vaillamment aux avancées de l’anglais. Dans son Esthétique de la langue française (1899), le linguiste conclut donc que cette langue « garde […] avec sa force d’expansion, sa vitalité créatrice et un pouvoir remarquable d’assimilation21 ».
Ce mode de promotion est appelé à se développer, comme l’illustre l’opuscule de Paul Vibert intitulé L’Avenir de la Race Latine (1903). Vibert, un polygraphe français versé dans l’économie coloniale22, y engage les Latins à émigrer au Canada et au Brésil afin de contrer l’expansion anglo-américaine et de limiter le développement des « colonies » allemandes. Moins qu’en Afrique, continent impraticable, c’est en Amérique que la démographie « latine » en berne trouverait à s’épanouir. Celui qui engageait les Italiens à gagner l’intérieur du Brésil plutôt que les États-Unis23 invite donc les Français à imiter leurs confrères. Et il s’insurge que la France, loin d’encourager cette dynamique, ait publié en 1876 des décrets « interdisant la libre émigration dans la plupart des républiques de l’Amérique du Sud ». De passage en Italie, il rassure certains autochtones qui s’inquiètent que le nombre des émigrés ne cesse de croître, en leur présentant le double pouvoir régénérateur du Nouveau-Monde. Tout en favorisant la renaissance de la « race latine » hors de l’Europe, l’émigration purge la société des individus désœuvrés qui la pervertissaient24. L’étranger offre en outre la possibilité de revivifier l’économie intérieure grâce aux envois de capitaux.
Dans les mêmes années, la présence d’immigrants allemands au Brésil alimente chez plusieurs auteurs de langue espagnole le fantasme de l’étranger de l’intérieur. En 1902, le Colombien José María Vargas Vila, répondant à l’enquête sur « l’Avenir des peuples latins d’Amérique » organisée par la revue française La Renaissance latine, prétend par exemple que « la nombreuse et prolifique émigration germanique fera du Brésil le théâtre de la première guerre monroësque, que les Américains se verront contraints de soutenir contre les Allemands, non pas en défense du droit brésilien, mais pour empêcher la formation d’un grand empire, rival du leur, en Amérique25 ». Projection extravagante dont Vargas Vila, qui affecte une posture prophétique, est coutumier.
Restreindre les conflits linguistiques qui agitent le continent américain à la rivalité entre langues saxonnes et langues romanes reviendrait à minorer le combat opposant alors, avec le français et l’espagnol, deux projets politiques : l’hispano-américanisme  qui suppose l’exaltation d’une langue liée à l’ancienne domination coloniale  et la « latinité », qui implique qu’on substitue une hégémonie à une autre, au nom de l’universalisme. Envisagée de ce point de vue, l’élaboration d’une « latinité » américaine résulte finalement moins de la croyance en une solidarité culturelle que de la nécessité de se protéger à la fois des États-Unis et de l’Europe en se distinguant. Les projets confédéraux, tels qu’ils sont alors pensés, ne s’insèrent donc pas dans une dynamique birelationnelle, mais au sein d’une nébuleuse d’enjeux stratégiques.
De manière générale, l’Amérique latine cherche à préserver sa personnalité culturelle d’influences menaçantes. Dans ce cadre, la réflexion sur les modalités de conquête amène à questionner le rôle de la langue, au service d’une domination culturelle moins spectaculaire, sinon moins brutale, que la domination économique et militaire. En Europe comme en Amérique, des observateurs dénoncent ainsi l’« impérialisme linguistique », prélude à une « annexion morale26 » insidieuse. C’est le cas du sociologue français Gabriel Tarde, qui emboîte le pas à Jacques Novicow, dont l’ouvrage sur les luttes entre les sociétés humaines27 (1893) avait contribué à imposer une acception de l’impérialisme incluant l’expansion religieuse et linguistique. L’article de Tarde sur l’impérialisme prend place au sein du troisième numéro de la revue La Renaissance latine, précédemment citée (15 juillet 1902). Ce mensuel fondé la même année par Louis Odero prétend servir la cause « latine » en développant la conscience que la communauté a d’elle-même. En donnant par exemple à connaître les Latins d’Amérique aux lecteurs européens, elle espère superposer à l’image d’une « latinité » européenne décadente l’assurance que s’épanouissent outre-Atlantique les forces vives de la « nation ».

