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COLLOQUES


EROS LATIN


La mise à mort d’Éros : Anteros sive contra amorem de Battista Fregoso

Nella Bianchi Bensimon


L’Anteros sive contra amore de Battista Fregoso a été publié par Léonard Pachel à Milan en 1496 ; jamais réédité depuis il n’existe à ma connaissance aucun manuscrit de cet ouvrage dont je suis actuellement en train de réaliser une nouvelle édition1. Dans l’incunable, le dialogue est précédé d’une xylographie, que je reproduis ici, et qui est une sorte de mise en abîme de la thèse dans l’œuvre2. Eros est vaincu et humilié, ses armes, les instruments de la séduction, sont détruites, inutiles. Aux branches de l’arbre ‘justicier’ sont enroulées des banderoles, elles portent des inscriptions : matrimonium, oratio, negotia, abstinentia, mariage, prière, zèle et abstinence, ce sont les remèdes aux tentations de l’amour. Au premier plan se trouvent en revanche les personnifications des conséquences néfastes de l’amour : inopia, gelotya, derisio, luctus, pauvreté, jalousie, dérision, deuil. De part et d’autre d’Eros enchaîné, apparaissent un diable, qui tient un petit bonhomme transpercé d’une flèche, et un squelette se dressant dans son cercueil avec une pioche et une pelle. Le diable est désigné par une inscription : « Mors Ӕterna », il transporte dans la main gauche un petit personnage, presque un pantin, le corps percé par une flèche, c’est la victime de l’amour promise à la mort éternelle et prématurée comme l’indique le squelette qui sort d’un cercueil sur lequel est inscrit le mot « Inmatura». En bas à gauche, à l’écart, un personnage légèrement souriant et vêtu comme un soldat, avec une armure et des éperons, tient une plume et un livre ouvert sur ses genoux. Il regarde la scène et il écrit ; c’est bien sûr l’auteur lui-même, sa position marginale et son expression un peu détachée suggèrent son rôle d’observateur en train de coucher sur le papier ce que ses yeux enregistrent. C’est la représentation de l’auteur, Battista Fregoso, soldat et homme politique avant même d’être un lettré. Battista Fregoso, ou Campofregoso, naquit à Gênes le 2 février 1452 de Pietro Fregoso (1417-1459) et de Bartolomea Grimaldi, fille du seigneur de Monaco. Il mourut à Rome le 7 août 15043. Battista appartenait à une illustre famille génoise, les Campofregoso, dont l’ascension commence avec Domenico, doge de 1370 à 1378, et surtout, comme le signale Giovanni Stella, avec Pietro I, l’amiral qui commandait la flotte génoise lors de la victoire qu’elle remporta à Chypre contre les Vénitiens en 13834. Les Campofregoso eurent une influence considérable dans la vie politique de Gênes entre la fin du XIVe jusqu’au début du XVIe siècle. La famille pouvait s’enorgueillir de compter parmi ses membres, treize doges dont le plus connu, en raison de ses qualités d’homme politique et de ses intérêts culturels, fut Tommaso de Campofregoso qui détint la charge pour une durée totale de treize ans.5 Celui-ci fut élu doge pour la première fois en 1415 jusqu’en 1421, à savoir au moment où il dut déposer ses insignes et remettre le gouvernement de la République à Philippe Marie Visconti. Grâce au soutien des Sforza, Battista va à son tour devenir doge de Gênes entre novembre 1478 et novembre 1483 lorsqu’il sera renversé par son oncle Paolo. Outre l’Anteros sive contra amore, Battista a laissé le Dictis factisque memorabilis liber, un recueil d’épisodes et d’anecdotes mémorables tirés de l’histoire ancienne ou d’époques plus récentes sur le modèle des Factorum dictorumque memorabilium libri IX de Valère Maxime6. Les deux ouvrages témoignent d’une vaste culture et d’un esprit qui vise l’exhaustivité.

