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COLLOQUES


L’ESPRIT LATIN SOUFFLE-T-IL ENCORE SUR LA PENSEÉ ?
L’esprit latin à l’épreuve des relations internationales. Renaissance latine et espoir d’alliance franco-italienne (1915-1940)

Christophe Poupault, Université d’Aix-Marseille


Au cours de la Première Guerre mondiale et de l’entre-deux-guerres, la notion de « latinité » qui avait émergé au XIXe siècle s’est avérée un puissant vecteur de rapprochement entre la France et l’Italie à une époque où les relations étaient particulièrement tendues. Or, l’historiographie ne s’y est jamais intéressée, sans doute parce que la latinité est souvent apparue comme un mythe à la lumière des rapports tumultueux et de la déclaration de guerre de l’Italie à la France en 1940. Néanmoins, il est nécessaire de rejeter une vision téléologique de l’histoire des rapports entre Paris et Rome uniquement au regard de cet événement. En effet, de 1915, date à laquelle l’Italie renverse son alliance avec l’Autriche et l’Allemagne pour se battre au côté de la France, et jusqu’en 1940, la croyance en une latinité commune joua un rôle certain dans l’évolution des relations bilatérales. En effet, dès le début des années vingt, les deux pays cherchèrent la voie de la réconciliation suite aux différends nés des traités de paix, notamment à la suite de l’arrivée des fascistes au pouvoir en Italie à la fin de l’année 1922. Mais il fallut attendre janvier 1935 et le voyage à Rome de Pierre Laval, alors ministre des Affaires étrangères, accompagné d’une délégation de hauts responsables du Quai d’Orsay, pour concrétiser une entente par la signature d’accords diplomatiques avec Mussolini. La guerre d’Éthiopie, à partir d’octobre, dégrada les rapports mais ne représenta pas une rupture définitive. Celle-ci intervint plutôt un an plus tard, à partir de l’automne 1936, conséquence directe du début de la guerre d’Espagne, de l’arrivée au pouvoir du Front populaire en France qui rompit les négociations avec Rome et du rappel à Paris de l’ambassadeur auprès du roi d’Italie, sans justification apparente, qui ne fut pas remplacé avant octobre 1938. Malgré tout, pendant toute cette période, l’amitié bilatérale au nom de la latinité commune fut constamment défendue et le concept utilisé à foison des deux côtés des Alpes par tous les partisans d’une entente, hommes politiques, diplomates, journalistes ou hommes de lettres.

Ainsi, de 1915 à 1940, la latinité joua un rôle de « force profonde » dans le rapprochement entre Paris et Rome. L’objet de cette contribution est d’en comprendre les causes et surtout les effets, en s’intéressant dans une première partie à l’alliance nouée entre la France et l’Italie pendant la Première Guerre mondiale, qui remit à l’honneur la notion de latinité. La seconde partie présente le rôle de l’une des différentes catégories de défenseurs de la latinité qui fut particulièrement active, à savoir celle des hommes de lettres. Enfin, dans un troisième temps, l’exposition de quelques initiatives concrètes, notamment l’étude de fêtes binationales particulièrement démonstratives qui agirent directement sur le rapprochement latin, prouve que cette défense de la latinité ne se limitait pas uniquement à des discours chaleureux.

1. L’exaltation de la latinité comme espoir du rapprochement franco-italien

À la suite des desseins littéraires, des recherches philologiques et des utopies politiques d’union latine qui avaient émergé au cours du XIXe siècle et jusqu’à la Première Guerre mondialei, cette dernière apparut comme un moment de renouvellement. En 1915, le renversement des alliances remit au goût du jour la notion de latinité qui symbolisait dans l’esprit de ses utilisateurs l’existence d’une véritable proximité culturelle entre la France et l’Italie, que l’expression de « sœurs latines » illustrait. Maurice Barrès et Gabriele D’Annunzio se firent les hérauts du rapprochement des sœurs latines pendant cette période et multiplièrent les déclarations dans ce sens. Pendant tout le conflit, la latinité fut ainsi une idée très mobilisatrice au point que l’académicien Francis Charmes, ancien député et chroniqueur politique à La Revue des Deux Mondes, évoqua l’existence d’une « diplomatie latine » qui traduisait sur le terrain des réalités une représentation avant tout culturelleii. Les publications et les actions qui se développèrent établirent particulièrement la force du concept. L’écrivain Paul Adam, fondateur en 1917 d’une ligue éphémère de la Fraternité latineiii, alla jusqu’à qualifier les soldats italiens de « Latins » qui luttaient contre la barbarie germaniqueiv. Aux buts de guerre traditionnels, s’ajouta ainsi l’idée d’une lutte universelle du « bloc latin » contre la menace germanique, pour maintenir la grandeur d’une civilisation née de la romanité. La création de la Revue des nations Latines en mai 1916, qui publia sous la direction des professeurs de littérature Guglielmo Ferrero et Julien Luchaire une série de numéros jusqu’en avril 1919, illustra aussi l’utilisation d’un terme qui avait pour but de gommer les différences nationales au profit d’un sentiment de parenté culturellev. En 1918, fut également créée à Milan la revue L’Idea Latina, dont le directeur était un rédacteur au Popolo d’Italia, le journal de Mussolini, qui adopta un ton très antigermanique mais qui disparut en 1920vi. Juste après le conflit, suite aux angoisses passées et aux interrogations sur l’avenir, ce fut une association d’Union latine qui se mit en place, sous la présidence de Raymond Poincaré, pour prolonger la solidarité entre les États latins en organisant des voyages, des expositions et en publiant un Bulletin de l’Union latinevii. En février 1923, fut aussi créée à Paris la revue Latinité dans le but de défendre l’union des peuples latins dans la continuité de la guerreviii. La Grande Guerre apparut ainsi comme un aboutissement dans la prise de conscience que la latinité n’était pas uniquement une notion vague et confuse mais qu’elle représentait une réalité qui devait vivre, y compris en temps de paix. L’académicien italophile Robert de Flers, dans le Figaro du 11 avril 1922, exprima cette continuation de l’idée latine qu’il ne considérait pas comme une simple vue de l’esprit : « La latinité nous avait longtemps paru quelque chose d’un peu scolaire et d’un peu ennuyeux. Ce seul mot évoquait je ne sais quelle atmosphère de distribution de prix. Nous l’avions trop souvent entendu prononcer à la fin de certains banquets où les discours étaient aussi vagues que le menu. Nous avons compris, depuis lors, que la latinité, loin d’être une abstraction est une réalité vivante dont l’idée vient à notre cerveau portée par tout le sang de nos veines. […]. Oui nous avons senti à certaines heures graves, tragiques, où le hasard nous réunissait entre frères éloignés de la même race, que la latinité était la même façon d’envisager notre destin »ix. Cette latinité, qui ne se limitait pas à la France et à l’Italie, avait malgré tout pour ces deux nations voisines une tonalité particulière. Le triomphe par la victoire des armes de « l’union sacrée des sœurs latines » contre un adversaire commun, la germanité, fonda dans l’exaltation latine un espoir de garantir la stabilité européenne. Par conséquent, le concept fut très fédérateur au sein de nombreuses associations d’anciens combattants. Néanmoins, au lendemain de la guerre, les dissensions nées des traités de paix transformèrent l’atmosphère des rapports entre Paris et Rome. La discorde à propos du yougoslavisme enterra progressivement l’idée d’union latine et la politique révisionniste fasciste, qui inquiéta rapidement Paris, rendit toujours plus essentielle l’espérance d’une alliance pour tous les partisans d’une entente.

