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COLLOQUES


UNE DISSIDENCE INTÉRIEURE ? LA LITTÉRATURE SOVIÉTIQUE EN RÉSISTANCE
Les œuvres de commande de Boulgakov : une poétique de la dissidence intérieure

Anne Ducrey (Université Paris IV Sorbonne)


De Mikhaïl Boulgakov, l’histoire littéraire nous a laissé le portrait contrasté d’un écrivain bénéficiant de la protection sulfureuse du pouvoir politique et néanmoins en butte à une censure des plus contraignantes. Etrange destin en effet que celui de ce médecin enrôlé dans l’armée de Denikine, qui choisit, après la défaite des Blancs près d’Egorlykskaïa, de changer de vie et de camp. C’est donc de l’année 1920, alors qu’il se trouvait mobilisé à Vladicaucase, que datent les débuts de Boulgakov en littérature et son adaptation volontaire au nouvel ordre social et politique issu de la Révolution russe. Mais, si la carrière littéraire de Boulgakov est le fruit de la Révolution, c’est un fruit suspect, indéniablement teinté d’antibolchevisme. Nous connaissons tous peu ou prou ses démêlés avec le pouvoir politique : son passé encombrant de Russe Blanc qu’il s’efforce de faire oublier, ses oeuvres de propagande, les tentatives avortées d’émigration, ses efforts d’adaptation et de survie sous le régime soviétique, les textes qui s’entassent dans ses tiroirs et ses collaborations avec le Bolchoï ou le Mkhat, (Théâtre artistique de Moscou), ses lettres à Staline et le fameux appel téléphonique de ce dernier1 qui tentent vainement de rompre la chape de silence qui s’est abattue sur son œuvre dès 1929. Boulgakov est sans conteste une figure ambiguë. C’est là ce que Marie-Christine Autant-Mathieu appelle la « légende »2 de Boulgakov, une légende qui esquisse les traits d’un personnage oscillant entre soumission et résistance, entre arrivisme idéologique et subversion critique. Ce cheminement complexe pour écrire, mais aussi tout simplement pour survivre sous le régime soviétique, confère à la production de Boulgakov le statut d’œuvre de résistance, et ce à double titre. Œuvre de résistance, car écrire a non seulement permis à Boulgakov de faire oublier son passé de Russe blanc, mais aussi de s’assurer jour après jour les moyens d’une subsistance pour le moins modeste. Cependant, cette subsistance par l’écriture, non exempte de compromissions, a offert à Boulgakov le lieu d’une résistance scripturaire, poétique, à l’asservissement idéologique3. C’est à cette posture d’écrivain « entré en résistance », à la fois alimentaire et politique, que nous allons nous intéresser afin de dégager quelques traits définitoires d’une poétique de la dissidence intérieure chez Boulgakov, dans ce lieu d’observation privilégié car parfaitement antinomique que constituent les œuvres de commande qui montrent cette compromission, alimentaire pourrait-on dire, avec le régime soviétique tout en élaborant des stratégies de subversion poétique.

Œuvres de commande : un corpus mineur ?

Il peut sembler étrange de laisser de côté les grandes œuvres romanesques ou théâtrales, notamment celles qui ont été interdites de publication durant de nombreuses années, pour choisir un corpus mineur, une production littéraire dont Boulgakov lui-même dénonce le caractère alimentaire en parlant d’œuvres forcées4. Sa correspondance aux siens témoigne clairement de l’asservissement auquel le contraint la nécessité de survivre :

Je dois non pas travailler tout court mais travailler avec frénésie. Du matin au soir, tous les jours sans discontinuer5. (à V. M. Boulgakova-Voskressenskaïa, lettre de Moscou, 17-XI-1921)

Evidemment, avec le travail exténuant que j’abats, je ne réussirai jamais à écrire quoi que ce soit de sensé, mais j’en chéris au moins le rêve et le travail qu’il suscite6. (Appendice pour Nadia dans la même lettre)

Je suis littéralement écrasé de travail. Je n’ai pas le temps d’écrire […]7. (lettre à Nadejda Boulgakova-Zemskaïa, 24-III-1922)

Ma chère Vera […] le croiras-tu, je suis si fatigué par mon travail de forçat que, le soir, je n’ai parfois pas la force d’extraire de moi la moindre ligne8. (lettre à Vera Boulgakova, le 24-III-1922)

Je travaille énormément et suis mort de fatigue.9

Ostinato des premières années du régime soviétique, l’écriture alimentaire a pris une telle importance dans la vie de Boulgakov - il cumule en effet selon les périodes deux ou trois emplois de rédacteur pour survivre10 -, qu’elle est un obstacle douloureux à la rédaction de La Garde blanche alors en chantier. Or, cette production, déconsidérée par son auteur même, se révèle d’un intérêt précieux, notamment parce que l’on voit s’y déployer cette dissidence intérieure qui a franchi les Fourches Caudines de la censure et fait du texte de commande le lieu, pour le moins paradoxal, où s’exprime une voix dissonante sur le régime.

