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COLLOQUES


L’ESPRIT LATIN SOUFFLE-T-IL ENCORE SUR LA PENSEÉ ?
Albert Camus et la dramaturgie de l’inquiétude latine : Caligula

Liliane Picciola, Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense


« Je me sens le coeur grec », déclarait Albert Camus dans une interview donnée en 1948i. La pensée de Camus, philosophe de formation, ancien élève de Lettres supérieures à Alger, auteur d’un Diplôme d’Études supérieures sur les rapports de l’hellénisme et du christianisme à travers Plotin et saint Augustin, est tellement pénétrée de la culture de l’Antiquité méditerranéenne qu’on ne saurait épuiser l’étude de ses effets sur son oeuvre. « Les mythes sont faits pour l’imagination qui les anime »ii – écrit-il –, et ce sont surtout les mythes antiques qui ont étayé sa réflexion sur la condition de l’homme pensant du XXe siècle : Sisyphe, bien sûr, mais aussi Prométhée, le Minotaure. La littérature antique en soi l’inspirait également. Deux vers de la troisième Pythique de Pindareiii, destinée à célébrer Hiéron, vainqueur des jeux de Delphes dans la course à un cheval constituent l’épigraphe du Mythe de Sisyphe : « N’aspire pas mon âme à la vie éternelle mais épuise le champ du possible », assez belle traduction du grec :

μὴ, ϕίλα ψυχὰ, βίον ἀθάνατον
σπεῦδε, τάν δἔμπρακτον ἄντλει μαχανάν.

Il convient de ne pas se méprendre sur la traduction proposée par Camus et de prendre cette épigraphe pour une invitation directe à la jouissance. Le contexte de l’ode pindarique nous éclaire : ici le possible, ἔμπρακτον, c’est plutôt le faisable, le pleinement réalisable, et notamment dans le domaine de l’action sur la vie humaine ; μαχανά désigne toute invention ingénieuse. Si le premier vers recommande l’acceptation des limites de la vie humaine, le second célèbre l’art susceptible d’être développé par les humains, notamment pour diminuer les souffrances, ce qui revient à le faire participer à la sagesse. Esculape, élevé par Chiron, et pratiquant l’art de la médecine, avait ainsi passé les bornes de sa condition en faisant revenir un humain de la mort (peut-être Hippolyte, fils de Thésée). Mais, parce que Hiéron, atteint d’une crise de gravelle, n’avait pu recevoir son prix, Pindare, dans son ode, voudrait faire revenir sur terre ces célèbres fautifs pour exercer pleinement l’art dont ils sont capables.

L’imaginaire intellectuel de Camus semble se nourrir beaucoup d’hellénisme mais peu de latinité stricto sensu. Toutefois les ruines romaines de Djemila inspirent sa réflexion dans Noces (1939) et deux figures s’imposent dans son œuvre : Caligula et Spartacus. Quelques pages sont consacrées au chef des esclaves rebelles dans la troisième partie de L’Homme révolté (1951). Le personnage de Caligula, lui, anime toute une oeuvre que, de surcroît, Camus a modifiée à plusieurs reprises, preuve qu’il y tenait beaucoup : une œuvre théâtrale.

Probablement parce qu’il implique l’homme dans son corps, le théâtre a toujours tenu une place capitale dans la vie de Camus : il a été comédien, metteur en scène – dirigeant la troupe du Travail, puis de l’Équipe, à Alger – auteur de théâtre, adaptateur. Son Caligula, qu’il a commencé d’écrire en 1937, qu’il a retouché et terminé en 1941, qu’il a fait jouer en 1945 au Théâtre Hébertot (avec Gérard Philipe dans le rôle-titre), qu’il fera rejouer en 1957, il l’a encore lu de bout en bout en 1954, dans une émission de Michel Polac pour l’ORTF, enregistrée au Théâtre des Noctambules (« Lecture à une voix »). Notons que, amoureux de la Grèce, ayant très tôt songé à se rendre en ce pays, où il ne s’est finalement rendu qu’en 1955, il n’a pourtant composé aucune pièce de théâtre à sujet grec.

C’est la raison qui nous a incité à revisiter Caligula dans une perspective d’histoire du théâtre et non dans celle de la pensée du XXe siècle : la composition de cette pièce paraît, en effet, avoir recherché les avantages de la tradition tragique antique ou celle, renouvelée, du XVIIe, qui s’était plus souvent inspirée de l’histoire romaine que des mythes grecs, dramatisés ou non. Marchant dans les pas d’auteurs dramatiques qui avaient ambitionné de prendre le relais de la tradition théâtrale gréco-latine, comment Camus, à leur instar d’ailleurs, pensait-il pouvoir communiquer à ses contemporains ses propres interrogations avec le sentiment de rejoindre les leursiv et en leur procurant ce plaisir de l’œuvre d’art achevée, qui reste le but de toute représentation théâtrale selon Aristote ?

Nous émettrons d’abord plusieurs hypothèses concernant le choix de ce sujet précis d’histoire romaine ; nous nous interrogerons ensuite sur le choix de la forme, canonique en France, de la tragédie, bien que Camus ne précise pas, en la publiant, le genre de la pièce ; enfin nous soulignerons comment les innovations introduites dans la forme tragique disent elles-mêmes les idées de Camus sans en faire cependant un manifeste philosophique.