La xylographie annonce donc les conclusions du dialogue qui est composé de deux livres : dans le livre I Piatino cherche à convaincre Battista que l’amour a des conséquences répréhensibles et pernicieuses, dans le livre II un troisième personnage, Claudio de Savoie rejoint les deux amis, les trois interlocuteurs vont essayer de déterminer quels sont les causes de l’amour et du désir. Leurs interventions composent une riche mosaïque des différentes théories que depuis des siècles ont été transmises par les poètes, les philosophes, les Pères de l’Église et que Fregoso met en relation avec les thèses médico-philosophiques. L’articulation du dialogue et l’enchaînement des citations d’auctoritates préparent la conclusion : la condamnation irrévocable de l’amour. Le titre, Anteros sive contra amore, annonce sans ambigüité le contenu du dialogue : c’est un discours contre l’amour. Le choix de placer dans le titre une référence à Anteros, pourrait paraître une sorte de pléonasme, mais cela renvoie implicitement à la longue tradition qu’au XVe siècle la divinité homonyme avait déjà derrière elle. Depuis l’Antiquité, Anteros apparaît en couple avec son frère Eros pour incarner soit le dieu garant de l’amour réciproque et vengeur de l’amour méprisé, soit le dieu destructeur de la passion érotique. À propos de ce couple, Robert Merill mentionne parmi les plus anciens témoignages qui rendent compte de ce double rôle attribué à Anteros celui contenu dans la Graeciae descriptio où le voyageur Pausanias parle de deux autels : l’un érigé à Athènes pour honorer Anteros comme le justicier des amants dédaignés ; l’autre situé dans le gymnasium d’Elis dans le Péloponnèse et consacré aux deux frères. À cet endroit, un bas-relief représentait Eros tenant une palme qu’Anteros tente de lui arracher. Le premier autel devait commémorer le suicide d’un jeune homme nommé Mélès qui, désespéré par l’indifférence de Timagoras dont il était éperdument amoureux, s’était suicidé en se jetant dans le vide ; son amant rongé par les remords l’avait suivi dans la mort. Le deuxième renvoie au conflit entre les deux frères7.

À travers les siècles Anteros a alternativement revêtu ces deux rôles : celui d’un dieu supposée venger les offenses d’Eros, ou bien celui d’une divinité protectrice de l’amour partagé. En ce sens la plus ancienne occurrence écrite se trouve dans Phèdre (255d). Socrate explique qu’un garçon aimé est conduit à aimer lui-même, puisque l’amour engendre l’amour8. Selon R. Merill le manuscrit généralement accepté propose la leçon : « τò ̓ʹEρωτος είδωλον αντέρωτα », « contre-amour de l’image de l’amour », le mot αντέρωτα, « contre-amour » désignerait l’amour réciproque.9 Dans le De Natura deorum (III, 23, 59 et 60), Cicéron octroie à Anteros sa place dans la théogonie affirmant que ce petit dieu est le fils de Venus et de Mars10. Contrairement à Eros, presque toujours représenté avec ses ailes, son arc et ses flèches, Anteros n’a jamais eu d’attributs spécifiques et son culte ne s’est jamais imposé, c’est pourquoi à travers les siècles il a gardé une sorte d’ambiguïté : tantôt allié, tantôt adversaire de son frère jumeau.

La représentation d’Anteros comme le compagnon indispensable d’Eros a connu une large popularité dans la littérature française et italienne de la Renaissance grâce en particulier à Thémistius dont les Discours avaient été transmis par un grand nombre de manuscrits11. Dans le Προτρεπτικός, pour persuader son auditoire de Nicomédie que la philosophie et la rhétorique se renforcent l’une l’autre, Thémisthius se sert de l’image d’Eros qui a besoin de son frère Anteros pour pouvoir grandir, ce dernier nuance son intempérance et si l’un des deux vient à manquer, l’autre dépérira12. En ce qui concerne le dialogue de Fregoso le renvoi à Anteros apparaissant dans le titre n’a rien à voir avec le dieu grec, mais doit être interprété suivant son sens étymologique : αντί, contre, en opposition à, έρως amour, passion, discours contre l’amour. La passion amoureuse est responsable du délire des hommes, elle doit être maîtrisée ou canalisée par son intégration dans la structure sociale à travers le mariage. Cependant ce titre, Anteros, ne pourrait entièrement se comprendre sans imaginer un glissement de sens à partir d’un principe de dualisme où les deux Amours entretiennent une relation antagoniste. Ce glissement se produit d’abord chez les moralistes et les humanistes qui tendaient à interpréter la préposition αντί comme “contre”, au lieu de “en échange de”. Ainsi le dieu de l’amour réciproque se transforme en une personnification de la pureté vertueuse, comme dans le titre du dialogue de Fregoso où Anteros a exactement le sens de “contre l’amour”, sans que ce dernier ne soit porteur d’aucun dualisme. Erwin Panofsky a observé qu’à la Renaissance la rivalité entre Eros et Anteros est souvent comprise comme la lutte entre l’amour sensuel et la vertu, entre l’amour-passion et l’amour conçu comme bienveillance qui se réalise dans le mariage13. La thèse antiérotique affirmée dans le dialogue se situe dans une perspective différente relativement au néoplatonisme ficinien qui connaîtra en revanche une grande fortune dans la réflexion sur la femme et sur l’amour au XVIe siècle. Anteros est en quelque sorte l’extrême appendice d’une tradition vivace chez les lettrés humanistes qui considérait l’amour comme un facteur d’aliénation de la ratio masculine, sa condamnation restait cependant dans le domaine laïque et intellectuel et ne faisait pas de la femme une imago diaboli. Fregoso connaissait sans doute la pensée et l’œuvre de Ficin car le Commentarium in Convivium Platonis, écrit probablement entre novembre 1468 et juillet 1469, avait commencé à circuler dès 1480 et avait été publié pour la première fois en 1484. Le volgarizzamento du Commentarium, le De Amore, imprimé en 1544, avait été rédigé en 147414 .