Œuvres mineures ? Incontestablement, par la taille des textes concernés, mais aussi par l’écho que la postérité leur a réservé. Il est révélateur qu’une des dernières éditions des œuvres de Boulgakov11 propose tous les textes de Nakanune – revue publiée à l’étranger12 - et seulement quelques uns de ceux parus dans les colonnes de Gudok, revue du très officiel et fort important syndicat des cheminots). Et il faut saluer ici le travail magnifique effectué par Françoise Flamant et son équipe pour l’édition des œuvres complètes de Boulgakov dans la Pléiade (1997 pour le volume I, 2004 pour le volume II) qui offre la possibilité de lire ce corpus intitulé « Articles de variété et récits 1919-1927 ». En effet, ces œuvres, pour mineures qu’elles soient, répondant à une commande d’un éditeur et plus fréquemment d’une revue, offrent un matériau peu exploité jusqu’alors pour aborder cette ambiguïté de Boulgakov que nous évoquions plus haut, une ambiguïté qui fait de Boulgakov un des maîtres ès dissidence intérieure, élaborant une poétique où l’habileté, l’art du contournement pourrait-on dire, le disputent à la conformité servile aux diktats de l’écriture autorisée. Si la satire était tolérée, imposée même par les critères génériques auxquels répondaient ces textes, la marge de manœuvre était fort étroite et chaque texte était scruté à la loupe, comme le relate Boulgakov lui-même dans son texte posthume à caractère autobiographique A ma secrète amie, Tajnomu drugu qui date de 1929.

Je signais mon papier soit de n’importe quel pseudonyme idiot, soit quelque fois, je ne sais pas pourquoi, de mon vrai nom ; et je le portais, soit à Juillet soit à un autre rédacteur adjoint qui portait le nom fort peu répandu de Navzikat.

Ce Navzikat a été pour moi un véritable fléau pendant près de trois ans. Au bout de soixante-douze heures, je l’avais percé à jour. Premièrement, il était bête. Deuxièmement, grossier. Troisièmement arrogant. […]

Navzikat commençait à tourner et retourner mon papier entre ses mains pour y déceler avant tout quelque pensée criminelle à l’encontre du régime soviétique. Une fois convaincu qu’il ne s’y trouvait rien de manifestement nuisible, il passait aux conseils et aux corrections.

Dans ces moments-là, je devenais nerveux, je fumais, j’éprouvais le désir de lui cogner la tête avec le cendrier.

Après avoir esquinté mon papier dans toute la mesure du possible, Navzikat écrivait dessus : « A la composition », et pour moi la journée était finie.13

C’est donc au sein de ce « politiquement correct » qu’offrent ces œuvres forcées répondant aux contraintes idéologiques que se développe une véritable poétique de la dissidence intérieure qui aura des échos dans les œuvres romanesques et dramatiques.

Nous laisserons de côté les vingt-quatre textes de cet « émigré manqué »14 qu’était Boulgakov publiés dans la revue de l’émigration Nakanune de juillet 1922 à juin 1924. Nakanune15, on le sait, reflète toutes les ambiguïtés de la NEP. Journal de l’émigration imprimé à Berlin, mais disposant d’un bureau à Moscou, Nakanune témoigne de la tendance inaugurée par le recueil-manifeste Smena veh (« Changement de jalons ») paru en juin 1921 à Prague16. Pour les auteurs de ce recueil, la mise en place au mois de mars 1921 de la NEP créait les conditions de nouvelles relations avec la Russie soviétique, où une forme de collaboration lucide se devait de prendre le pas sur l’opposition systématique. Financé comme son ancêtre parisien par le Politburo, Nakanune cessa de paraître quand quelques prestigieux émigrés, notamment le comte Alexis Tolstoï, rentrèrent au pays, marquant ainsi le succès de la stratégie de réhabilitation de la Révolution bolchevique conduite par le régime soviétique dans les milieux de l’émigration. Si Boulgakov n’est pas totalement dupe de cet état de choses17, Nakanune représente aussi pour lui le moyen de publier18, et donc de construire sa carrière littéraire. Au-delà des vingt-quatre contributions à Nakanune, les textes alimentaires au sens propre du terme sont extrêmement nombreux et représentent une part importante, quoique négligée par la critique, de sa production. Ils témoignent de la collaboration de Boulgakov, de manière parfois concomitante, à divers organes de presse. A titre emblématique, on peut citer les quelque cent vingt textes que Boulgakov a placés dans les colonnes de Gudok (« Le Sifflet », de locomotive s’entend) entre avril 1922 et l’été 1926 sous divers pseudonymes, de Mikhaïl à M. B. en passant par M. Bull, M. All Right, ou All. L’intérêt de ce corpus, appartenant essentiellement au genre du « feuilleton » est double. D’une part, la presse syndicale des années vingt est un foyer important de la vie littéraire, notamment moscovite, sous le nouveau régime. Et si la qualité littéraire de certains textes est discutable, il n’en reste pas moins, que de belles plumes s’y sont exercées ou adonnées avec délectation, trouvant ainsi un moyen de subsistance. Dans les bureaux de la rédaction de Gudok, Boulgakov avait pour compagnons de galère et de satire journalière, Ilf, Oliecha, Hecht, mais aussi V. Chklovski, V. Kataïev ou K. Paoutovski. D’autre part, et c’est bien cela qui nous intéresse, Boulgakov y explore diverses stratégies de résistance poétique où la fictionalisation du réel, sa mise en récit, devient le cadre d’un regard subversif.