Pendant la période fasciste, des organisations eurent un rôle très important dans sa promotion comme la ligue d’Union latine fondée en 1930 et dirigée par Raoul Follereau, proche des ligues nationalistes, qui fonda une revue, L’Œuvre latine, qui compta de nombreux numéros de 1928 à 1939x. Mais le groupement qui fut le plus important pour son audience et pour les actions qu’il mena fut le Comité France-Italie. Créé à Paris en 1926, il était une renaissance d’un comité du même nom qui avait vu le jour avant la Grande Guerre et auquel des hommes politiques influents des deux pays avaient adhéré. La nouvelle organisation, qui connut son essor à partir de 1929, fut dirigée par l’académicien Pierre de Nolhac jusqu’à sa mort en janvier 1936, auteur du célèbre Testament d’un latin qui parut pour la première fois en 1928xi, avant que ne lui succède Louis Madelin, son ami à l’Académie française. L’ambition du groupement fut d’œuvrer à une entente durable entre les deux pays latins et la notoriété de ses adhérents en fit le plus éminent de toute la période. Des diplomates, des généraux, des hommes de lettres, des princes, des scientifiques, des artistes, des historiens et des historiens d’art de renom y adhérèrentxii. Le monde des académies y fut particulièrement bien représentéxiii. Un périodique fut publié à partir de mai 1931 et jusqu’en avril 1940 mais sa périodicité fut très aléatoire. Le rôle du Comité fut incontestable pour entretenir de bons rapports entre les deux peuples et en 1933 le sénateur Borletti, un puissant industriel milanais, créa un Comité Italia-Francia.

Quelle était cette latinité défendue par tous ces partisans de l’amitié entre la France et l’Italie ? Le concept était fondé sur l’idée d’une communauté des origines et des héritages : Rome, qui avait été le phare de l’univers pendant des siècles, était perçue comme la mère de la civilisation occidentale et comme l’origine de la véritable civilisation en Europe, par les valeurs qu’elle avait transmises et qui avaient abouti au rayonnement du continent. L’Italie, comme la France, étaient deux États issus de sa grandeur et étaient par conséquent les héritiers d’un passé commun. Ils pouvaient donc être considérés comme des pays frères qui devaient coopérer. Ainsi définie, la latinité n’était plus uniquement une conception affective des relations franco-italiennes mais devait servir de ralliement sur le terrain des réalités. Les limites d’une telle analyse étaient indéniables. Malgré tout, cette conception fut véhiculée par tous les partisans d’une concorde durable qui faisaient de l’union latine leur priorité. La culture latine était ainsi le lien commun qui imposait à la diplomatie de trouver un terrain d’entente et Mussolini le croyait aussi. Il le répéta à plusieurs reprises. De surcroît, pour tous les thuriféraires de la latinité qui considéraient que le germanisme et le bolchevisme venus d’Orient étaient des dangers, la notion de « civilisation » en vint à se confondre avec celle d’« Occident » qui elle-même s’identifiait à la latinité. Cette notion de « défense de l’Occident », très présente chez plusieurs auteurs de la droite nationaliste, au premier rang desquels le maurrassien Henri Massisxiv, était très liée à la réflexion sur la latinité puisqu’elle était une réponse aux accusations de décadence de l’Occident que l’on retrouvait sous la plume de quelques écrivains allemands inspirés par une vague d’orientalisme, notamment dans les années vingt, dont le plus représentatif était Oswald Spenglerxv. L’Italie comme la France, par leur héritage gréco-romain, devenaient des remparts aux menaces barbares venues de l’Orient et dont le bolchevisme était l’une des premières manifestations. La « régénération » par l’esprit latin, notion souvent utilisée après la Grande Guerre, devint ici centrale. Elle était largement liée au mythe du réveil de la latinité dont l’idéal œcuménique était une réponse à la crise et à l’avilissement du monde moderne. Elle sous-entendait une idée de renaissance qui dès la fin du XIXe siècle avait eu pour objectif de redorer l’image de la France après la défaite de 1870 et de l’Italie après celle contre l’Éthiopie en 1896, par opposition au dynamisme allemand et à la vitalité britannique, puis dans l’entre-deux-guerres pour prouver que les nations latines, après le conflit destructeur de 1914-1918, n’étaient pas mortes. Dès lors, en dépit des tensions diplomatiques, l’idée latine continua à mobiliser des deux côtés des Alpes d’autres acteurs que les hommes politiques et les diplomates. Ils étaient persuadés que la continuité de l’entente franco-italienne était la condition nécessaire du maintien de la paix européenne par la défense d’une culture latine qui devait être le fondement du renouveau du Vieux Continent et dont Rome était la lumière. Les hommes de lettres furent les principaux.