Pourquoi un sujet romain, pourquoi cet empereur ?

Pour l’édition américaine de Caligula, Camus précisait, en 1957, que sa première rédaction de la pièce avait été précédée de la lecture de la Vie des douze Césars de Suétone. Il est certain que notre auteur ne cherchait pas là l’optimisme, l’historien latin étant réputé pour la sévérité du regard qu’il porta sur la dynastie julio-claudienne. Suétone (70 -160) n’était pas considéré au XVIIe siècle comme un historien d’une autorité indiscutable. Il est vrai que, comparé à Salluste, Tite-Live ou Tacite, le biographe des douze Césars s’intéresse peu aux faits généraux et aux personnages secondaires ; il se concentre sur ses figures d’empereur, avec un goût prononcé du détail mais dans un style sans grand éclat. Ses Vies ne s’inscrivent pas dans la perspective ouvertement morale de Plutarque. Lorsque Racine compose Britannicus autour du personnage de Néron, il ne donne pas Suétone comme sa source. Pour lui, en effet, le plus grand des historiens latins, c’est Tacite. Or, dans les Annales, les pages concernant Caligula ont presque toutes disparu. En revanche, avec la « Vie de Gaïus Caligula » de Suétone, Camus se trouvait devant un texte qui regorgeait de détails : trop nombreux pour être tous connus, ils étaient pain béni pour qui voulait les revêtir de nouvelles significations sans trop décevoir la représentation globale de cette figure historique. Quand Suétone évoque Caligula, il sépare son propos en deux parties : « Voilà ce que j’avais à dire de Caligula en tant que prince ; il reste maintenant à parler de ce qui faisait de lui un monstre »v. Que le biographe latin ait forcé le trait n’est guère douteux, puisqu’il accorde le physique de Caligula aux horribles actions qu’il vient d’en évoquer et le dépeint comme affreusement laid, ce qui ne correspond nullement, comme le remarque Perrine Galand-Halynvi, à la statuaire de l’époque. Par ailleurs, il organise manifestement un crescendo, comme à chaque fois qu’il raconte la vie des mauvais empereurs, qui sont les plus nombreux parmi les douze dont il a peint la vie. Le Caligula historique se présentait par ailleurs souvent comme une figure de théâtre, allant jusqu’à se donner comme devise Oderint dum metuant, tirée d’une tragédie de Lucius Acciusvii, Atrée. Luxe des détails, force, dynamisme, ouvraient la voie de l’invention théâtrale pour un Camus qui aimait les planches et qui savait que Racine avait peint en Néron un « monstre naissant ». Contrairement à Sophie Bastienviii, nous ne pensons pas que Camus ait choisi Caligula parce que « Néron était déjà pris »ix mais pour des raisons beaucoup plus dignes et beaucoup plus précises.

Lorsqu’on évoque le rapport de Camus à l’hellénisme, on lui prête le goût de la clarté, de la lumière. Or la mention de cette seule attirance ne rend pas compte de la complexité de la perception camusienne de l’héritage gréco-latin. En effet, il n’existe pas seulement pour Camus une pensée du Sud, qui serait lumineuse, et une pensée du Nord, qui serait sombrex. Au sein même de l’hellénisme, l’auteur de Caligula a toujours perçu à la fois l’ombre et le soleil : « il existe une Grèce pessimiste sourde et tragique »xi , écrit-il dans son diplôme d’études supérieures. Il l’affirmera encore à la fin de L’Homme révolté : « Le Soleil a sa face noire ». Les manifestations de la folie de Caligula pourraient ainsi être interprétées comme l’effet d’une conscience des abîmes, coïncidant avec la fin d’une civilisation, celle de l’ensemble gréco-latin. On notera à cet égard que, bien qu’insistant sur les attentes quasi naïves des Romains à l’égard de leur nouvel empereur, Suétone n’a pas présenté des débuts de règne heureux suivis d’une dégradation liée à un choc affectif : la mention de la mort de Drusilla, sœur-épouse de Caligula, et de ses répercussions sur l’empereur se fond dans le reste des bizarreries lugubres de ce dernier ; même si l’organisation du crescendo fait que les premiers mois de l’empereur paraissent un peu moins affreux que la suite du règne et prolongeant une période de dissimulation, le biographe a surtout présenté en Caligula deux faces opposées mais non pas chronologiquement successives : ainsi un événement particulier ne paraît pas expliquer les autres . En faisant de la mort de Drusilla le point de départ des actes criminels de l’empereur mais, loin d’en faire un élément mélodramatique comme on le verra plus loin, Camus éclaire le chaos de l’existence de Caligula de la lumière sombre d’une certaine conscience tragique propre aux Grecs, et transmise aux Latins.