Au début et à la fin de chacun des deux livres l’auteur intervient pour donner des rapides informations sur le moment et sur le lieu où se déroule le dialogue, pour indiquer l’écoulement du temps et les déplacements des personnages. Dans le livre I Piatino et Battista se retrouvent à Milan, chez ce dernier probablement autour de 1485. L’intérieur n’est pas décrit mais on l’imagine calme et serein. Piatino surprend son ami plongé dans la lecture des sonnets de Pétrarque, le pretexte du début du dialogue est la perplexité de Battista : comment expliquer que ce «leggiadro poeta», ait été victime de l’amour ? Que faut-il penser de la vie des amoureux 15? Au livre II Battista se rend à son tour chez Piatino et il le trouve en compagnie de Claudio de Savoie. Les interlocuteurs sont des hommes cultivés, qui entretiennent des liens d’amitié, leur appartenance à une même élite socio-culturelle garantit leur sodalitas et l’urbanitas de leurs échanges et empêche l’émergence d’un dogmatisme rigide ; le topos de la modestie, auquel tous les personnages ont recours, dissimule leurs compétences respectives. Conformément aux innovations apportées par la reprise des modèles cicéroniens à l’époque humaniste, le dialogue se déroule sur deux jours, à chaque jour correspond un livre, les circonstances des entretiens sont à peine ébauchées mais elles suffisent pour le présenter comme un usus disputandi quotidien : celles-ci sont certaines des caractéristiques du dialogue philosophique tel qu’il avait été inauguré par la tradition néoplatonicienne que Macrobe et Plutarque avaient codifiée dans les Saturnalia et dans le Questionum convivalium libri IX et qu’à travers Cicéron étaient parvenues jusqu’aux lettrés humanistes16. Anteros est un des rares dialogues en langue vulgaire du XVe siècle construit suivant la typologie des dialogues de Cicéron et dédié à la thématique amoureuse. Il faudra attendre le XVIe siècle pour assister à l’affirmation des dialogues en langues vulgaire ainsi qu’a la codification de ce genre littéraire et de l’art de la conversation qui sera formulée par Giovanni Pontano dans son De sermone publié en 150917. En Italie, au Cinquecento, plusieurs dialogues en langue vulgaire seront centrés sur la thématique amoureuse : Gli Asolani de Pietro Bembo, le livre IV de Il libro del Cortegiano di Baldassarre Castiglione et le Dialogo dell’infinità d’amore de Tullia d’Aragona entre autres. Mais au XVe siècle dans ce domaine de la culture italienne brille seul, ou presque, le génie de Leon Battista Alberti18. En vertu de leur thèse antiérotique l’ouvrage de l’auteur génois doit être rapproché du De Amore de Platina et du Anterici de Pietro Edo, écrits en latin, le premier avant 1466 et le deuxième imprimé à Trévise en 1492.19 Cependant par rapport à ces ouvrages, l’originalité d’Anteros est double : d’une part il est écrit en langue vulgaire d’autre part la thèse antiérotique est soutenue par une réflexion médico-philosophique sur l’origine de l’amour. Ainsi Battista Fregoso applique à la langue vulgaire des choix rhétoriques et épistémologiques propres aux modèles cicéroniens et il lui ouvre des domaines du savoir traditionnellement réservés au latin.