2. La promotion de la latinité par les hommes de lettres

Les discours sur la latinité trouvèrent un écho particulièrement favorable auprès des élites des milieux italianisants des sociétés littéraires prestigieuses parisiennes comme l’Académie française ou l’Institut de France. La première en particulier vit émerger une nouvelle génération d’académiciens menée par Pierre de Nolhac qui fit de la défense de la civilisation latine par le rapprochement franco-italien son cheval de bataille. Citons dans l’ordre de leur élection Robert de Flers, Henry Bordeaux, Albert Besnard qui fut directeur de l’Académie de France à Rome de 1913 à 1921, Louis Bertrand élu en 1925 sur le fauteuil de Maurice Barrès, Paul Valéry, Louis Madelin, Émile Mâle qui dirigea l’École française de Rome de 1923 à 1937, Abel Bonnard, André Bellessort, Claude Farrère, Louis Gillet et Paul Hazard. Ils vinrent accompagner des immortels italophiles élus avant la Première Guerre mondiale à l’instar de Paul Bourget, de René Bazin ou d’Henri de Régnier. Ces Académiciens, rejoints par d’autres écrivains de renom comme Jean-Louis Vaudoyer, Paul Morand ou Valery Larbaud, ou par des artistes et des historiens d’art comme Maurice Denis, membre de l’Académie des Beaux-Arts, défendaient tous cette notion de « latinité », loin d’être pour eux un simple sentiment abstrait mais perçue comme un véritable principe de ralliement des deux côtés des Alpes. Comme italianisants, ils se posèrent en spécialistes de l’Italie en raison de leur connaissance de la Péninsule. Tous n’appartenaient pas à la même génération mais tous étaient convaincus que la paix en Europe ne pouvait se faire que si la France et l’Italie, main dans la main, maîtrisaient ensemble leurs destinées. Face aux atermoiements de la diplomatie, ils étaient persuadés que l’esprit latin commun devait encourager une entente et que leur action était nécessaire à son approfondissement. En Italie, la création de l’Académie royale en 1929 permit de multiplier les contacts.

Par leurs rencontres, leurs commémorations communes, leurs correspondances suivies et leurs revues collectives, les hommes de lettres des deux pays finirent par tisser de véritables réseaux paradiplomatiques en faveur de l’entente franco-italiennexvi. Tous estimaient, pour consolider la paix en Europe, qu’il fallait d’abord favoriser le rapprochement des élites internationales dans le but de ranimer la flamme latine entre les deux nations sœurs. Tous ces écrivains qui évoluaient dans des milieux conservateurs et traditionalistes, parfois proches des ligues nationalistes, percevaient quelquefois le fascisme comme la solution possible aux maux de la démocratie parlementaire et à la décadence européenne. Surtout, ils considéraient majoritairement que l’idéologie des Faisceaux ne devait pas être un obstacle au rapprochement, selon l’idée qu’il fallait respecter les régimes des autres peuples. L’objectif était avant tout de défendre l’héritage commun de la latinité par des rencontres binationales et des actions de sensibilisation des masses, des diplomates et des membres influents des deux gouvernements. Ainsi, ces hommes de lettres constituèrent des réseaux qui se structurèrent grâce à des voyages, à des revuesxvii, autour des institutions culturelles françaises en Italie et italiennes en France mais aussi dans le cadre d’organisations internationales. L’Institut international de coopération intellectuelle ne joua toutefois pas un rôle majeur dans la structuration de ces réseauxxviii. Dans ses instances dirigeantes, les Français étaient assez nombreux et on trouvait aussi quelques Italiens comme Alfredo Rocco au sein de la commission internationale, immédiatement après sa création, ou Giuseppe Prezzolini qui était le chef de la section d’information de l’Institutxix. Jean Luchaire qui dirigea l’organisation à la fin des années vingt multiplia les voyages en Europe pour accroître la participation des États à son action et trouver de nouveaux financements. Ce fut dans ce cadre qu’il rencontra Mussolini, en mai 1928, qui l’accueillit très cordialementxx. Cependant, le rôle de l’Institut demeura peu actif dans le rapprochement des élites qui militaient en faveur d’une entente franco-italienne. Au contraire, l’association du PEN Clubxxi et notamment sa section française, que Paul Valéry présida à partir de 1924, se révéla beaucoup plus dynamique. En effet, l’homme de lettres, qui était bien inséré dans les milieux littéraires italiens, eut l’occasion au cours de ses voyages dans la Péninsule de rencontrer des responsables du régime ou des diplomates professionnels pour évoquer les relations franco-italiennes. Par exemple, lors de son séjour en 1924, il vit l’écrivaine Margherita Sarfatti à Milan, la maîtresse du Duce, Gabriele D’Annunzio sur les bords du lac de Garde, Giuseppe Ungaretti, Giuseppe Primoli et Emilio Cecchi à Rome, il s’entretint avec Mussolini, déjeuna au palais Farnèse avec François Charles-Roux qui était à cette époque conseiller à l’ambassade de France et prononça plusieurs conférences dans des cercles littérairesxxii. Les rencontres avec Mussolini, tout comme celles avec d’autres dirigeants du régime, s’inscrivaient dans le dessein final de ces hommes de lettres partisans du rapprochement franco-italien. En effet, pour éviter de se cantonner aux dialogues entre écrivains, la deuxième étape après la mise en place des réseaux culturels paradiplomatiques consistait à les activer pour rendre réceptifs les dirigeants politiques et les diplomates professionnels aux nécessités d’une entente. C’est pourquoi de nombreux hommes de lettres, bien insérés dans ces réseaux mondains et jouissant d’une certaine notoriété, nouèrent des relations avec des hiérarques du régime fasciste, avec des députés et des sénateurs, avec des dirigeants du parti fasciste, avec des diplomates qu’ils fussent français ou italiens, ou avec Mussolini, autant de personnalités influentes auprès desquelles ils obtinrent des audiences, parlèrent des modalités et de la nécessité du rapprochement franco-italien. Durant l’entre-deux-guerres, l'internationalisation de la vie académique posa de nouveaux enjeux et les nationalistes eux-mêmes perçurent ce nouveau mouvement comme essentiel au rapprochement latin. Au sein de l’Action française pour ne prendre que cet exemple, Charles Maurras, pétri de culture latine et formé très jeune aux humanités, défendit ardemment l’union latine entre les peuples latins d’Europe mais aussi d’Amérique par germanophobiexxiii. L’Italie était tout naturellement au centre de ce dessein et la défense de l’union latine guida les positions de l’Action française jusqu’à la guerre. En Italie, Filippo Tommaso Marinetti défendit aussi par exemple des intérêts qui n’étaient pas uniquement nationaux. Dans chaque pays, la latinité servait des discours nationalistes mais ils étaient aussi orientés en faveur de la légitimation d’une alliance nourrie par d'intenses débats intellectuels binationaux.