Le Caligula de Suétone manque de révérence à l’égard des dieux : il fait du temple de Castor et Pollux le vestibule de sa propre demeure, se fait adorer en même temps que les jumeaux sacrés ; il se présente avec en main la foudre (Jupiter), le trident (Neptune), le caducée (Mercure) ; il considère également Drusilla, sa sœur-femme, comme une divinité, qu’il prie. Associé à la recherche effrénée de la jouissance, voilà un comportement qui peut aisément s’apparenter à une négation des dieux ou à la considération de la créature humaine, sans consolation, comme le seul être à révérer. Bien que l’historien ne cherche pas à les expliquer, les détails accumulés par Suétone sont de nature, surtout au XXe siècle, à favoriser une interprétation de cette attitude comme celle d’un athée qui pratiquerait la dérision à l’égard de ses semblables inconscients et à inspirer une mise en valeur théâtrale de ces facéties blasphématoires. Caligula (12-41) vit à une époque de délitement du polythéisme strictement romain et du polythéisme tout court ; on verra dans quel sens. Mais, surtout, c’est à peine un siècle plus tôt que Lucrèce a composé le De rerum natura, dans lequel le grand poète latin diffuse en vers les théories atomistes de Démocrite avec les conclusions pratiquement athées tirées par Épicure et débouchant sur un art de jouir de la vie. Dans L’Homme révolté, Camus parlera de « l’affreuse tristesse d’Épicure » de son « angoisse ». Pour lui, Lucrèce pousse jusque dans ses extrêmes conséquences la logique de son prédécesseur grec, voit plus grand, plus loin. Grâce à Épicure – écrit Lucrèce –, « la religion est à son tour renversée et foulée aux pieds, et nous, la victoire nous élève jusqu'aux cieux ». Camus commente ainsi :

On sent ici la différence qu'il peut y avoir entre ce blasphème nouveau et la malédiction antique. Les héros grecs pouvaient désirer devenir des dieux, mais en même temps que les dieux déjà existants. Il s'agissait alors d'une promotion. L'homme de Lucrèce, au contraire, procède à une révolution. En niant les dieux indignes et criminels, il prend lui-même leur place. Il sort du camp retranché et commence les premières attaques contre la divinité au nom de la douleur humaine. Dans l'univers antique, le meurtre est l'inexplicable et l'inexpiable. Chez Lucrèce, déjà, le meurtre de l'homme n'est qu'une réponse au meurtre divin. Et ce n'est pas un hasard si le poème de Lucrèce se termine sur une prodigieuse image de sanctuaires divins gonflés des cadavres accusateurs de la pestexii.

 


Dans la civilisation du sombre diffuseur de cette pensée d’Épicure, l’athée de Camus, auquel notre auteur voulait manifestement donner quelque grandeur pour mieux frapper les esprits, pouvait bien prendre place.

 

Une autre raison, qui contredirait quelque peu la précédente, peut encore expliquer cette attirance de Camus vers Caligula, bien que cet aspect ne soit nullement exploité dans sa pièce parce que l’auteur n’en était pas forcément conscient. Des philosophes historiens comme Lucien Jerphagnonxiii expliquent la mégalomanie théomorphique de Caligula d’une manière fort intéressante : en se faisant adorer à l’égal des dieux, en se recouvrant de doré, en portant une barbe dorée, en prenant un bain de pièces d’or, Caligula aurait effectué des rites de communion avec le divin et aurait tenté d’introduire en fait une vision égyptianisante du monde (dont faisaient partie aussi ses relations avec ses sœurs) ; il aurait entretenu le rêve de faire de l’empereur romain un dynaste à l’orientale. On sait que la perception de la Méditerranée comme zone de communication essentielle entre l’Orient et l’Occident était chère à Camus dès 1937, ainsi qu’il l’exprima dans une conférence inaugurale quand il prit la direction d’une maison de la culture à Algerxiv. Pour lui, c’est l’Afrique du Nord qui constituait ce point de contact. Caligula aurait, en quelque sorte, tenté artificiellement de le transférer à Rome…

Mais Camus n’a pas écrit un essai sur Caligula ; il n’a pas cherché à le transformer en un mythe nouveau, illustrant une étape d’une réflexion, comme Don Juan ou Sisyphe. Il a écrit sur lui une pièce de théâtre et, bien qu’il ne la désigne que comme une « pièce en quatre actes », une tragédie.

Pourquoi une tragédie ?

Pour manifester la difficulté d’adhérer à la vie quand on se révolte à la fois contre la mort et contre l’impossibilité corrélée de trouver un sens à l’existence, le choix d’un personnage de théâtre paraît judicieux. On lit dans Le Mythe de Sisyphe, un peu postérieur à la première rédaction de Caligula :

L’acteur règne dans le périssable […]. De ce que tout doive un jour mourir, c’est lui qui tire la meilleure conclusion. Un acteur réussit ou ne réussit pas Un acteur garde espoir même s’il est méconnu. Il suppose que ses œuvres témoigneront de ce qu’il fut. L’acteur nous laissera au mieux une photographie et rien de ce qui était lui, ses gestes et ses silences, son souffle court ou sa respiration d’amour, ne viendra jusqu’à nous. Ne pas être connu de lui, c’est ne pas jouerxv.

On reconnaît là le theatrum mundi, thème stoïcien aussi bien que chrétien, et Camus pouvait donc le lier à la civilisation romaine. Le Caligula que Camus transforme à partir de l’empereur fourni par Suétone, et qu’il éclaire en lui attribuant une conscience révoltée de la condition mortelle et du non-sens de la vie, prend, en devenant un personnage de théâtre, une force particulière et allégorique.