Sans analyser ici le fonctionnement du dialogue je me bornerai à rappeler les points essentiels de l’argumentation antiérotique. Anteros, pour reprendre les mots de Massimo Ciavolella n’est pas uniquement une réflexion sur la problématique amoureuse, c’est une sorte de « repertorio erudito » sull’amore. Dans une centaines de pages Fregoso a condensé une grande partie de l’héritage littéraire, philosophique, médical, théologique de l’Antiquité, issu de Horace, Ovide, Virgile,  Properce, Lucrèce, Cicéron, Juvénal, Pline,  Plaute, Sénèque, Porphyre, Apulée, Aristote,  Alexandre d’Aphrodise, Platon, Plotin, Lactance, mais aussi Avicenne, Galien, Albert le Grand, Constantin l’Africain, et enfin Saint Augustin,  Saint Jérôme, Saint Paul, Saint Thomas, Saint Ambroise.   

Au livre I, au cours du dialogue entre Piatino et Battista, les deux amis énumèrent des éléments en faveur et contre l’amour. À Battista revient la charge de défendre l’amour afin que, dit Piatino, « amore contra il quale già mi pare arò da dire, senza essere difeso non condaniamo »20. Dès les premiers échanges, en opposition aux théories platoniciennes et néoplatoniciennes, Piatino nie à l’amour une quelconque dimension idéale de motus ad perfectionis. L’amour, dit-il, est un « desiderio overo sfrenato appetito con luxuria congionto, incitato dall’ocio e lascivia » 21. Il dénonce alors le comportement ridicule des amoureux qui dansent, chantent, se parfument, sont imprudents et vicieux. Battista intercède en faveur de l’amour au nom de la medietas qui empêche à l’amour de dégénérer dans l’excès et rend les jeunes amoureux jouyeux et agréables22. Piatino démantèle sans difficulté la défense de Battista, il illustre la menace que l’amour laisse planer sur l’équilibre masculin, sur la paix des familles et des cités en énumérant, comme son ami avait fait avant lui, des citations d’auctoritates et de nombreux exempla, pour aboutir à la conclusion, reprise à la fin du livre II : « [...] il cavallo d’amore non temendo freno trasporta ogniuno quantunque sia optimo cavalcatore, ma l’unico rimedio è non montarvi sopra fuor che per la via de Hymeneo e di Iunone, gli quali a lui miscolati cossì ogni suo nocumento gli togliono, come il mithridatico antidoto al veleno23». Fregoso ne célèbre pas le mariage comme une institution utile à l’individu ou à l’État, comme certains humanistes, mais comme le moyen d’endiguer l’incontinence, pour préserver l’ordre social et la santé mentale de l’homme.

Les arguments que les deux amis utilisent contre l’amour sont assez traditionnels : ils dénoncent ses effets débilitants, sa puissance subversive et ils profèrent des violentes invectives mysogines. Tout aussi traditionnelle s’avère la solution proposée : le mariage. À la fin de ce I livre Battista s’avoue vaincu : « Degnamente e contra a quello stimai prima (tanto stimavo amor esser gagliardo) e con ragion, auctorità, exempli la natura sua e ogni maligno suo effecto hai scoperto. Talmente che nel’ opinione tua descendo, e quello teco insieme pessimo e da fugire voglio credere.»24

L’accord entre les deux interlocuteurs est indispensable pour affronter le débat du livre II, plus innovant que le précédent car, bien que les interlocuteurs soient les intérprètes de doctrines philosophiques, médicales et théologiques connues depuis l’Antiquité, toutes ces différentes approches sont réunies dans un même texte. Dans le domaine médical les connaissances de Fregoso sont généralement celles qui lui viennent d’Ippocrate, de Galien, d’Aristote, d’Albert le Grand, de Razis et d’Avicenne. Fregoso ne se conforme complétement à aucun de leurs enseignements, il les compare, il les intègre grâce au jeu du dialogue et les met en rapport avec la pensée des philosophes et des théologiens. Il est probable que la documentation dont témoigne l’auteur puisse être ramenée au recueil de consilia, aux regimina sanitatis ou aux summae encyclopédiques qui circulaient en Italie et en Europe entre le XIVe et le XVe siècles, au Lilium Medicinae de Bernard de Gordon, achevé en 1305, à l’Anathomia de Mondino de’ Liuzzi qui commençait à circuler vers 1317, ou encore à la Pratica Maior de Michele Savonarole écrite entre 1440 et 144625. Fregoso cite de façon explicite Costantin l’Africain auquel on attribuait le Viaticum, et surtout le Canon medicinae d’Avicenne que Gérard de Crémone avait traduit entre 1150 et 1187.