Les feuilletons de Gudok : esquisse d’une typologie

Rédacteur-réviseur19 dans un premier temps, reformulant lettres et courrier des correspondants locaux pour la page des nouvelles brèves, Boulgakov devient ensuite, dès l’automne 1923, auteur à part entière pour le compte de Gudok, chargé de fournir un certain nombre de récits humoristiques ou satiriques, répondant aux principes génériques du « feuilleton » soviétique. Si le terme de « feuilleton » a eu à ses débuts, c’est-à-dire au milieu du XIXe siècle, une acception similaire à celle qu’il revêtait en France, i.e. « libre chronique tenue à la première personne et multipliant les digressions, mélange de « choses vues », de critique théâtrale, de tableautins de mœurs, d’essais « physiologiques » dans le goût du temps »20, le tournant progressiste russe des années 1860 a conféré au feuilleton le soin de dénoncer les tares de la société, de manière plus ou moins ironique selon les époques, dans des textes, courts toujours, mais jouissant d’une grande liberté à la fois formelle et stylistique. L’ère soviétique a repris à son compte le genre florissant du feuilleton avec la rubrique « Les petits défauts du mécanisme » qui paraît dans les pages dans les Izvestija (« Nouvelles ») dès octobre 1918. L’objectif déclaré consistait à repérer, en vue de les rectifier, les dysfonctionnements de la vie économique et professionnelle, remontés au journal par les lettres des lecteurs et un solide réseau de correspondants ouvriers, les rabkor. La ligne éditoriale de Gudok ne dérogeait pas à cette règle en ce qui concerne la rubrique du courrier des lecteurs, puis du feuilleton, dans lesquelles le talent de Boulgakov trouvera un terrain d’expérimentation tout à fait insoupçonné, quoique d’une visibilité parfaite puisque soumis aux yeux vigilants du censeur - le Nazvikat d’A ma secrète amie - et de ceux de millions de lecteurs. Sur ce qu’il considérait comme une tâche alimentaire avant tout, en regard du projet qu’il s’était fixé, Boulgakov jette en 1929 un regard extrêmement critique :

Et je m’y suis mis. J’ai écrit sur…

Tout cela était bien joli, mais voilà où était le problème. Ici, je vais vous dévoiler un nouveau secret : la fabrication d’un papier de soixante-quinze à cent lignes me prenait entre dix-huit et vingt minutes, dont celles passées à fumer et siffloter ; la frappe prenait huit minutes, y compris les petites rigolades avec la dactylo.

Bref, en une demi-heure, tout était terminé.21

Des points de suspension suggérant le champ infini des sujets, et par là même l’absence de sujets réels, aux mesures détaillant le temps d’écriture en une multitude de gestes semi-mécaniques, y compris les plaisanteries avec la secrétaire, Boulgakov, on le voit, refuse à ses écrits de feuilletoniste, écrits alimentaires s’il en est, le statut d’œuvre littéraire. Or, oscillant entre littérature et journalisme, ces quelque cent vingt petits textes qui procèdent à la mise en récit d’anecdotes ou de faits réels ont plus d’une qualité, notamment celle de tenter de faire sourdre la voix d’un individu au sein de cette pensée collective, ne serait-ce que sous la forme du rire que sollicitent ces textes.

La typologie que l’on peut esquisser est la première étape en vue d’une étude approfondie de ces textes. Nous distinguerons dans ce vaste corpus trois grandes catégories de textes, développant, pour lutter contre l’idéologie dominante, des stratégies stylistiques et formelles spécifiques : œuvres de commande proprement dites, récits anecdotiques, et textes travaillant un noyau narratif que les grandes œuvres exploiteront à leur tour.

Œuvres de commande ou l’éloquence du visuel

La première catégorie, celle des œuvres de commande, correspond aux textes de circonstance auxquels Boulgakov ne pouvait se soustraire en raison des événements politiques ou du calendrier (textes de commémoration ou de glorification), mais aussi les reportages qu’il a vendus à différentes revues, notamment, par exemple, à la revue Golos rabotnika prosveščenija, destinée à un public d’enseignants. En l’occurrence, il s’agit de quatre textes rédigés entre mars et juin 1923 sur la vie à l’école de la Cité « Troisième Internationale », ou dans la Commune d’enfants N° 1 qui accueillait les enfants abandonnés, ou encore à propos d’une commission de recrutement du personnel éducatif. Véritables reportages écrits, les textes de Boulgakov procèdent par petites touches juxtaposant les instantanés visuels et sonores : bribes de cours, de conversations et sonneries de récréation venant interrompre le parcours du regard. Le matériau fragmentaire est livré brut, Boulgakov pratiquant volontiers la phrase averbale, tentant ainsi de transmettre à son lecteur le caractère universel de ce que celui-ci est en train de lire. Une école pauvre est campée, comme l’est une commission de recrutement avec ses bons et ses mauvais candidats, qui devient ainsi l’archétype de la commission de recrutement. Les éléments à vocation descriptive s’enchaînent, soigneusement exempts de commentaires. Au demeurant, on rencontre une exception notable dans cette neutralité voulue qui tente de restituer au réel sa dimension immédiate, c’est l’irruption du narrateur, celui dont le regard journalistique organise la visite dans l’école de la cité de la « Troisième Internationale », que le froid contraint à se manifester : « - Il fait froid chez vous. […] - Oh ! il peut faire bien plus froid, m’explique le mathématicien »22. Avec cette présence attestée, la neutralité du reportage s’effrite et laisse place, une fois n’est pas coutume, à l’analyse des données du réel :