Évidemment il ne pouvait s’agir là que d’un rôle tragique. Camus l’affirme avec netteté dans l’édition américaine de son théâtrexvi, en 1957 :

C'est l'histoire de la plus humaine et de la plus tragique des erreurs. Infidèle à l'homme, par fidélité à lui-même, Caligula consent à mourir pour avoir compris qu'aucun être ne peut se sauver tout seul et qu'on ne peut être libre contre les autres hommes. Il s'agit donc d'une tragédie de l'intelligence.

Mais qui dit tragédie peut en parler en affaiblissant le sens du mot et sans se référer au genre très codifié qu’il a longtemps été. Camus, lui, l’a pleinement assumé. En 1937, quand il a commencé à écrire, ce genre pouvait apparaître démodé surtout sous l’aspect particulier de la tragédie latine et historique, les tragédies mythiques de la Grèce pouvant trouver grâce en inspirant Giraudoux, Cocteau, comme plus tard Anouilh et Sartre. Alors pourquoi ce choix ? Un englué dans l’histoire, était à même d’exprimer le malaise et l’angoisse modernes : « Je savais qu’on pouvait être désespéré, mais j’ignorais ce que ce mot voulait dire », confie à Caesonia l’insomniaque Caligula – ce détail de l’insomnie récurrente étant fourni par Suétone. En choisissant le genre tragique, aux lettres de noblesse antiques, Camus refuse d’abord catégoriquement le drame dont il estime qu’il s’agit d’une forme simpliste, au sein de laquelle une seule force est légitime, dans l’affrontement qui caractérise la dynamique théâtrale : le drame est clair, net. La tragédie est au contraire « ambiguë » parce que chaque force est « en même temps bonne et mauvaise » ; en ce sens elle peut s’adapter au malaise. L’auteur de Caligula a d’ailleurs à plusieurs reprises manifesté son attachement à ce genre dramatique, et particulièrement à sa forme grecque. Il a notamment mis en scène, avec sa troupe algéroise, le Prométhée enchaîné d’Eschyle deux ans avant de commencer Caligula.

Pourtant, la tragédie paraît liée à la conscience d’une destinée humaine voulue par les dieux ou dont un dieu – mais non pas un rédempteur – est le responsable. La tragédie semblerait donc vouée à la disparition quand la foi n’est plus là. Camus le reconnaît dans sa célèbre Conférence prononcée à Athènes sur l’avenir de la tragédie en 1955 :

[…] l’âge tragique est si rare. Il résulte d’un équilibre difficile entre l’humain et le divin, entre le politique et le religieux, entre l’impératif historique de la liberté et le sacré intemporel devant lequel les hommes se prosternent. […] Dans un monde privé de Dieu, exclusivement gouverné par les lois de la raison et de la liberté de l’homme, la tragédie ne serait pas même possible […]. La tragédie athée et rationaliste est donc elle aussi impossible. Si tout est mystère il n’y a pas de tragédie. Si tout est raison non plus. La tragédie naît entre l’ombre et la lumière, et par leur opposition […]. Le tragique disparaît quand la société bâtie autour de l’homme l’emporte sur la société sacréexvii.

En situant une action dans l’Antiquité et non pas au XXe siècle pour exprimer les préoccupations complexes qui l’habitent – toute pièce de théâtre présentant pour un auteur l’avantage de s’exprimer en plusieurs « je » –, Camus prédispose en quelque sorte au sentiment du tragique, même si le personnage principal se révèle être un homme sans dieu, donc un impossible héros de tragédie. Ferait-il preuve en quelque sorte d’une imposture dramaturgique ? Point. La contradiction se trouve en effet résolue, toujours dans la conférence prononcée à Athènes, grâce aux lignes suivantes :

[…] le développement de la science et la raison préparent la renaissance d’une nouvelle ère tragique. Notre époque coïncide avec un drame de civilisation qui pourrait favoriser, aujourd’hui comme autrefois l’expression tragique […]. Le monde que l’individu du XVIIIe siècle croyait pouvoir soumettre et modeler par la raison et la science a pris une forme en effet mais une forme monstrueuse. Paradoxe curieux, l’humanité par les mêmes armes avec lesquelles elle avait rejeté la fatalité s’est retaillé un destin hostile. Après avoir fait un dieu du règne humain, l’homme se retourne à nouveau contre ce dieu. Il est en contestation, à la fois combattant et dérouté, partagé entre l’absolu et le doute définitif. Cet homme contradictoire, déchiré, désormais conscient de l’ambiguïté de l’homme et de son histoire, cet homme est l’homme tragique par excellence.

C’est la raison pour laquelle Camus peut choisir un sujet en quelque sorte séculier – j’éviterai le terme « politique » – et non pas mythique, imitant en cela la plupart des auteurs tragiques du XVIIe siècle. Simplement, ici, la divinité ne se trouve pas discrètement effacée de la scène par le silence des protagonistes à on sujet : Caligula se fait au contraire provocateur à son égard lorsqu’il se travestit en la déesse Vénus et se fait adorer comme elle. Il dit exercer son pouvoir par compensation « à la bêtise et à la haine des dieux » ((III, 2) ; il parle aussi du « métier ridicule » des « dieux illusoires ». Notons cependant que, dans la prière inventée, il fait de Vénus la « déesse des douleurs et de la danse », lui attribue « un cœur noir et salé » (on est loin du « doux comme le miel » des Grecs !), et lui voit des mains « pleines de fleurs et de meurtres ». Caesonia prie la déesse de donner des « passions sans objet et des douleurs privées de raison ». Les dieux sont absents-présents, en quelque sorte, comme ceux de Lucrèce, qui ne s’occupent pas des hommes et ne sauraient délivrer un sens à la vie humaine. La parodie grotesque du culte vire à la cérémonie la plus grave. De surcroît, Camus introduit une sorte de chœur ironique, avec Caesonia dans le rôle du coryphée et les patriciens dans celui des choreutes, dénonçant en quelque sorte le lien de la tragédie avec le sacré dionysiaque.