Le dialogue de ce livre II est moins dynamique que le précédent. Battista retrouve Piatino et Claudio de Savoie déjà plongés dans une discussion sur l’amour. Désormais les trois amis partagent tous une même thèse antiérotique et ils décident de mettre en commun leurs compétences respectives pour enquêter sur les origines de l’amour. C’est Battista qui prend la parole en premier. Son intervention renvoie tout d’abord à la pratique médicale et à la conception de l’amor hereos dont la dimension pathologique peut dégénérer jusqu’à la mort. Il faut savoir diagnostiquer la maladie d’amour pour pouvoir la soigner et la guérir à temps26.

La thèse de Battista est de nature physiologique : l’amour né du désir de coït. Sa démonstration se base sur la théorie des humeurs d’Ippocrate chez qui ce personnage puise également la relation qu’il établit entre la stimulation exercée par le sperme et l’apparition du désir vénérien. Au moment de l’éjaculation le sperme en sortant stimule la sensibilité de différents organes et produit une sensation de plaisir27. Mais si le sperme retenu est en excès : «evaporando al capo, oltra el stimolo già detto del’uscire, genera fantasia di coito, e quello corre a qualche femina già piaciuta, come a cosa più ritenuta in mente, e però desiderando con quella leviarsi, o genera amore, o ‘l generato augumenta »28. Il s’en suit, dit Battista, que « l’appetito del coito e l’amore esser tut’unna cosa, e per questo prodursi amore dal corpo».29 Pour expliquer pourquoi on désire une femme plutôt qu’une autre, cet interlocuteur se réfère aux théories platoniciennes. Il soutient qu’à travers les yeux se transmet une sorte de contagion par le biais de «spiriti sanguinenti e invisibili» qui pousse celui qui en est victime à désirer de se joindre à celle qui l’a contagié, le désir est si fort que :

«[...] esser il mio giudicio che amore sia infirmità di mente, ma dal corpo causata, per mezo de’ raggi degli ochi, com’é detto, d’alcune persone che ensieme si riguardion essendo di natura e complexion alquanto convenienti. Augumentandosi o più facilmente ricevendosi tal influxo dove dal’abondante semme sia stimulato e esser questa infirmità nel cuore principalmente, come in fontana e riceptacolo del sangue, nel qual una fiata impressa essendo la natura e quasi per gli spiriti l’imagine di quella persona da cui son partiti, per questo l’amante havendo sempre quella in fantasia e gli spiriti ricevuti, per l’ochi stimulando ch’al suo principio appetiscono sempre tornare, desidera l’amante con lei coniungersi e in quella il seme gettare come cosa in parte con gli spiriti miscolata. E però quando a tal atto vengono dal detto stimulo caciati, par non gli basti el solo congiungimento, ma con le bracia, lingua e tutti e membri, si sforcin quasi entrare l’un nel’altro e nela fine farsi un solo corpo»30.

En conclusion selon Battista l’amour est une «infirmità di mente», mais engendrée par des trouble physiologiques. Le corps peut être contaminé à travers un certain regard, ce qui expliquerait l’amour pour une femme en particulier, la contagion est aggravée par l’abondance de sperme. L’image de l’aimée se fixe dans le cœur «fontana e riceptacolo del sangue» et elle conduit l’amoreux à chercher à se joindre à celle qui l’a infecté. Battista achève son intervention par une longue présentation sur la génération de la sémence. Il retrace les thèses de Pythagore, d’Anaxagore, d’Aristote et d’Albert le Grand pour conclure avec ce dernier que le sperme est le résultat des résidus de la quatrième digestion. Il décrit ce processus ainsi que les effets des deux digestions : l’imparfaite qui a lieu dans la bouche, et la parfaite qui comprend quatre phases dont dépend la génération des humeurs.