Oui, il fait froid dans l’école. Elle est pauvre. Son parrain – le Komintern – lui a donné un peu de charbon, mais le voici épuisé, et l’école gratte sur ses maigres fonds quelques kopecks pour du bois de chauffage. Qu’elle achète à un entrepôt privé.

L’école est pauvre. Pas seulement en combustible. Tout porte la marque du besoin. Le cabinet de physique est pauvre. Il a si peu d’instruments qu’il n’est pas possible de monter des expériences un tant soit peu compliquées. Pauvre aussi, le cabinet de sciences naturelles. Les étagères, les pupitres dans les salles de classe, tout cela est vieillot, crasseux, usé, tout cela est depuis longtemps bon pour la casse.

Il y a un esprit vivant dans cette école, mais lorsqu’il fait dix degrés, le plus vivant commence à se ratatiner. 23


Stylistiquement, le prédicat de la pauvreté marque les paragraphes cités et structure désormais le regard porté sur cette école. Et cette pauvreté fait littéralement scandale, comme le souligne une conclusion qui invite à prendre des mesures :

La situation des enseignants a fait l’objet de bien des articles. Moi-même je les lisais sans guère y accorder d’attention. Mais ces coudes élimés et lustrés et ces bottes de feutre éculées sont par trop expressifs24. Il faut prendre des mesures afin d’assurer ne serait-ce que le strict nécessaire aux personnels enseignants, sinon ils vont fondre, ils seront dévorés par la tuberculose et il n’y aura plus personne dans les classes de l’école de la cité Troisième Internationale pour verser le savoir dans les caboches tondues des petits Soviétiques.25

Dans cette conclusion où le feuilletoniste point derrière le journaliste se trouve énoncée la formule poétique qui préside à ces reportages ou textes de circonstance : « ces coudes élimés et lustrés et ces bottes de feutre sont par trop expressifs ». Boulgakov désigne par là une éloquence du visuel, un pouvoir d’expression du réel qui dispense l’auteur de toute forme de commentaire, lui permettant ainsi de prendre ses distances avec ce qu’il doit restituer, et invite le lecteur à exercer à sa suite, quoique de manière elliptique, son sens critique.

Cette éloquence du visuel semble particulièrement nette dans le texte que Boulgakov a dû rédiger pour Gudok à l’occasion de la mort de Lénine le 21 janvier 1924. Le petit article, également dans le style du reportage, est intitulé « Heures de vie et de mort » (« Časy žizni i smerti ») et est paru dans le numéro 1109 du 27 janvier 192426. Ouvert par une épigraphe informative le contextualisant27, le texte semble illustrer, voire traiter le sujet annoncé à la manière d’un tableau. Il va de soi que le sous-titre du texte « D’après nature » (« S Natury ») nous invite à aller dans ce sens, Boulgakov procédant ostensiblement à une esthétisation de son sujet. Les trois parties qui constituent le texte miment le trajet du cortège qui s’approche du corps reposant dans la salle des Colonnes avant de refluer vers la place, alternant scènes de queue et silence recueilli devant le catafalque. Dans les scènes de queue, on retrouve la technique de l’instantané qu’affectionne Boulgakov qui joue de l’éloquence du réel. Une fois de plus, les notations sonores (bribes de conversations, bruits de la rue) ou visuelles créent un effet de réel. La spontanéité des dialogues, la verdeur des mots échangés, élaborent une scène de genre qui se constitue comme un véritable topos littéraire. Dans cette esthétisation soutenue, qui renvoie de manière évidente aux nouvelles petersbourgeoises de Gogol, Boulgakov s’affranchit de la tyrannie des circonstances, et fait donc là œuvre de résistance tout en sacrifiant apparemment au principe de l’article de circonstance. En effet, cette mise en tableau refoule soigneusement l’ancrage avec le réel - c’est-à-dire la mort de Lénine - aux limites de l’épigraphe et de la seconde partie soigneusement séparée par un blanc typographique. Les mini-drames évoqués dans les fragments de conversation se trouvent ainsi, paradoxalement, comme déconnectés du réel qui les fonde, le motif d’inquiétude étant dès lors incarné par le danger que constitue le tramway fonçant à travers la foule et non par la disparition d’un grand homme qui se trouvait être la clé de voûte du régime bolchevique. Ces instantanés de la vie soviétique s’émancipent donc dans une certaine mesure de leur dimension idéologique, pour offrir, tout simplement, une scène de queue. Quant à la deuxième partie, elle substitue au bruit des conversations le silence de la mort, silence mentionné par quatre occurrences. Lénine, muré dans le silence de la mort, n’y est pas nommé non plus, si ce n’est par une synecdoque généralisante : il est ce čelovek (un homme), sur lequel s’arrête le premier paragraphe.