Un projet médiatique pour intégrer la mondialisation

La Renaissance latine, qui ne connaîtra que trois années d’existence, s’inscrit de manière informelle dans un réseau médiatique de promotion de la « latinité ». Cet organe prolonge par là l’effort de valorisation des cultures « latines » engagé dans la presse européenne dès 187028. Longtemps diffuse, cette exigence se matérialise à travers un événement qui reflète les enjeux stratégiques liés à la diffusion de l’imprimé dans l’univers mondialisé : les congrès de la Presse latine, organisés chaque année entre 1923 et 1932. Le premier Congrès de la Presse Latine est monté par le journaliste belge Maurice de Waleffe sous l’impulsion du directeur d’une feuille lisbonnaise, Augusto de Castro. Les deux hommes ont conscience que leur modèle rédactionnel  celui de la presse d’opinion française  est « sort[i] discrédit[é] » de la Grande guerre, « où [il] a servi sans vergogne la propagande officielle29 ». Pire, il se trouve mis à mal depuis une quarantaine d’années par le journalisme à l’anglo-saxonne, fondé sur l’information et le témoignage. Dans ces conditions, le « moule » périodique français, adopté par la plupart des périodiques « latins », n’est plus compétitif ; comment le serait-il, alors que les « nouvelles » supplantent le « commentaire », que le « style télégraphique » tend à remplacer « la rhétorique littéraire et l’éloquence politique » ? Contraints d’évoluer, les organes « latins » intègrent certes progressivement à leurs pratiques l’interview, le reportage ; mais ces nouvelles formes sont fréquemment regardées comme des « genre[s] d’importation […] traduisant l’américanisation d’une presse française menacée dans son intégrité nationale comme dans son prestige littéraire30 ». La hiérarchisation en termes « nationaux »  ou supranationaux, dans le cas de la presse latine  souligne ici la violence d’une confrontation vécue comme la mise en affrontement de systèmes de « valeurs ». On ne s’étonne donc pas qu’après la Première Guerre mondiale, l’institutionnalisation de la profession de journaliste, avec la création d’un syndicat, se fasse au détriment du modèle rédactionnel prisé par les titres « latins ».
En mars 1923, Waleffe réunit les responsables de quatre-vingts journaux « latins » des deux rives afin de combattre la domination linguistique favorisée par l’union de « deux cents millions31 » d’anglophones. Partant du principe que les locuteurs romanistes ont facilement accès aux langues voisines, Waleffe espère ainsi convertir le réseau périodique en outil de réanimation « d’une solidarité ethnique32 » et politique. Devant l’inquiétude des intellectuels « latins » des Amériques, qui dénoncent une presse européenne autocentrée, on révise la place donnée à l’actualité latino-américaine, on travaille à optimiser la circulation et l’exactitude des nouvelles en diminuant le coût des informations. Le rapprochement culturel est notamment cimenté par les projets de diffusion des livres publiés dans chacun des pays « latins »33, ou la défense de l’équivalence des titres universitaires. De jeunes auteurs hispano-américains, tels que Miguel Asturias ou Alejo Carpentier, assistent à ces congrès en tant que journalistes. Gageons que les débats auxquels ils participèrent purent les engager à s’investir dans la définition d’une personnalité latino-américaine singulière.
Ces quelques exemples témoignent de la manière dont, au tournant du XIXe siècle, la promotion de la culture « latine » sert les intérêts stratégiques des sociétés impériales. Dans un temps où la logique concurrentielle s’impose au sein des différents champs de l’activité humaine, le renforcement des rivalités culturelles engendre en effet chez les élites un discours à prétention totalisante. Par ce discours, qui traverse les frontières à la faveur d’une vaste polémique intellectuelle, des locuteurs variés travaillent à relégitimer, outre leur propre position, celle des nations dont ils sont issus.

1 Sur cette notion, voir notamment BERGER Suzanne, Notre Première mondialisation. Leçons d’un échec oublié, traduit de l’américain par RICHARD Robert, Paris, Seuil, « La République des idées », et Bayly Christopher Alan, La Naissance du monde moderne (1780-1914), traduit de l’anglais par Cordillot Michel, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2006, p. 365.

2 Nous empruntons la formule à Anderson Benedict, L’Imaginaire national. Réflexions sur l’origine du nationalisme, traduction française de Dauzat Emmanuel, Paris, La Découverte, 1996 [1983], p. 19-21.


3 La France est terrassée par la Prusse, le Portugal s’incline face à l’Angleterre (1890), l’Italie subit la défaite d’Adua (1896) ; la guerre américano-cubaine (1898) scelle la perte des dernières colonies espagnoles.