C’est ensuite le tour de Claudio qui défend une approche théologique pour justifier la naissance du désir érotique. Il fait appel à l’autorité de Saint Paul (Épître aux Éphésiens, chap. VI, Épître aux Corinthiens, 2, chap. XII), il affirme que l’amour, comme les autres vices, est provoqué par la tentation exercée par les «spiriti maligni». Lactance (Institutions divines, II, 14), Saint Augustin (De divinatione daemonum, V, 9) et Porphyre décrivent la manière par laquelle les mauvais esprits forcent l’âme de l’homme et altèrent le bon fonctionnement de son corps. Ces mauvais esprits sont les anges rebelles qui tentent les hommes car ils haïssent Dieu. Les démons corrompent l’imagination, manipulent les instincts et les émotions humaines, ils enflamment le désir. Dieu accepte que les hommes soient soumis à la tentation pour les mettre à l’épreuve. La thèse de ce personnage diverge de celle de Battista puisqu’il met en cause les démons, mais, par l’affirmation du libre arbitre, il reconduit à la volonté de l’individu la possibilité de céder ou pas à l’amour et au désir. L’homme est l’instrument de la lutte que les anges rebelles mènent contre Dieu, mais il possède en puissance la force pour résister aux tentations démoniaques31.

Enfin Piatino prend la parole. Il manifeste son désaccord par rapport à ses deux amis. Il démantèle d’abord la thèse de Battista : il fait aussi appel à Lactance (De opificio dei, XIV) et il refuse d’admettre l’existence d’un lien entre le fonctionnement physiologique et les émotions ou les sentiments : l’amour n’est pas dû à l’abondance de sperme, ni à une contagion qui, à travers le regard sans blesser le corps, pénétrerait jusqu’au cœur. L’amour selon l’humaniste milanais est une erreur de l’esprit, c’est le résultat d’un «falso giudizio cupido e cieco». Piatino conteste ensuite la thèse de Claudio, il lui reproche d’avoir mal interprété la pensée de Lactance : les esprits malins ne sont pas responsables des vices, ils en sont seulement la cause indirecte. Les démons ont la possibilité d’exercer les tentations, comme le soutiennent Saint Augustin (De divinatione daemonum, V), Saint Isidore (Sententiae, III, 5, 7) et Saint Ambroise, mais l’homme est potentiellement en mesure de les repousser et il peut pour cela compter sur le secours de Dieu32. C’est pourquoi il est le seul responsable de son abandon à un amour que Piatino avait, dès le début du dialogue, défini «uno sfrenato appetito e desiderio congiunto con luxuria». Se fondant sur la pensée des Pères de l’Église, tout particulièrement sur Saint Augustin et Saint Thomas, ce personnage parvient alors à la conclusion que «l’anima e mente nostra sola errare» et que l’«amore generarsi dalla mente », il est «vicio e peccato», «egritudine di mente», «passion d’animo, e dela mente corrotta falso giudicio». Ce personnage formule ensuite une sorte de synthèse, il n’exclue pas totalement les théories de Battista et de Claudio, mais il les intègre à sa propre conclusion :

«Per conclusione dico Amore haver origine da lei [mente] aiutato in parte dagli sensi e conformità di constellatione e oltre anchora per stimolo de’ spiriti che come il vento aiutano l’incendio, e gli ochi esser a tal cosa grande megionon per spiriti o raggi sanguinei, come volse dir Baptista, ma perché amore essendo appetito non s’apettendo se prima non si giudica, essendo prompto instrumento l’ochio a tale cosa, però amore per gli ochi assai si accendere, perché vedendo alcuno già inclinato più ala sensualità che ad altro, alcuna persona portasi dal’ochio quella figura al’imaginativa e senso comune firmati nel primo ventricolo del cervello, e da quella trascorre al’extimativa, ne’ huomo detta cogitativa o vero pensamento e fantasia situati nel ventriculo di megio del cervello e d’indi vanne e fermasi ala memoria, posta nel’ultimo ventricolo il quale sta nel’ultima parte del capo, come il primo nel’anteriore, dal quale i sentimenti cossì discendono come da quel di mezo la ragione, e dal’ultimo nela nuca il movimento. Fermandosi adunche quivi, quella veduta piacendo induce appetito con estimarne falsamente piacere. Per le qual cose potesi ancor comprendere : l’amore essere lesione e infirmità del’exitimativa e memoria. Égli etiamdio un’altra ragione per la quale si può arguire l’ochio essere in l’amore di gran momento, però ch’essendo l’ochio quello membro sia più veloce e apto far cognoscere se si amma e l’opinion d’esser amato essendo grande fondamento del’amore e forse de’ magiori si possin dire, per questo quello membro molto in tal cosa operare si crede.» 33