Dans son cercueil, sur un catafalque rouge, un homme repose. Il est d’un jaune de cire, des bosses proéminentes sur son front dégarni. Il se tait mais son visage est empreint de sagesse, de solennité, de calme. Il est mort. Vêtu d’un veston gris, avec sur le gris une tache rouge : l’ordre du Drapeau. Aux murs de la salle blanche, les étendards sont en damier : des noirs, des rouges, des noirs, des rouges. Une médaille gigantesque, rosace irradiante en buissons de feu, et en son centre repose sur un catafalque un homme condamné par la mort au silence éternel.28

Pourquoi cette synecdoque ? ASME standards En signe de respect ? Sans aucun doute, c’est en tout cas la lecture que met en place le dernier paragraphe de cette deuxième partie qui insiste avec une emphase certaine sur la grandeur d’un personnage « laissant la nation orpheline ». Cependant, on ne peut manquer de relever la manière dont le texte, par défaut de nomination, tire un trait sur l’existence et le rôle de Lénine dont il ne restitue plus que des impressions colorées, gris, rouge, noir, faisant tableau.

Esthétisation de la scène, mais aussi neutralisation de l’ancrage événémentiel, le reportage de Boulgakov manifeste par rapport au politique et à la doxa officielle une certaine autonomie et suggère par là un désaveu, une dissidence intérieure que n’ont peut-être pas perçus comme tels les censeurs. N’oublions pas cependant que Boulgakov est aussi capable du pire dans l’utilisation servile de la phraséologie officielle. Il n’est que de penser à la pièce révolutionnaire Les Fils du Mollah qu’il évoque avec force regrets dans Notes sur des manchettes, ou encore « La Renaissance du commerce »29 signé M. Bull qui relate, à grand renfort de superlatifs et d’hyperboles, les premiers effets de la NEP dans les rues de Moscou30. Nous laisserons ici de côté Batoum, pièce sur Staline que Boulgakov commet à la fin de sa vie et dont il achève la première rédaction en 1939. Marie-Christine Autant-Mathieu a montré dans son étude magistrale sur le théâtre de Boulgakov31 que cette pièce, loin d’être une capitulation comme on le croit un peu trop souvent en raison de son sujet, s’offre comme « un ultime placet ». Ces quelques exemples que nous ne détaillons pas disent bien les efforts d’adaptation de Boulgakov à des réalités politiques nouvelles. Ces tentatives, cousues de fil blanc, ne dénoncent l’idéologie dominante que dans une sorte de second degré, étranger à l’intention de Boulgakov lui-même, puisqu’elles reposent sur notre propre perception de ce qu’est l’excès et sur leur maladresse surprenante32. Il en va tout autrement, nous l’avons vu, pour les textes qui usent du visuel pour ouvrir un espace, éminemment esthétisé, où le réel perd une part de son ancrage politique.

Récits anecdotiques : le feuilleton et l’art de la satire

La deuxième catégorie de récits dans le coprus des œuvres alimentaires est constituée par les récits anecdotiques, les plus nombreux, en terme de volume, dans les colonnes de Gudok. La nature de l’anecdote est souvent empruntée au monde des cheminots et fournie par le courrier des lecteurs. Elle figure d’ailleurs généralement en épigraphe. Les cheminots étant presque tous affiliés au syndicat unique, l’abonnement au Gudok était obligatoire et son montant retenu d’office sur les salaires. Dans ces textes, on retrouve ce qui fait le principe du feuilleton : il s’agit de pointer du doigt les abus ou les inepties de la vie sociale ou économique : alcoolisme, malversations en tous genres, lenteurs et chinoiseries sans nom de l’administration, abus de pouvoir de petits chefs,…par la satire. Le résultat est un petit texte humoristique répondant à des critères formels variés, à l’instar de tout feuilleton des années vingt qui se respecte : fragments verbeux d’assemblées générales, pseudo-correspondance officielle, journal intime, petit roman, opéra, ou pièce de théâtre, skaz (récit de caractère oral fait à la première personne).… Dans ces petits textes rédigés à la va-vite, la satire boulgakovienne repose sur des procédés de stylisation qui isolent le fait brut, et notamment l’idiolecte des personnages, et soulignent les contrastes, refusant au narrateur toute forme de commentaire, ou en délégant celui-ci au personnage lui-même.