4 Le présent article ne synthétise qu’un échantillon des manifestations de ce discours, plus largement analysées dans notre étude Idéalisme latin et quête de « race ». Un imaginaire politique entre nationalisme et internationalisme (France-Amérique hispanique, 1860-1933), thèse de littérature comparée sous la direction de René-Pierre Colin, Université Lumière Lyon 2, Département des Lettres, soutenue le 20 juin 2008.

5 Cette expression désigne autant la progression culturelle des nations anglo-américaines et germaniques que leur expansionnisme territorial ou leur croissance économique.


6 Le retard de la France et de ses compagnes dans la découverte et l’appropriation des terres africaines, entamées depuis 1788 par les Anglais, n’est pas comblé à l’aube du XXe siècle, malgré l’accroissement du domaine colonial dépendant de Paris. Ainsi, en 1883, le Portugal s’est fait damer le pion par les Britanniques, qui se sont emparés du bassin moyen du Zambèze. En 1895, c’est l’Italie qui rentre penaude d’Éthiopie. Quant aux Français, ils n’oublient pas l’échec de l’expédition du capitaine Marchand qui, après avoir touché le Nil en 1898, a buté à Fachoda contre la colonne de Lord Kitchener.

7 Sur ce personnage, député au Parlement italien, voir Frétigne Jean-Yves, Biographie intellectuelle d’un protagoniste de l’Italie libérale : Napoleone Colajanni (1847-1921). Essai sur la culture politique d’un sociologue et député sicilien à l’âge du positivisme (1860-1903), Rome, École française de Rome, 2002.

8 Lombroso Cesare, Problèmes du jour, traduit en français par Raymond Charles, Paris, Librairie universelle, 1906. Nous utilisons la version numérique en ligne su le site internetp. 46-47.

9 L’ouvrage de Demolins (À quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons, Paris, Firmin Didot et Cie, 1897) est cité par Alfred Fouillée (Psychologie du peuple français, Paris, Alcan, 1898, p. 304-306). Léon Bazalgette s’en inspire précisément à l’heure de choisir le titre du volume qu’il consacre à la position des nations catholiques face à leurs rivales protestantes À quoi tient l’infériorité française (1900) , et le mentionne dans Le Problème de l’Avenir Latin (Paris, Fischbacher, 1903, p. 218). Gabriel Tarde (Sur la prétendue décadence des peuples Latins, conférence faite à l’Athénée de Bordeaux le 21 mai 1901, Bordeaux, Impr. Gounouilhou, 1901, p. 10), ou encore Jean Finot (Le Préjugé des races, Paris, Alcan, « Bibliothèque de philosophie contemporaine », 1905, p. 406) y font également référence.

10 Arreguine Víctor, En qué consiste la superioridad de los latinos sobre los anglosajones, Buenos Aires, Publicación de la Enseñanza argentina, 1900.

11 Colajanni Napoleone, Latins et Anglo-Saxons : races supérieures et races inférieures, Latins et Anglo-Saxons : races supérieures et races inférieures, Paris, Alcan, 1905 [1904], p. 56.

12 Sur le partage entre « l’école allemande d’anatomo-pathologie et l’école française de neuropathologie », voir Roudinesco Élisabeth, Histoire de la psychanalyse en France I, 1885-1939, texte revu et augmenté, Paris, Fayard, 1994 [1982], p. 38.

13 Voir Fauriel Claude, Dante et les origines de la langue et de la littérature italiennes, Paris, A. Durand, 1854, 2 t.

14 Cette expression de Schlegel est reprise par Christine Pouzoulet dans son article « Claude Fauriel, historien de la poésie provençale », in Bernard-Griffiths Simone, Glaudes Pierre, Vibert Bertrand (dir.), La Fabrique du Moyen Âge dans la culture et la littérature françaises du XIXe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 227.

15 Voir à ce sujet Rupp-Eisenreich Brita, « La leçon des mots et des choses. Philologie, linguistique et ethnologie (de August Bœckh à Heymann Steinthal) », in Espagne Michel et Werner Michael (dir.), Philologiques I. Contribution à l’histoire des disciplines littéraires en France et en Allemagne au XIXe siècle, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1990, p. 366.

16 Voir Leroy-Beaulieu Paul, « L’abandon du latin et l’avènement du volapuk », L’Économiste français, 4 août 1888, résumé et extraits dans la Revue internationale de l’enseignement, 1888, t. XIV, p. 290.