L’explication de Piatino se fonde sur la théorie de la connaissance qu’Aristote avait exposé dans le De anima (427a-432a). Les perceptions sensorielles soumises à l’activité de la faculté imaginative deviennent la matière sur laquelle s’exerce la faculté estimative. L’imagination a un rôle intermédiaire entre la perception et la pensée parce que l’intellect opère uniquement sur les images qu’elle a élaborées à partir des perceptions qui lui ont été transmises par les cinq sens. La partie de l’âme qui est en mesure de produire des images est donc celle qui rend possibles les pensées les plus élevées34. Le Stagirite compare la formation des images mentales dérivées de la perception sensorielle à la marque qu’un seau imprime sur la cire chaude (De memoria et reminiscentia 450b). La mémoire, qui appartient à la même partie de l’âme que l’imagination, contient une collection d’images mentales qui ne dérivent pas de la perception des choses présentes, mais passées. Le discours de Piatino est basé sur les acquis de la tradition médicale de l’époque qui est parvenue jusqu’à Fregoso à travers les écrits des philosophes et des auteurs des traités médicaux. Le cerveau était considéré le centre de l’imagination, de la raison et de la mémoire. La tripartition des ventricules du cerveau remonte au De natura hominis de Némèse d’Émèse qui s’inspira de la réflexion d’Aristote et de Galien35. La plupart des auteurs s’accordaient pour placer dans le lobe frontal du cerveau le sensus communis qui été supposé recevoir des yeux l’image de l’objet. Dans le même ventricule se situe la faculté imaginative, imaginatio, chargée de retenir et de faire “apparaître” les images après que l’objet des sensations n’est plus présent et de les transmettre à la faculté cognitive située dans le ventricule du milieu où se trouve aussi la phantasia. La mémoire est placée dans le ventricule postérieur du cerveau et elle préserve les impressions de l’objet qu’elle a reçues de la faculté imaginative. Piatino assimile la phantasia, «pensamento o fantasia», à la faculté estimative ou cognitive qu’il localise dans la partie postérieure du ventricule moyen de l’encéphale qu’il identifie comme le lieu des sentiments. L’œil perçoit un objet plaisant, cela éveille le désir parce que la faculté estimative juge pouvoir ressentir du plaisir en le possédant ou en ayant un contact avec l’objet perçu : «quella veduta piacendo induce appetito con estimarne falsamente piacere»36. Si le désir pour cet objet, en l’occurrence pour une femme, n’est pas satisfait, il peut devenir obsessionnel jusqu’à faire sombrer l’homme dans l’amor hereos. Au Moyen Âge les termes de phantasia et imaginatio n’étaient pas toujours synonymes et prenaient parfois des significations différentes. Par le mot phantasia  on pouvait désigner la capacité de composer et de décomposer les images dont on a besoin pour réfléchir et que la phantasia reçoit du sensus communis et de l’imaginatio. Dans ce cas, la phantasia était associée à la faculté extimativa et à la pensée, comme dans l’argumentation de Piatino. Selon Arnauld de Villeneuve la corruption de la faculté estimative, que Piatino dénonce ici et qu’il rend responsable de la fascination amoureuse, avait des origines physiologiques. Lorsque l’objet perçu par les sens externes, en particulier par la vue, éveille un désir excessif, l’esprit vital se réchauffe, ce dérèglement entraîne une perturbation de l’esprit animal. Le réceptacle de la faculté estimative, le ventricule moyen du cerveau, est soumis aux variations des esprits vitaux et animaux, en conséquence il s’enflamme à son tour en troublant le bon fonctionnement de la faculté estimative37. Cet état anormal de l’organisme persiste même lorsque l’objet désiré n’est plus visible. Cette théorie de l’imagination permet de comprendre le concept médical du désir érotique : c’est dans l’imagination qu’est fixée l’image de l’être aimé selon une perception indépendante de la réalité, l’imagination crée elle-même ce qu’elle n’a pas vu. André Chapelain écrivait dans son célèbre traité que le véritable amant éprouve un désir constant excité par l’imaginatio assidua de la femme aimée (De amore, II, 8). Puisque la santé du corps dépend de l’équilibre des quatre humeurs, la pensée obsessionnelle de l’être aimé cause l’augmentation de la chaleur et la défaillance de l’esprit vital perturbant cet équilibre fragile avec des graves conséquences pour l’organisme : insomnie, amaigrissement, augmentation de battements du pouls. Avant que Piatino puisse passer à l’énumération des remèdes à l’amour, Claudio dit avoir été convaincu, mais il lui reste une perplexité. Quelle différence y-t-il a entre ces trois entités, «anima, mente, spirito» que Piatino a souvent évoquées sans jamais clairement les définir38?