Un excellent exemple de ces récits anecdotiques nous est fourni par un petit texte qui date de juillet 1924 et s’intitule « Education politico-liturgique » (« Glavpolitbogosluženie »)33 signé M. B. Il s’appuie sur la savoureuse coïncidence qui fait que les fenêtres de l’église donnent sur l’école des cheminots, comme le signale l’épigraphe qui fournit le matériau narratif initial que le récit a exploité. Or, dans cette école, se déroule un cours d’instruction politique. Cette proximité géographique des bâtiments, représentant métonymiquement deux domaines que l’on sait être parfaitement hostiles l’un à l’autre, suscite le rire, d’autant que le texte s’attache à grossir les effets de contraste et que le prêtre, sombrant dans le désespoir, trouve refuge dans l’alcool et ne peut plus célébrer le service religieux correctement, ce qui donne lieu à une parodie grotesque de liturgie. On voit les procédés de stylisation mis en œuvre par Boulgakov pour être en conformité avec l’idéologie bolchevique : le personnage du prêtre est parfaitement grotesque, l’alcool le fait bégayer, la dimension sacramentelle du service est minée par le surgissement inopportun de la phraséologie de propagande, et, une fois n’est pas coutume, le narrateur se fend d’une petite note, sous couvert de la rédaction du Gudok, appelant à la fin de ce scandale « géographique », respectant ainsi scrupuleusement les objectifs du feuilleton qui après avoir dénoncé les dysfonctionnements de la société doit appeler à les rectifier. Mais sans doute est-ce trop évident pour être honnête ! En apparence, l’esprit du texte souscrit donc au discours officiel, mentionnant d’ailleurs quelques clichés de celui-ci comme « La religion est l’opium du peuple » ou encore un couplet de l’Internationale. Mais lorsqu’on s’attarde un peu plus sur les détails, on est frappé par la manière dont les deux discours, religieux et politique, se minent mutuellement, en s’entrecroisant.

« Les travailleurs seront maîtres du monde !! » entendait-on par les fenêtres ouvertes du local voisin.

« Eh ! » soupira le diacre, puis il écarta le rideau et gronda : « Bénis, maître ! »

Le prolétaire n’a rien à perdre que ses chaînes.

En tout temps, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles », entérina le père recteur en se signant.

« Amen ! » approuva le chœur.

Le cours d’instruction politique prit fin sur une puissante exécution de L’Internationale et des litanies :

Nous abattrons ce monde de violence
Jusqu’au tréfonds, et rebâtirons tout…

« La paix soit avec vous ! » chanta débonnairement le prêtre.34

Le discours religieux n’est pas le contrepoint d’une voix première et dominante, connotée positivement. Mis exactement sur le même plan, les deux discours, marqués idéologiquement, finissent pas constituer un chant dont les deux voix s’entrecroisent jusqu’à se mêler étroitement. Et le discours « syncrétique » qui en résulte est à l’image de ce mot valise exhibé comme titre, un hybride monstrueux qui ne veut plus rien dire et dont le seul effet semble être de susciter le rire. Et le rire est bien là qui emporte la classe des cheminots, puis les paroissiens, saisis par le comique de la situation. La subversion, dans ce petit texte, se fait subtile puisqu’elle tient à l’étroit entremêlement de deux discours antithétiques qui vont jusqu’à rimer. Par ailleurs, on voit le cours d’instruction politique céder ensuite la place à un cours dit de « langue maternelle » où un élève récite la fable de Krylov adaptée de La Fontaine sur la cigale (la libellule, en russe) et la fourmi, donnant lieu à un nouveau répons du chœur. Autrement dit, le récit procède à un véritable détournement du discours officiel qui se trouve miné par la sulfureuse cohabitation avec la langue de l’Eglise - soigneusement dévalorisée par le grotesque de son représentant -, avant d’être ravalé au rang de littérature (de mauvaise littérature peut-être ?), au même titre que les fables que récitent les écoliers. Cette subversion du discours fondant l’idéologie soviétique a pour résultat d’en exhiber le vide, le ridicule, et le caractère factice : les mots sont des formules toutes faites qui se retrouvent concurrencées et privées de sens du fait de leur entrelacement avec d’autres formules apprises.

Un autre feuilleton, « Histoire de carreau » (« Bubnovaja historia »)35, paru dans Gudok en juin 1926, offre un traitement tout à fait intéressant de l’anecdote. Il s’agit d’un petit texte constitué de six chapitres qui évoque la manière dont Mokhrikov venu de Rostov sur le Don arrive à Moscou pour encaisser 9000 roubles à la Banque d’Etat. Cependant, il est entraîné au casino où il perd la totalité de la somme et tente de faire passer la chose pour un incident survenu dans le tramway. Si la caricature attendue du provincial ébloui par les lumières de la capitale répond bien aux codes génériques du feuilleton, l’anecdote dénonçant les malversations d’un fonctionnaire de province s’en affranchit dans une certaine mesure, pour devenir matériau littéraire en raison des intertextes convoqués qui pourraient faire l’objet d’une analyse plus poussée. Parmi ces intertextes, le plus évident est bien sûr cette combinaison de cartes « Le trois, le sept et l’as » (trojka, semerka, tuz) brodées sur le chapeau de la grisette qui enflamme ses sens et qui fait de Mokhrikov un avatar du Hermann de Pouchkine, mais aussi de ces petits fonctionnaires qui abondent dans les œuvres de Gogol, comme la grisette l’est à son tour de ces deux figures féminines, la blonde et la brune, qui attirent le peintre Piskariov et le lieutenant Pirogov dans « La Perspective Nevski ». C’est cette saturation intertextuelle qui ouvre, dans ce texte, un champ pour la subversion : elle inscrit les dysfonctionnements de l’ère soviétique dans une tradition qui a fait les choux gras de la littérature, estompant ainsi la notion de rupture radicale avec le passé sur laquelle insiste le discours officiel. Somme toute, les fonctionnaires stupides et imbus d’eux-mêmes ont de tout temps été la proie facile de personnes peu scrupuleuses et ont fait les belles heures de la littérature. « Bubnovaja historia » s’offre donc comme une variation sur un thème connu, répondant au principe de la réécriture, et échappant ainsi à l’emprise du réel. Et de fait, le texte joue de manière récurrente avec la veine fantastique, d’autant plus que l’administration où Mokhrikov se rend pour porter plainte est comme déréalisée : non nommée, réduite à un simple décor dans lequel officie un personnage tout aussi anonyme. La stylisation à laquelle procède ce feuilleton renvoie à la littérature du passé dont elle convoque explicitement le souvenir, comme pour miner le carcan idéologique dans lequel le régime veut enfermer la littérature post-révolutionnaire.