Bien qu’un adepte de la tragédie grecque comme Pierre-Aimé Touchard ait pu écrire que, dans cette pièce, « le lien dramatique a disparu. Les scènes se succèdent comme une série de tableaux, sans nécessité »xviii, nous considérons qu’il y a bien action dans Caligula avec un début, un commencement, une fin, suivant le principe aristotélicien, ce qui constitue au reste une poétique presque paradoxale quand on veut communiquer la conscience de l’absurde. On sait qu’au contraire, plus tard, les actions d’un Beckett ne présenteront ni nouement, ni dénouement, que, dans la perspective du non-sens, chaque acte paraîtra ressembler au précédent, mais ces actions ne cultivent aucune affinité avec le genre tragique. Dans Caligula, le complot contre l’empereur commence à se préparer discrètement au milieu de l’acte II, est déjoué sans sanction au cours de l’acte III, mais parvient à exécution à la fin de l’acte IV. Parallèlement, si l’on centre son attention sur le seul personnage éponyme, on distingue bien une phase ascensionnelle, animée d’une ambition de démonstration, jusqu’à l’apothéose de Caligula, puis un glissement vers le renoncement, et l’attente de la mort.

Si trois ans séparent l’acte I de l’acte II, toutes les scènes se déroulent dans le palais de Caligula, qui convient parfaitement bien, tel le lieu racinien, à l’enfermement de l’empereur dans ses pensées et à la réduction du macrocosme en microcosme.

Les personnages, empereur, patriciens, sont de haut rang et appartiennent à l’époque éloignée qu’on choisissait le plus souvent au XVIIe siècle pour ce genre digne, où, tout en rendant en quelque sorte hommage aux œuvres qui furent composées dans l’Antiquité, on exprimait les préoccupations contemporaines, notamment en matière de machiavélisme et d’anti-machiavélisme, en matière également d’individualisme aristocratique s’opposant à un absolutisme en plein progrès. Cependant, la gravité semble ruinée en même temps qu’affichée : Camus prive beaucoup de ses personnages de la dignité tragique.

Le sujet peut également paraître constituer une sorte d’hommage à ces relais de l’Antiquité qu’ont été les poètes tragiques des XVIe et XVIIe siècles, qui transformèrent considérablement le genre tragique en imaginant des tragédies de conspiration politique. Ce choix s’accompagnait souvent de la mise en valeur d’un personnage de tyran, d’exercice ou d’usurpation, qui se donne toutes les libertés, moins à la manière du Néron de Racine qui n’est qu’un « monstre naissant », qu’à celle de l’empereur illégitime Phocas dans Héraclius de Corneille : « [… ] je leur montrerai ce qu’ils n’ont jamais vu, le seul homme libre de cet empire », clame Caligula. Lui peut « organiser une fête sans mesure ». Sa froideur calculatrice n’est pas non plus sans rappeler le cruel Attila de Corneille, dont ce dernier affirme qu’il « était plus homme de tête que de main », ou la Cléopâtre de sa Rodogune offrant la comédie de sa propre cruauté à sa suivante, Laonice. Corneille, s’efforçant de pénétrer le sens du principe aristotélicien selon lequel les héros de tragédies devaient forcément avoir de « bonnes mœurs », qui ne pouvait signifier qu’ils dussent être dépourvus de faiblesses, revendiquait seulement pour eux le « caractère brillant et élevé d’une habitude vertueuse ou criminelle », écrivant au sujet de cette Cléopâtre : « […] tous ses crimes sont accompagnés d’une grandeur d’âme qui a quelque chose de si haut qu’en même temps qu’on déteste ses actions, on admire la source dont elles partent »xix. Brillant, Caligula l’est assurément dans ce sens, même si Camus lui prête un certain plaisir à dégrader son apparence et la tenue de son corps : la volonté règne alors sur ses gestes, répugnants ou efféminés, ce qui les vide ipso facto de leur vulgarité.

Camus provoque même l’émotion aristotélicienne de pitié – délicieuse pour le spectateur – en imaginant des violences perpétrées au sein des alliances. Mais Aristote refusait que les hommes fussent conscients du lien qui les unissait à ceux contre lesquels ils exerçaient cette violence : il défendait le principe de l’agnitionxx. Camus suit au contraire Corneille sur ce point : le grand poète estime en effet, dans son Discours de la tragédie (1660), que faire souffrir l’autre en pleine lucidité et souffrir soi-même de la peine infligée constitue au contraire l’élément le plus touchant d’une tragédie. Il est bien évident que Caligula, d’une lucidité sans faille, est conscient du mal qu’il fait aux êtres les plus chers : c’est parce qu’il sent le jeune Scipion comme son ami qu’il en tue le père et il étrangle Caesonia qui est aimante, fidèle, dévouée, et à laquelle il est attaché, pour parfaire sa conscience de l’arbitraire de la mort et répéter la douleur qu’elle inspire à ceux qui restent.