Cependant, la situation diplomatique dégradée prenait quelquefois le pas sur ces actions de rapprochement et les Italiens en particulier étaient bloqués dans leurs démarches par l’autoritarisme du régime, obligés de se plier aux décisions gouvernementales. Ainsi, à la fin de l’année 1928, l’écrivain Gabriel Faure, grand partisan d’un rapprochement franco-italien, décida d’envoyer au Corriere della Sera un article favorable à la Péninsule intitulé « automne en Veneto » mais le directeur du journal, qui connaissait pourtant bien l’écrivain français, fut contraint d’en refuser la publication. Il se justifia avec tristesse auprès de son ami. La situation du moment ne permettait à aucun journal d’Italie de publier un article qui concernait le royaume écrit par un citoyen français, même des plus sympathiques, à cause des animosités qui étaient trop vives et ceci malgré les efforts réciproques des hommes de lettres et des journalistesxxiv. Mais la croyance en leur action était très forte et l’espoir toujours de mise. Le directeur du journal milanais écrivit une nouvelle lettre à Gabriel Faure le 7 décembre 1928, dans laquelle il exprima sa pensée, persuadé que les difficultés étaient passagères et que dans l’avenir les relations seraient meilleures entre les deux sœurs latinesxxv. Il renouvela ses espérances pour la nouvelle année 1929, remerciant l’écrivain de ses bons vœux : « Je vous remercie de Votre si aimable lettre et j’espère comme Vous que les nuages qui ont voilé notre soleil latin se dissiperont complètement apaisant les esprits de l’un et de l’autre côté des Alpes. Je suis convaincu que nous avons tous le devoir d’accomplir tous les efforts pour l’entente commune »xxvi.

3. Fêtes latines et espoirs d’alliance

À l’occasion de commémorations diverses qui se déroulèrent en France et en Italie pendant toute la période de l’entre-deux-guerres, généralement dans le but de célébrer un poète ou un écrivain dont la vie et l’œuvre avaient eu une incidence des deux côtés des Alpes, Français et Italiens se retrouvèrent pour fêter ensemble leur affinité culturelle lors de cérémonies très cordiales où la latinité, l’amitié franco-italienne et le désir d’entente furent à chaque fois glorifiés. Ces manifestations solennelles, auxquelles participèrent essentiellement des hommes de lettres, mobilisèrent aussi des hommes politiques et des diplomates influents qui firent de ces rencontres des moments fédérateurs. Deux fêtes binationales, au cours desquelles la latinité fut particulièrement glorifiée, furent très démonstratives : les fêtes en l’honneur de Pétrarque qui se déroulèrent en Toscane à l’automne 1928, à un moment où les relations diplomatiques étaient mauvaises, et les fêtes pour célébrer Virgile et Frédéric Mistral en 1930/1931, également à un moment de tensions diplomatiques.