Les noyaux narratifs : le feuilleton comme laboratoire de l’œuvre

« Histoire de carreau » pourrait également appartenir à la dernière catégorie de notre typologie dans la mesure où cette œuvre de commande offre un exemple de formule narrative que Boulgakov exploitera ultérieurement : il s’agit de la réponse du fonctionnaire auprès duquel Mokhrikov porte plainte qui souligne que « tout le monde vient avec ses histoires de tramway et toujours de tramway ». Or, on s’en souvient, c’est bien sur une histoire de tramway que s’ouvre Le Maître et Marguerite. Si le noyau narratif se présente dans cette histoire à l’état embryonnaire, il est nettement plus complet dans un certain nombre de textes parus dans Gudok, mais aussi dans Nakanune, où un même noyau narratif, reposant sur un événement de nature autobiographique, se voit actualisé et traité de différentes manières selon les textes, ceux-ci dessinant ainsi une sorte de constellation autour d’une problématique centrale. L’exemple le plus manifeste est celui du scandale que représente la mort injuste d’un homme innocent dont « La couronne rouge » donne une première mise en récit qui sera publiée dans le numéro du 22 octobre 1922 de Nakanune :

Le narrateur a poussé son jeune frère à rejoindre les Blancs et celui-ci a pris part, sur ordre de son général, à la pendaison d’un ouvrier bolchevique. La mort du jeune homme sera le prix de ce meurtre et il reviendra, nouveau cavalier de l’Apocalypse, visage sans yeux surmonté d’une couronne sanglante, hanter les nuits du narrateur devenu fou.36

L’événement traumatisant va, à la suite de ce premier récit, se constituer comme une structure narrative récurrente, explorée pour la manière dont elle questionne le scandale du mal. Meurtre d’un officier blanc, meurtre d’un juif…, le noyau initial fait l’objet de variations successives et dépasse, par sa récurrence même, le cadre de l’anecdote feuilletonesque pour poser une des questions centrales de l’œuvre de Boulgakov : celle de la culpabilité collective et du prix à payer pour la transgression majeure que représente une lutte fratricide. Cette idée était déjà évoquée dans un texte contre-révolutionnaire « Perspectives d’avenir », elle constitue la matière événementielle du récit « La Nuit du 2 au 3 », et réapparaît dans « Le Raid », dans « J’ai tué » mais aussi dans La Garde blanche, ce premier grand roman qui évoque la guerre civile. Analyser plus en détail le fonctionnement de ces noyaux narratifs d’un texte à l’autre nous entraînerait trop loin de notre corpus, aussi nous en tiendrons-nous à ces remarques générales, mais il n’en reste pas moins que ces variations sur des thèmes obsédants appartiennent aussi à cette poétique de la résistance passive qui s’exprime sous couvert de littérature alimentaire. En interrogeant le scandale du mal, l’acte de sauvagerie qu’est le meurtre pur et simple dans le cadre historique que constituent la guerre civile et l’époque révolutionnaire, Boulgakov interroge la capacité d’engagement de l’intelligentsia en temps de crise, car le choix, s’il est d’ordre politique, est bien évidemment aussi d’ordre éthique.

Pour une apologie de l’œuvre alimentaire

L’œuvre alimentaire, parce qu’elle est œuvre de commande, se met en conformité avec les prescriptions politiques, aussi constitue-t-elle un observatoire privilégié de la résistance intérieure pratiquée par Boulgakov qui développe d’habiles stratégies de distanciation et de fictionalisation du réel capables de satisfaire les desiderata d’une censure tatillonne. Gardons-nous donc de négliger ces œuvres mineures. Si elles s’offrent par moments – et notamment avec la scène obsédante du meurtre politique - comme le laboratoire de l’œuvre à venir, elles prennent aussi leurs distances avec l’idéologie soviétique en pratiquant une résistance esthétique, poétique, et non politique. Résistance passive s’il en est, indiscutablement, mais sans si l’on en croit l’adage de Woland : « Les manuscrits ne brûlent pas », et c’est bien là leur force.
 



1Le 18 avril 1930.

2Le théâtre de Mikhaïl Boulgakov, Lausanne, L’Age d’Homme, coll. « Théâtre du XXe siècle », p. 8.

3J’ai eu l’occasion d’évoquer cette question en termes d’engagement dans un article « Boulgakov : de la littérature engagée à l’engagement littéraire », in L’Engagement littéraire (sld. Emmanuel Bouju), Presses universitaires de Rennes, coll. Interférences, 2005, pp. 199-210.