Ainsi en Caligula deux forces s’affrontent. Alors qu’il suscite un sentiment de répulsion, on se sent en même temps proche de lui parce qu’il se montre, tel Auguste, capable de gracier les comploteurs qui lui ressemblent en quelque point (Chaerea) et qui, en organisant une conspiration, font acte de révolte, appréciée ; il donne 21000 sesterces à un esclave voleur que la torture n’a pas fait avouer parce qu’il aime le courage ; Chaerea déclare tout en conspirant contre lui qu’il force tout le monde à penser. On peut s’assimiler à lui : on peut éprouver des émotions tragiques.

Cependant les déviations par rapport à la norme tragique sont nombreuses ; elles constituent autant d’éléments signifiants.

La signification des entorses à la norme tragique

Caligula ne passe pas du bonheur au malheur comme Aristote le préconise : il vit constamment dans le malheur. Dans la toute première version de la pièce, Drusilla était cependant encore vivante au début de l’acte I. Néanmoins, sa mort survenait bien tôt alors que les modèles sur lesquels Aristote fonde sa Poétique font intervenir le malheur – ou la conscience du malheur – beaucoup plus tard. Que Drusilla soit déjà morte dans la version jouée évite qu’on ne prenne le désespoir de Caligula pour une incapacité à vivre sans un être particulier. Si l’on peut percevoir un changement au cours de la pièce, il ne saurait résider que dans le passage d’un grand malheur à un malheur plus grand encore, que P.- A. Touchard, dans l’article cité plus haut, ne semble pas avoir perçu : « Dès les premières scènes […] nous avons la révélation totale du personnage ». On peut même considérer que Caligula reçoit à la fin de la pièce ce qu’il souhaitait, qu’il soit assassiné comme dans la version de 1945 ou qu’il se suicide, arrachant le poignard des mains de Chaerea, comme dans celle de 1957. C’est, de toutes les manières, un « suicide supérieur », comme le disait Camus. Est-ce à proprement parler un malheur ?

On peut accorder à P.- A. Touchard que, malgré la trame, assez lâche d’ailleurs, du complot, on a essentiellement affaire, de l’acte II à l’acte IV inclus, à une succession de tableaux sans grand lien entre eux, les manifestations diverses de la cruauté de la fantaisie de Caligula : cependant il semble erroné d’avancer qu’elle s’opère « sans nécessité ». La forme permet d’apprécier toutes les variétés de l’arbitraire, car l’empereur se donne, entre autres, le visage du hasard. De surcroît, cette structure crée une sorte de lassitude qui en fait désirer la fin du spectacle par le public dans une sorte d’assimilation à Caligula lui-même : ce sera l’aboutissement du complot. L’action présente bien une fin, mais une fin singulière pour une tragédie : elle est attendue sans être redoutée, et par le public, et par le protagoniste lui-même.

Aristote considérait comme une facilité de soumettre aux regards des meurtres ou une excessive misère. Ceux auxquels on assiste disent aussi la violence du désespoir de Caligula. Camus a en effet choisi de faire mourir sur scène le patricien Mereia, que l’empereur force à boire une fiole de poison, dans la scène 10 de l’acte II, avant d’étrangler Caesonia sous les yeux du spectateur dans la scène 13 de l’acte IV. Le premier meurtre est d’autant plus saisissant qu’il s’opère en présence des autres sénateurs effarés. L’incarnation du Destin ne fait pas de quartier. La tragédie du XXe siècle, sans les dieux, est forcément pire, scéniquement parlant, en 1945, que ne pouvait l’être celle des Grecs et de leurs admirateurs du XVIIe siècle.

Autre contravention aux règles concernant la séparation des genres : malgré la multiplication des crimes de Caligula, sur scène, en coulisses, ou ceux qu’on devine, loin du palais, on rit beaucoup à ce spectacle. On se moque du vieux patricien qui ne parle que par proverbes et lieux communs, et qui s’adresse à Chaerea en disant « Cela ne te ferait rien de ne pas parler philosophie ? je l’ai en horreur » (clin d’oeil de Camus à lui-même évidemment) ; on rit encore avec Caligula des piètres intérêts des hommes, notamment de son jeu de mots quand l’intendant veut lui parler des finances du royaume : « Mais c’est vrai, le Trésor , c’est capital » ; on rit même du sénateur qui dit vouloir donner sa vie pour le salut de Caligula et qui est atrocement pris au mot, avec ce commentaire : « La vie, mon ami, si tu l’avais assez aimée, tu ne l’aurais pas jouée avec autant d’imprudence » . On rit jaune quand, au constat banal : « Tout le monde connaît la famine, c’est un fléau », s’enchaîne un illogique « Demain, il y aura fléau… et j’arrêterai la famine quand il me plaira ». On rit du concours de poésie, bien que le sujet imposé par Caligula en soit « la mort », parce que chaque poète est interrompu au bout d’un vers. On rit du spectacle de Caligula en robe de danseuse ou de Vénus, révélée dans une sorte de spectacle de cirque. Mais « Le Sage ne rit qu’en tremblant », rappelle Baudelaire dans De l’essence du rire (1855).