Lors de l’inauguration d’un buste de Pétrarque à Arezzo le 26 novembre 1928, les autorités fascistes souhaitèrent organiser une manifestation grandiose. Elles désirèrent inviter des représentants illustres de tous les pays latins concernés par sa poésie, italiens bien sûr mais aussi français, espagnols, portugais, roumains, ainsi que des écrivains des nations sud-américaines, dans le but d’organiser « un colloque de tout le Monde intellectuel latin »xxvii. Mais finalement, selon le désir de Mussolini qui souhaita rendre plus intimiste la manifestation et en faire uniquement une célébration en l’honneur de l’amitié franco-italienne, seule une délégation française fut invitée, représentée par l’ambassadeur de France à Rome et par un délégué du gouvernement français, André François-Poncet, secrétaire d’État aux Beaux-Artsxxviii. À leurs côtés, plusieurs personnalités illustres firent le déplacement dont Pierre de Nolhac qui avait consacré sa thèse de doctorat à l’érudit de la Renaissance lorsqu’il était membre de l’École française de Romexxix. La délégation italienne, composée de nombreux écrivains, fut menée par le roi Victor-Émmanuel III, dont la présence donna un caractère national à la cérémonie et le gouvernement fasciste mandata pour le représenter son ministre de l’Instruction publique et son sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil. Cette journée fut incontestablement placée sous le signe de l’amitié franco-italienne, dans un contexte de piétinement des négociations diplomatiquesxxx. Pierre de Nolhac prononça un discours au contenu explicite en faisant de la célébration du poète de la Renaissance un moment harmonieux de rapprochement latinxxxi. André François-Poncet, au nom du gouvernement français, déclara à son tour qu’il était fier de cette belle tradition d’échanges spirituels qui rendaient, depuis tant de siècles, la France solidaire de l’Italie : « Ce glorieux enfant d’Arezzo apparaît comme le symbole même des relations intellectuelles de la France et de l’Italie, auxquelles la civilisation doit de si grands bienfaits »xxxii. Pétrarque, par ses origines italiennes et ses séjours en Provence et dans le Languedoc, devenait un trait d’union entre les deux sœurs latines pour encourager la concorde. Cette cérémonie fut ainsi la preuve d’un réel désir d’entente des deux côtés des Alpes, au nom de la latinité partagée. Les représentants officiels des deux pays furent eux aussi particulièrement satisfaits de cette rencontre chaleureusexxxiii. En effet, cette commémoration fraternelle agit sur les esprits et l’opinion grâce aux comptes rendus très favorables qui furent publiés dans la presse.

Deux ans plus tard et pendant un an, l’Italie célébra le bimillénaire de la naissance de Virgile et la France le centenaire de celle du poète provençal Frédéric Mistral, auteur de L’Ode à la Race latinexxxiv et prix Nobel de littérature en 1904. Pour l’occasion, furent organisées des fêtes qui se mêlèrent et qui eurent une résonance particulière en raison de la notoriété des nombreux invités, de la chaleur de leurs discours et de leur portée. Sous la présidence du gouvernement français, avec le concours de l’Académie française et de l’Institut de France, de l’Université et du Collège de France, de l’Institut de coopération intellectuelle, des académies de province et de diverses sociétés savantes, du Comité France-Italie, de l’Académie royale d’Italie et des académies de Turin, de Mantoue, de Bologne et de Milan, ainsi que du gouvernement italien par le biais de son ambassadeur, l’ouverture de cette année de commémoration eut lieu le 23 mars 1930 à Paris. Jusqu’au 29 mars, pendant toute une semaine qualifiée de « semaine virgilienne », plusieurs cérémonies furent l’occasion de rencontres et d’échanges amicaux particulièrement révélateurs, notamment le 25 mars dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne qui fut la journée la plus solennelle. Célébrer Virgile, c’était rendre un hommage à la latinité qui avait influencé les deux côtés des Alpesxxxv et de discours en discours, cette semaine virgilienne fut ainsi celle de l’exaltation de la latinité comme ciment de l’amitié franco-italienne. Le jour de l’ouverture, l’académicien Albert Besnard invita à méditer « sur l’étroite union de l’humanisme et de la latinité […] et l’avenir des pays latins », avant que son collègue italien Ettore Romagnoli, professeur de littérature antique et qualifié « d’ambassadeur de la latinité », ne lui rendît son salut fraternelxxxvi. Marcel Héraud, sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil et représentant du gouvernement français, donna aussi le ton en célébrant l’union des cultures communes des deux sœurs latines par la commémoration du nom de Virgilexxxvii. La cérémonie de clôture, au même endroit un an plus tard, jour de la date anniversaire de la mort de Frédéric Mistral, fut commémorée dans le même enthousiasme. Entre les deux dates, de nombreuses manifestations eurent lieu dont la semaine mistralienne à Rome, au mois d’octobre 1930, qui fut sans doute celle où l’union des cœurs fut la plus explicite. En effet, honorer dans les deux pays Frédéric Mistral, c’était rappeler que le poète était lié à Virgile et qu’il avait pérennisé son talent littéraire en ressuscitant le poème en plusieurs chants à la mode antique. Par conséquent, ils étaient tous les deux des poètes au service de la latinité et appartenaient au patrimoine des deux pays. La délégation française, menée par Jean Rivain et plusieurs écrivains provençaux, assista à plusieurs cérémonies organisées par les deux ambassades à Rome, par l’Académie royale et par différents organismes où à chaque fois des ministres fascistes et des dignitaires du régime assistèrent aux échanges et aux allocutionsxxxviii. Le 26 octobre à l’Académie, devant les ministres fascistes et l’ambassadeur de France, Jean Rivain déclara notamment : « Elle sera bien féconde pour notre avenir de latins, cette année 1930, qui aura vu fêter d’un même cœur, en Italie et en France, Virgile et Mistral. Dans ces solennités, d’apparence littéraire, un sens profond et parfois caché de l’harmonie universelle relie l’âme des poètes et des peuples poètes aux cadences de la vie publique »xxxix. La conscience de participer par ces rencontres binationales au rapprochement franco-italien et de dépasser le simple caractère culturel était évidente. Le poète provençal devint ainsi, comme Pétrarque en 1928, comme Virgile quelques mois plus tôt, le trait d’union entre la France et l’Italie.