4Lettre de Vladicaucase en date du 26 avril 1921 adressée à Véra Boulgakova : « Le fait est que mon œuvre se divise nettement en deux parties, l’une authentique, l’autre forcée », Paris, Gallimard, Pléiade, Œuvres 1, p. 1498.

5Pléiade I, p. 1503. Toutes les références seront désormais mentionnées ainsi.

6Ibid. p. 1506.

7Ibid. p. 1512.

8Ibid. p. 1512.

9Ibid. p. 1516.

10C’est ce qu’il appelle ses « trois vies » dans A ma secrète amie où il évoque, au chapitre 4, son travail de correcteur dans un grand journal, les articles qu’il rédigeait pour un journal de Berlin intitulé Veillée de Noël (nom à peine crypté de Nakanune) et son grand œuvre.

11Sobranie sočinenii v vos’mi tomah, Sankt-Peterburg, Izdatel’stvo Azbyka-Classika, 2002.

12Nous y reviendrons.

13A ma secrète amie, Pléiade II, p. 367 ; texte original dans l’édition mentionnée ci-dessus (note 11), vol. I, pp. 390-391. Toutes les références au texte russe seront désormais données ainsi.

14Formule de Jean-Louis Chavarot et Françoise Flamant, Pléiade I, p. 1696.

15Quotidien avec supplément littéraire : 651 numéros du 26 mars 1922 au 15 juin 1924. Prend la suite de l’hebdomadaire parisien Changement de jalons : 20 numéros du 20 octobre 1921 au 25 mars 1922.

16Iouri Klioutchnikov, Nikolaï Oustrialov, Sergueï Loukianov, Alexandre Bobrichtchev-Pouchkine, Tchakhotine, Potiekhine.

17Il s’en fait l’écho dans le texte de 1929 A ma secrète amie sous le titre transparent de « Veillée de Noël » : « Veillée de Noël était l’objet d’un mépris général et unanime dans le monde entier, il était méprisé des monarchistes émigrés, des Moscovites sans parti et surtout des communistes. En un mot, c’était un journal comme on n’en avait encore jamais vu nulle part. » Pléiade II, p. 366, (en russe, op. cit. vol. I, pp. 389-390).

18C’est dans cet organe que fut publiée la première partie, certes tronquée, de Notes sur des manchettes (Zapiski na manžetah).

19« C’est ainsi qu’on appelait à ce journal les gens qui transformaient les textes de bas niveau en textes normalement écrits et publiables. » A ma secrète amie, Pléiade II, p. 365 (texte russe, op. cit. I, p. 388).

20Pléiade I, notice de Jean-Louis Chavarot et Françoise Flamant, p. 1699.

21A ma secrète amie, Pléiade II, p. 367, (texte russe, op. cit. I, p. 390).

22Pléiade I, p. 853, « A l’école de la cité "Troisième Internationale" ».

23Ibid., pp. 853-854

24Nous soulignons.

25Ibid., p. 855.

26Pléiade I, pp. 1017-1020, texte russe op. cit. vol. I, pp. 338-340

27« A la Maison des syndicats, dans la salle des Colonnes, un cercueil avec le corps d’Ilitch. Tout au long de la journée, nuit et jour, sur la place, des foules immenses qui, disposées en rangs, par rubans interminables qui se perdent dans les rues et les traversières voisines, se déversent dans la salle des Colonnes. C’est Moscou l’ouvrière qui vient saluer la dépouille du grand Ilitch. ».

28Ibid. Pléiade I, p. 1019.

29Vraisemblablement rédigé pour le Torgovopromyšlennyj vestnik (« Le Courrier du commerce et de l’industrie ») où Boulgakov, après son renvoi du Lito, avait trouvé à s’engager en décembre 1921. Malheureusement, la revue disparaît en janvier 1922, ce qui fait que ce texte n’a jamais été édité du vivant de son auteur, qui a cependant tenté, par l’intermédiaire de sa sœur Nadejda, de le faire acheter par ansi standards un organe de presse de Kiev, mais sans succès.

30Voir Pléiade I, pp. 740-743, texte russe, op. cit. vol. III pp. 340-343.

31Op. cit. note 2, p. 282.

32On pourrait mentionner ici le cas de « La Muse de la vengeance » rédigé à l’occasion du centenaire de Nikolaï Nekrassov (1821-1877), dont le texte fut accepté et, chose exceptionnelle, payé par la revue Vestnik Iskusstv (organe de presse du Comité général d’éducation politique : Glavpolitprosvet) en octobre 1921 avant d’être refusé à la dernière minute.

33Pléiade I, pp. 1140-1142, texte russe, op. cit. vol. III, pp. 414-416.

34Pléiade I, p. 1141, texte russe op. cit. vol III, p. 415.

35Pléiade I, pp. 1412-1422, texte russe, op. cit. III, pp. 498-505.

36Notice de « La couronne rouge » dans la Pléiade I, p. 1729.



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- Auteur : Anne Ducrey (Université Paris IV Sorbonne)
- Titre : Les Å“uvres de commande de Boulgakov : une poétique de la dissidence intérieure
- Date de publication : 21-01-2012
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=94
- ISSN 2105-2816