La parodie est également au rendez-vous. Quand Caligula reçoit Chaerea, dont Hélicon lui a découvert le complot, révélant les noms des conjurés inscrits sur une tablette, il imite de très près le célèbre pardon de l’Auguste de Corneille en la brûlant (la source de Corneille est justement le De Clementia de Sénèque, qui pourrait paraître inspirer aussi l’étrange empereur) mais, de plus, au moment où il va révéler à Chaerea qu’il sait tout de la conspiration, il répète quasiment le fameux « Prends un siège, Cinna » en disant « : Prends ce siège ». Le clin d’œil peut faire sourire mais la référence dit aussi que, comme certains héros cornéliens, l’homme peut, l’homme pourrait, être grand. Ceci suffit-il pour donner un sens à sa vie ?

Visiblement pour Camus, dans Caligula, le rire s’impose pour dire le malaise et, désacralisant tout, provoquer le sentiment du désespoir. Ionesco considérera plus tard que l’humour fait prendre conscience de la condition tragique de l’homme sans la forme tragique. Dans Caligula, dans cette forme-même, le rire renforce le sentiment du tragique. La tragédie, travaillée dans les sens contradictoires de l’humour et du forcènement, permet au spectateur de Camus de penser parce que des mots et un corps sont donnés à un mal-être et à une envie quasiment furieuse de réaction et d’action devant l’inacceptable de la condition humaine.

Cependant Camus a dit et répété que sa pièce n’était pas philosophiquexxi. Guy Degenxxii abonde dans son sens lorsqu’il écrit que Caligula est « un Tantale qui n’aurait pas lu Le Mythe de Sisyphe ». En Caligula, en effet, et bien que Poirot-Delpech ait pu situer cette pièce, « sur fond d’antiquité fantaisie », au milieu d’un « Boulevard métaphysique des années 40 »xxiii, d’inspiration normalienne, on ne perçoit dans le personnage aucun dépassement du choc et de la prise de conscience. Cet être insensé, qui cherche la lune en détruisant tout autour de lui, a simplement pu sembler à Camus propre à s’intégrer dans une dramaturgie qui avait fait la part si belle à la folie : celle d’Ajax, celle d’Héraclès, celle de Penthée, du furor de Médée à Athènes et à Rome. Mais celui de Caligula est un furor qui s’exprime aussi par le rire. Que la pièce interpelle avant tout l’affect du public, on le perçoit nettement dans quelques lignes des Carnets de 1935-1942, dans lesquelles Camus imaginait que le comédien incarnant l’empereur fou se relevait en lançant : « Non, Caligula n’est pas mort. Il est là ; il est en chacun de nous. Si le pouvoir vous était donné, si vous aviez du cœur, si vous aimiez la vie, vous le verriez se déchaîner, ce monstre ou cet ange que vous portez en vous »xxiv.

C’est peut-être la raison pour laquelle en 1970, à une époque où la pensée de Camus connaissait dans les milieux intellectuels un véritable purgatoire, le pamphlet de Jean-Jacques Brochier, intitulé Camus, philosophe pour classes terminalesxxv, a épargné Caligula.

Conclusion

Camus, entre vingt-quatre et trente-deux ans, de la conception première de Caligula à sa représentation effective en 1945, n’a pas recherché une forme dramatique nouvelle, plus profondément adaptée à l’angoisse moderne. C’est qu’il a placé l’aspect le plus affectif de sa pensée, et non pas – à la différence d’Adamov, de Genet ou Peter Weiss – la totalité de celle-ci, dans le genre qui lui était le plus familier, le théâtre, et dans une forme qu’il aimait, la tragédie antique et classique, pouvant ailleurs donner essor à une pensée raisonnée et complexe grâce à la forme de l’essai. La philosophie ne cherche pas à apporter un plaisir émotionnel ; or ce plaisir constitue au contraire la finalité, toute aristotélicienne, et méditerranéenne, de la tragédie de Caligula, marquée par l’affectivité d’un auteur qui cherche non pas à convaincre mais à toucher, classiquement, par la passion d’un personnage, dans une violence de l’espoir et du désespoir, l’impasse des raisonnements séduisants s’y trouvant, au reste, mise en valeur. Catherine Sellers rappelle à cet égard un propos de Camus : « Il estimait que le théâtre était un lieu où faire jouer les muscles, non le cerveau »xxvi.