Lors de cette semaine, Jean Rivain fut reçu par Mussolini en audience et soumit au dictateur son désir d’élaborer une déclaration de latinité inspirée par lui-même, par Pierre de Nolhac et par Albert Besnard et qui devait être signée par un grand nombre de personnalités intellectuelles reconnues puis lue à la Sorbonne le 25 mars 1931, lors de la clôture de l’année virgilienne. Selon Jean Rivain, Mussolini parut y attacher une grande importancexl. Le texte, intitulé Recours à l’humanisme pour l’avenir des pays latins, faisait de la croyance en la latinité un véritable mode de vie et un moyen de renaissancexli. Comme Jean Rivain l’avait proposé à Mussolini, la déclaration fut lue le 25 mars 1931 à la Sorbonne et elle fit de la cérémonie de clôture des fêtes virgiliennes et mistraliennes le point culminant de l’exaltation de la latinité dans l’entre-deux-guerres. La déclaration, qui atteint peu de temps après les cérémonies 600 signatures d’adhésion de personnalités politiques éminentes de différents pays latins d’Europe et même du Canada, ainsi que du monde des académiesxlii, déboucha sur la création de l’Académie latine de l’humanisme en mai 1931 dont le siège était à Monaco et dont le but était de ranimer la vertu de l’humanisme au cœur de la civilisation et de cultiver puis de propager la pensée latine dans le domaine des Arts et des Lettres, par le biais de conférences, de publications diverses et de concours. Jean Rivain demanda officiellement que le roi d’Italie en fût l’un des protecteurs, pour imiter le président Paul Doumer qui avait accepté cette mission, mais le souverain refusa, preuve aussi que la mobilisation des élites n’était pas toujours évidentexliii. De même, fut fondée une nouvelle association littéraire transnationale autour du concept de latinité, l’Academia Latinitatis Excolendae, dont le siège fut installé à Paris. Son objectif était d’entretenir et de diffuser l’esprit latin dans les domaines littéraires et artistiques. Elle regroupa des intellectuels et des artistes latins ou latinisants qui vivaient dans le culte de tout ce qui était issu de la civilisation de Rome et orientés vers le maintien de son éclatxliv. Sous la direction de Pierre de Nolhac et de l’écrivain italien Enrico Contardi-Rhodio, elle se dota d’une revue publiée dès 1931, Latinitas, dans le but de favoriser les échanges entre les intellectuels et les artistes latins. L’Académie créa aussi un prix symbolique de poésie qui devait être offert chaque année le 21 avril par le gouverneur de Rome, jour de la célébration de l’anniversaire de la naissance mythique de la Ville Éternelle, à un poète qui avait glorifié la latinité dans ses œuvres. Le 21 avril 1931, Pierre de Nolhac fut le premier à recevoir la récompense. Il s’agissait de deux branches de lauriers cueillies sur le Palatin à Rome et sa première attribution à l’académicien consacra son amour de l’Italie et l’ensemble de son action pour rapprocher les sœurs latinesxlv.

« Ah ! Race latine, si tu cessais tes divisions, quelles grandes choses naîtraient encore de ton génie ! ». Cette exclamation de Frédéric Mistral, tirée de son Ode à la race latine, fut la base du programme des hommes de lettres français et italiens qui décidèrent, par leurs rencontres binationales, de célébrer l’union sacrée des sœurs latines à laquelle ils pensèrent utile de tout sacrifier. La promotion de la latinité par la fête fut particulièrement tangible et chaque manifestation, chaque réunion, fut l’occasion devant les diplomates, les autorités fascistes, les représentants du gouvernement français, la population, de célébrer l’amitié entre la France et l’Italie.


i1. Édouard Pommier, « Notes sur l’histoire de l’idée latine », dans AA. VV., La Latinité en question, publication du colloque international tenu à Paris du 16 au 19 mars 2004, Paris, Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine et de l’Union Latine Éditeurs, 2004, pp. 19-43 ; Bernard Traimond, « L’idée latine : l’invention d’un projet », Ibid., pp. 172-180.

ii2. Á la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le rêve d’une union latine par anglophobie puis par antigermanisme fut caressé par des diplomates comme Jules Cambon ou Gabriel Hanotaux (Gabriel Hanotaux, La paix latine, Paris, Combet, 1903). La politique latine en tant que telle ne fut cependant jamais une réalité diplomatique mais il y eut une politique méditerranéenne dont l’ambassadeur Camille Barrère à Rome fut l’artisan et dont la neutralité italienne en 1914 puis l’intervention aux côtés de l’Entente en 1915 fut l’aboutissement (Gilles Ferragu, Camille Barrère, ambassadeur de France à Rome et le rapprochement franco-italien de 1898 à 1914, thèse de doctorat en histoire, sous la direction de Philippe Levillain, Université de Paris X-Nanterre, 1999 ; Frédéric Le Moal, « La France et l’Italie, deux visions de la civilisation et du système international européen ? 1870-1914 », Revue d’histoire diplomatique, n°4, 2008, pp. 379-397).

iii3. Créée à Paris, ses fondateurs appartenaient à tous les États latins d’Europe (sauf la Suisse) et à la plupart des États d’Amérique latine. Néanmoins, son existence fut relativement brève.

iv4. Paul Adam, La Terre qui tonne, France-Italie, Paris, Chapelot, 1917.

v5. Guglielmo Ferrero et Julien Luchaire (dir.), Revue des nations latines, Paris, La Renaissance du Livre, 1916-1919. La revue eut quelques collaborateurs prestigieux comme Gaetano Salvemini, Giuseppe Prezzolini ou Benjamin Crémieux.

vi6. Salvo Mastellone, « L’idea di Latinità (1914-1922) », dans Jean-Baptiste Duroselle et Enrico Serra (dir.), Italia e Francia dal 1919 al 1939, Milan, Franco Angeli, Istituto per gli studi di politica internazionale, 1981, pp. 16-18.

vii7. Fascicule de l’Union latine. Centre des archives diplomatiques de Nantes (CADN), archives rapatriées de l’ambassade de France à Rome-Quirinal, carton 1277.

viii8. Latinité, n°1, 15 févier 1923, p. 1.