17 Brunetière Ferdinand, « Le génie latin », conférence prononcée en Avignon le 3 août 1899, in Discours de combat, Paris, Perrin et Cie, 1900, n 1 p. 276.

18Frary Raoul, La Question du latin, Paris, Cerf, 1885, p. 15.


19 Voir Adam Paul, La Morale de la France, Paris, Librairie moderne, Maurice Bauche éditeur, 1908, p. 48 : « Maintenant, toutes les races se mêlent, toutes les idées se confondent, se discutent, s’allient, engendrent des filles lumineuses. La tolérance fut le premier pas vers le cosmopolitisme. Et c’est pure rêverie que vouloir revenir aux formes anciennes, après deux siècles de promiscuité mentale. […] La fusion des langages s’opère aussi. Notre français s’enrichit de termes anglais, et l’allemand est rempli de vocables empruntés à notre dictionnaire. […] Tout particularisme, tout séparatisme semble aujourd’hui condamné d’avance par la sagesse neuve des nations. »

20 Gourmont Remy de, Esthétique de la langue française, Paris, Mercure de France, 1955 [1899 pour la 1e édition, 1905 pour l’édition revue, corrigée et augmentée utilisée ici], p. 69.

21 Ibid., p. 62 : parmi les « mots [que la langue française] a empruntés à l’anglais, les uns, demeurés à la surface de la langue, ont conservé leur forme étrangère ; les autres, en grand nombre, ont été absorbés, sont devenus réellement français ».

22 Outre des ouvrages de géographie, on doit notamment à cet auteur, un temps chargé d’une mission économique aux Antilles, l’essai La Concurrence étrangère (1887), ainsi qu’une série de cours donnés en Sorbonne avant d’être réunis en volume : Les Colonies françaises, colonisation pratique et Les Colonies étrangères, colonisation comparée (1904).

23 Notons que dans ses allocutions de 1911, Vibert se montrera beaucoup moins sévère à l’égard de l’émigration italienne en Amérique du Nord (voir « Comment la colonisation est la grande source de fortune et de prospérité de l’Italie », in L’Italie contemporaine. Visite de la presse française au lac de Garde et à l’Italie du Nord et centrale, résumé de mes discours, Paris, librairie Schleicher frères, 1911).

24 Voir Vibert Paul-Théodore, « Comment la colonisation est la grande source de fortune et de prospérité de l’Italie », art. cit., p. 43.

25 Enquête sur « L’Avenir des peuples latins d’Amérique », in La Renaissance latine, revue mensuelle, littéraire, artistique et politique, Odéro Louis, n°2, 15 juin 1902, p. 182. Les réponses paraissent également en espagnol dans la revue littéraire El Cojo ilustrado de Caracas, t. 19, n°261, 1er décembre 1902.

26 Tarde Gabriel, « L’Impérialisme », in La Renaissance latine, n° 3, 15 juillet 1902, p. 327 et p. 330.

27 Novicow Jacques, Les Luttes entre les sociétés humaines et leurs phases successives, Paris, Alcan, « Bibliothèque de philosophie contemporaine », 1893.

28 Cet effort fut engagé entre autres par Charles de Tourtoulon dans la Revue des langues romanes (1870-), puis la Revue du Monde latin (1883-), et Juan Valero de Tornos dans le bimensuel catholique La Raza latina, periódico internacional (1874-) ; il est poursuivi notamment, en Suisse romande, par La Voile latine (1904-) de Charles-Ferdinand Ramuz, Alexandre Cingria, Gonzague de Reynolds et Henry Spiess.

29 Sur cet aspect, voir Neveu Érik, Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, 2001, p. 15.


30 DURAND Pascal, « Reportage », in Kalifa Dominique, Régnier Philippe, Thérenty Marie-Eve, Vaillant Alain (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire au XIXe siècle (1800-1914), Paris, Nouveau monde éditions, à paraître.

31 Waleffe Maurice de, « Dix congrès de Presse Latine », in la Revue des Deux Mondes, 15 décembre 1930, p. 876.

32 Ibid., p. 878.

33 Voir Cheymol Marc, Miguel Angel Asturias dans le Paris des « années folles », Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1987, p. 58.



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- Auteur : Sarah Al-Matary, Université de Lyon, EA « Passages XX-XXI »
- Titre : La communauté au secours de la nation : politiser l’identité « latine », un gage de compétitivité dans les sociétés mondialisées de la fin du XIXe siècle ?
- Date de publication : 14-09-2011
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=77
- ISSN 2105-2816