Le moment de pause, ténu, plein de la lumière du soir méditerranéen, où le personnage éponyme partage avec Scipion l’émotion créée par « le cri des cigales et la retombée des chaleurs, les chiens, les roulements des derniers chars, les voix des fermiers… Et les chemins noyés d’ombre dans les lentisques et les oliviers » (II, 14), et qui laisse comme un regret poignant dans les deux actes suivants, met en valeur cette sombre dramaturgie classique. Par le plaisir qu’elle offre, apaisant comme la musique les blessures qu’elle crée parce qu’elle est art et concertation, selon Aristotexxvii, cette tragédie, tout comme Caligula lui-même, selon Chaerea (IV, 4), « force à penser ».
 


i. Citée par le Bulletin de la société des études camusiennes, n°87, mai 2009.

ii. Quatrième paragraphe du dernier chapitre, éponyme, du Mythe de Sisyphe.

iii. Né environ en – 518 et probablement mort en – 438. Les Pythiques appartiennent à un recueil d’Odes triomphales divisé en quatre livres : Olympiques, Pythiques, Néméennes, Isthmiques. Toutes sont écrites pour célébrer des victoires à des jeux sportifs, ayant lieu respectivement à Olympie, Delphes, Némée et Corinthe.

iv. C’est cela la bienséance, et non pas ce code pudibond et effarouché qu’on prétend représentatif du XVIIe siècle : on pouvait attendre, selon les genre pratiqués, les contenus et formes les plus opposés, mais les auteurs devaient se conformer à ces attentes différenciées.

v. Vie des douze Césars, Trad. P. Klossowski, Le Livre de Poche, 1990, p. 275.

vi. Introduction à la Vie des douze Césars. Éd. citée, p. 32.

vii. -170 ; - 86.

viii. Sophie Bastien, Caligula et Camus. Interférences historiques. Faux Titre, 2006. Selon elle, Héliogabale ayant fait l’objet d’un récent essai d’Artaud, il ne restait plus qu’un empereur fou disponible.

ix. Comme Héliogabale, dans l’essai d’Artaud, en 1934.

x. Sur ces questions, voir Karl W. Modler, Soleil et mesure dans l'œuvre d'Albert Camus. L’Harmattan, 2000.

xi. D.E.S. de Camus, cité dans Albert Camus, Théâtre – Récits - Nouvelles, Gallimard, Pléiade, tome II, 1967, p. 1309.

xii. L’Homme révolté, chapitre II, « La révolte métaphysique. Les Fils de Caïn ». Éd. numérique, J.-M. Tremblay, http://classiques.uqac.ca/ , p. 40.

xiii. J.- P. Dumont, L. Bescond, éd., Septentrion, « Politique traditions et fantasmes : l’épisode Caligula », Dans Politique dans l’Antiquité. Images mythes et fantasmes. Presses universitaires du Septentrion, 1986.

xiv. « Bassin international traversé par les courants, la Méditerranée est de tous les pays le seul peut-être qui rejoigne les grandes pensées orientales. Car elle n'est pas classique et ordonnée, elle est diffuse et turbulente, comme ces quartiers arabes ou ces ports de Gênes en Tunisie. Ce goût triomphant de la vie, ce sens de l'écrasement et de l'ennui, les places désertes à midi en Espagne, la sieste, voilà la vraie Méditerranée, et c'est de l’Orient qu'elle se rapproche. Non de l'Occident latin. L'Afrique du Nord est un des seuls pays où l’Orient et l’Occident cohabitent. Et à ce confluent, il n'y a pas de différence entre la façon dont vit un Espagnol ou un Italien des quais d'Alger, et les Arabes qui les entourent. Ce qu'il y a de plus essentiel dans le génie méditerranéen jaillit peut-être de cette rencontre, unique dans l'histoire et la géographie, née entre l'Orient et l'Occident » (Jeune Méditerranée, bulletin mensuel de la Maison de la Culture d'Alger, N°1, avril 1937).

xv. Le Mythe de Sisyphe, 1942. N.R.F., coll. Idées, p. 106.

xvi. Caligula and three other plays, translated by Stuart Gilbert. Introduction by A. Camus. New York, Vintage Books, 1958.

xvii. Albert Camus, Théâtre- Récits-Nouvelles, t. I, Gallimard, Pléiade, p.1702-1708 (passim).

xviii. Critique parue dans Opera, 03/10/1945.

xix. Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique (1660) ; in Corneille. Trois discours sur le poème dramatique. Présentation de B. Louvat et M. Escola, Garnier Flammarion, p. 78-79.

xx. Le fait de commettre un acte sans connaître toutes les données de celui-ci et notamment sans connaître l’identité de celui auquel on nuit.

xxi. Notamment pour l’édition américaine de son théâtre (voir note 15) : « La critique française, qui a très bien accueilli la pièce, a souvent parlé, à mon grand étonnement, de pièce philosophique. […] je cherche en vain la philosophie dans ces quatre actes ».

xxii. « Caligula ou le prix d’un trop beau rôle », Théâtre, n°10, Revue-programme du Centre dramatique national de Reims, 1981, p. 17- 48.

xxiii. Le Monde, 24/09/71 (à l’occasion de la reprise de la pièce au Théâtre La Bruyère).

xxiv. Carnets I (1962), p.43.

xxv. Balland, 1970.

xxvi. Citée par Herbert R. Lottman, Albert Camus. Le Seuil, 1978, p. 596.

xxvii On estime ici que la katharsis poétique se rapproche de la katharsis musicale, évoquée dans la Politique, comme le suggèrent Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot dans leur édition/traduction de la Poétique d’Aristote publiée au Seuil en 1980 (commentaire du chapitre VI, note 3, p.188-193).



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- Auteur : Liliane Picciola, Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Titre : Albert Camus et la dramaturgie de l’inquiétude latine : Caligula
- Date de publication : 14-05-2012
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=113
- ISSN 2105-2816