ix9. Robert de Flers, « L’ombre sur l’amitié », Le Figaro, 11 avril 1922.

x10. Fascicule sur la ligue d’Union latine. CADN, archives rapatriées de l’ambassade de France à Rome-Quirinal, carton 1373.

xi11. Pierre de Nolhac, Le Testament d’un latin, Paris, Éditions du raisin, 1928.

xii12. Á l’été 1934, le Comité comptait environ 1 750 adhérents (France-Italie. Revue mensuelle, Organe officiel du Comité France-Italie en liaison avec le Comité Italia-Francia, Éditions F. H. Turot, 3e année, n° 10-11, juillet-août 1934, p. 10).

xiii13. Dans l’annuaire de 1932-1933, on comptait 17 membres de l’Académie française, 9 membres de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 19 membres de l’Académie des sciences, 4 membres de l’Académie des Beaux-Arts, 1 membre de l’Académie de marine, 1 membre de l’Académie de médecine et 20 membres de l’Académie royale d’Italie (Comité France-Italie. Annuaire 1932-1933, Aurillac, Imprimerie du Cantal, 1934). Dans l’annuaire de 1935-1936, on dénombrait toujours 17 membres de l’Académie française, 7 membres de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 19 membres de l’Académie des sciences, 3 membres de l’Académie des Beaux-Arts, aucun membre de l’Académie de marine, 4 membres de l’Académie de médecine et 18 membres de l’Académie royale d’Italie (Comité France-Italie. Annuaire 1935-1936, Dijon, Imprimerie Darantière, 1937). Même si certaines personnalités étaient membres à la fois de l’Académie française et d’une autre académie, cette proportion importante d’académiciens prouvait l’intérêt réel suscité par le rapprochement franco-italien parmi les intellectuels renommés.

xiv14. Henri Massis, Défense de l’Occident, Paris, Plon, 1927

Sur les débats autour de la Défense de l’Occident et le rôle d’Henri Massis, voir Gisèle Sapiro, La guerre des écrivains 1940-1953, Paris, Fayard, 1999, pp. 142-161 et surtout Olivier Dard, « Henri Massis et la Défense de l’Occident », Droit, politique et littérature. Mélanges en l’honneur du professeur Yves Guchet, Études coordonnées par Pascal Morvan, Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 365-397. Olivier Dard assura que l’ouvrage d’Henri Massis fut lu en Italie mais que ce fut en Roumanie, parmi les pays du monde latin, que sa réception fut la plus forte (p. 382).

xv15. Oswald Spengler, Der Untergang des Abendlands, Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte, Munich, O. Beck, 1923 2 volumes, (traduction française par M. Tazerout sous le titre Le déclin de l’Occident : esquisse d’une morphologie de l’histoire universelle, Paris, Nouvelle Revue française, 1931-1933, 2 tomes en 5 volumes).

xvi16. Sur ces réseaux intellectuels, les recherches menées depuis plus d’une vingtaine d’années ont été particulièrement fécondes. Voir en particulier Nicole Racine et Michel Trebitsch (dir.), Sociabilités intellectuelles. Lieux, milieux, réseaux, CNRS, Cahiers de l’IHTP, n°20, mars 1992 et Idem, Intellectuels engagés d’une guerre à l’autre, CNRS, Cahiers de l’IHTP, n°26, mars 1994.

xvii17. Le périodique parisien Comœdia publia par exemple de novembre 1927 à janvier 1928 une série d’entretiens franco-italiens sous le titre « l’Italie et nous ». Ils débutèrent par un article de Guido Da Verona dont le ton était très profasciste et qui certifiait que Mussolini était favorable à une entente entre les deux pays latins. Les conversations furent à chaque fois l’occasion d’évoquer la littérature italienne mais aussi le rapprochement franco-italien. Parmi les Italiens qui participèrent aux contributions, se trouvaient Umberto Fracchia, Curzio Malaparte, Nino Frank, Giorgio De Chirico, Giuseppe Prezzolini, Filippo De Pisis ou encore Alberto Savinio. La sororité latine fut régulièrement invoquée pour justifier une alliance (« « L’Italie et nous ». Interviste francesi a scrittori italiani dell’epoca fascista », Filologia e Critica, Année 25, fascicule 1, janvier-avril 2000, pp. 69-94).

xviii18. Créé en 1925, il avait pour objectif de faire collaborer les intellectuels du monde entier dans un but pacifiste et dans le cadre de la Société des Nations. Son siège était à Paris. Cet Institut était avant tout un bureau d’administration internationale et non pas un corps savant et n’avait pas vocation à s’immiscer dans les relations entre les nations puisqu’il ne s’occupait que des affaires internationales (Jean-Jacques Mayoux (dir.), L’Institut International de Coopération intellectuelle 1925-1946, Paris, IICI, 1946 ; Jean-Jacques Renoliet, L’Unesco oubliée. La Société des Nations et la coopération intellectuelle (1919-1946), préface de René Girault, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999).

xix19. Société des Nations, Institut International de Coopération Intellectuelle, Paris, Presses universitaires de France, 1926, pp. 9-12.

xx20. Jean-Jacques Renoliet, L’Unesco oubliée. La Société des Nations et la coopération intellectuelle (1919-1946), op. cit., pp. 263-264.

xxi21. Le PEN Club est une association internationale apolitique et non gouvernementale d’écrivains, fondée en 1921 par Catharine Amy Dawson Scott avec l’appui de John Galworthy. Il a pour but de rassembler des écrivains de tous pays attachés aux valeurs de paix, de tolérance et de liberté qui seules rendent possible la création. Les initiales P.E.N, de l’anglais « plume », désignent les différents métiers de l’écriture : « P » pour Poets et Playrighters, « E » pour Essayists et Editors, « N » pour Novelists et Non-fiction authors. Une section française fut fondée dès 1921 et eut comme présidents successifs durant l’entre-deux-guerres Anatole France (1921), Paul Valéry (1924) et Jules Romains (1934).

xxii22. Michel Jarrety, Paul Valéry, Paris, Fayard, 2008, pp. 566-569.

xxiii23. Voir en particulier Charles Maurras, « Gaulois, Germains, Latins », Les Cahiers d’Occident, Paris, n°1, Librairie de France, 1927 ; Idem, Devant l’Allemagne éternelle. Gaulois, Germains, Latins, Paris, Éditions « Á l’Étoile », 1937 ; Idem, Soliloque du prisonnier, Paris, La France Latine, 1963, pp. 60-62. Pour une étude d’ensemble, se référer à Pierre Guiral, « Charles Maurras et l’idée de races latines », dans Jean-Baptiste Duroselle et Enrico Serra (dir.), Italia, Francia e Mediterraneo, Milan, Franco Angeli, Istituto per gli studi di politica internazionale, 1990, pp. 178-183.

xxiv24. Lettre du 1er décembre 1928 du directeur du Corriere della Sera à Gabriel Faure. Bibliothèque de l’Arsenal, Papiers Gabriel Faure, carton 15242.

xxv25. Lettre du 7 décembre 1928 du directeur du Corriere della Sera à Gabriel Faure. Ibid.

xxvi26. Lettre du 7 janvier 1929 du directeur du Corriere della Sera à Gabriel Faure. Ibid.

xxvii27. Lettre du 28 juillet 1928 d’Eugenio Coselschi à Mussolini. Archivio Centrale dello Stato (ACS), Presidenza del Consiglio dei Ministri (PCM), 1928-1930, busta 318, fasc. 14/2, protocollo 1526.

xxviii28. Note du 12 novembre 1928 du ministère des Affaires étrangères. Ibid.

xxix29. Parmi les présents, citons les écrivains Marcel Boulenger, Émile Henriot et Hubert Morand venus de Paris et plusieurs personnalités provençales dont Maurice Mignon, Émile Ripert et Charles de Mougins Roquefort, secrétaire perpétuel de l’Académie d’Aix (Pierre de Nolhac, « Souvenirs d’un vieux romain », Revue de Paris, 19 mars 1930, p. 251 ; Charles de Mougins Roquefort, Haltes littéraires en Italie, Aix-en-Provence, Imprimerie Chauvet, 1937, p. 9).

xxx30. Robert de Dampierre, « Dix années de politique française à Rome (1925-1935) », La Revue des Deux Mondes, n°21, 1er novembre 1953, pp. 28-29.

xxxi31. Pierre de Nolhac, Souvenirs d’un vieux romain, Paris, Plon, 1930, p. 186.

xxxii32. Cité par Gino Zucchelli, Pierre de Nolhac et l’Italie, Saïgon, Imprimerie Saïgon Ân-qàn, 1970, p. 360.

xxxiii33. Lettre n°636 du 28 novembre 1928 du chargé d’affaires à l’ambassade de France à Rome au ministre des Affaires étrangères. Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique et commerciale (1914-1940), Z-Europe, Italie, carton 188 ; Note du 2 décembre 1928 de la présidence du Conseil des ministres pour Mussolini. ACS, PCM, 1928-1930, busta 318, fasc. 14/2, protocollo 1526.

xxxiv34. Frédéric Mistral, L’Ode à la race latine, avec Le Moretum de Virgile, Lourmarin, Les Cahiers de la Colette, 1931

xxxv35. Carlo Galassi Paluzzi, « L’idea latina e la latinità di Virgilio », Roma. Rivista di Studi e di Vita Romana, n°11-12, novembre-décembre 1930, pp. 475-488.

xxxvi36. AA. VV., Le message de Virgile, Paris, Firmin-Didot, 1930, p. 33 et p. 37.

xxxvii37. Ibid, p. 31.

xxxviii38. Christophe Poupault, « Les voyages d’hommes de lettres en Italie fasciste : espoir du rapprochement franco-italien et culture de la latinité », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°104/4, octobre-décembre 2009, pp. 72-74.

xxxix39. AA. VV., De Virgile à Mistral, op. cit., p. 9.

xl40. Lettre du 12 janvier 1931 de Jean Rivain à l’ambassade d’Italie à Paris. Archivio storico del Ministero degli Affari esteri (ASMAE), Rappresentanza italiana a Parigi, busta 193, fasc. 3.

xli41. Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits, Fonds Pierre de Nolhac, carton 8, NAF 28364, fasc. 4.

xlii42. Parmi lesquelles on dénombrait 36 membres de l’Académie royale d’Italie, 28 de l’Académie française, 20 de l’Académie espagnole, plus de 120 de l’Institut de France, 46 de l’Académie de médecine et 200 des autres académies d’Europe.

xliii43. Télégramme du 7 janvier 1932 de l’ambassadeur d’Italie à Paris au ministre des Affaires étrangères et réponse par télégramme du 10 février 1932 du ministère des Affaires étrangères. ASMAE, Affari Politici, Francia (1931-1945), busta 6, fasc. 2.

xliv44. Document sans date intitulé « l’Academia Latinitatis Excolendae ». ASMAE, Affari Politici, Francia (1931-1945), busta 3, fasc. 3.

xlv45. Gino Zucchelli, Pierre de Nolhac et l’Italie, op. cit., p. 367.



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- Auteur : Christophe Poupault, Université d’Aix-Marseille
- Titre : L’esprit latin à l’épreuve des relations internationales. Renaissance latine et espoir d’alliance franco-italienne (1915-1940)
- Date de publication : 14-05-2012
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=111
- ISSN 2105-2816