Piatino contourne l’obstacle et il se soustrait à la complexité de la question39. Il ne répond pas, ou mieux il répond par une double citation, la première tirée des Etymologiae d’Isidore de Séville, la deuxième extraite du De spiritu et anima du pseudo-Augustin, dont il se sert pour conclure : «anima», «spirito» et «mente» ne diffèrent pas dans leur substance, «omnia ista anima est, proprietates quidem diverse»40. Si par ces deux rapides citations Piatino montre ne pas vouloir s’aventurer dans l’analyse d’une question si complexe, en revanche sa propre thèse l’oblige à s’attarder sur le concept de beauté. Il s’agit en effet de contester indirectement les théories néoplatoniciennes selon lesquelles, comme avait affirmé Socrate dans Le Banquet (211a-212a), la beauté est à l’origine de l’amour parce qu’elle véhicule le reflet de Dieu. L’âme le reconnaît et elle en subit l’attraction. Une telle conception est naturellement inconciliable avec la thèse antiérotique de Piatino qui s’applique donc ici à en démontrer le manque de fondement par un raisonnement tortueux qui vise à saisir son aspect contradictoire.

Après avoir définitivement nié à l’amour la possibilité de véhiculer un motus ad perfectionis, Piatino passe à l’énumération des remedia amoris largement inspirés à Ovide : étouffer l’amour dès sa naissance, fuir tout ce qui excite l’amour, la musique, les chants, les danses, les livres qui parlent d’amour, rechercher la compagnie de ceux qui dénigrent l’amour, mais aussi s’abstenir des «cibi caldi e ventosi », « castigar la carne » et, enfin, prier. Mais si l’amoureux parvient jusqu’à la « dessicatione e morte » avant de le laisser mourir il faut lui proposer une autre femme pour satisfaire son désir tout en espérant que, dit Piatino, « non s’incarnassi troppo nel secundo » ! Si même ce remède se révèle inefficace « giova usare con molte femmine » ou encore soigner l’amoureux avec « la cura dei paci melanconici ». Mais la meilleure manière de se soustraire à l’obsession du désir reste le mariage.41

Ma aggiunge Piatino….

«Ma dove questa infirmità già radicata, o per natura prava del’infermo, diminution o sanità non conseguisse per gli rimedii detti insin adhora, dico quantunche del’amor godendo ancor non fussi in pericolo di vita, anci che stare in carcere si vile d’una simplice feminella prigioniero, ludibrio al mundo e in odio a Idio, credo quasi saria mancho reo il rimedio disse Crate, thebam philosopho, che non potendo caciar l’amor con fame, né con tempo vedendo si sanasse, solo rimedio essere impicarsi, però che veramente, a parer mio, tanto aspra è ognora più la tirania d’amore, che qual morte si sia è manco accerba.»42

En conclusion je voudrais souligner que, malgré l’importance accordée dans le dialogue à la doctrine des Pères de l’Église, Anteros reste un ouvrage foncièrement laïque. Fregoso se situe loin du néoplatonisme ficinien mais aussi d’une approche strictement religieuse puisqu’il ne fait jamais appel à la notion de péché. L’amor concupiscentia assujetit l’homme à la passion et il doit être banni afin que ce dernier puisse conserver sa liberté et sa dignité. C’est en ce sens qu’il faut interpréter l’argumentation de Piatino qui ramène la fascination amoureuse à une erreur de l’esprit d’où est absente toute référence à des vérités transcendantes.

 

1 J’ai localisé trente-deux exemplaires en Europe et aux États-Unis. L’Incunabula Short Catalogue mentionne trente-trois exemplaires, mais la Staatsbibliotek de Berlin ne conserve pas l’Anteros sive contra amore de Fregoso mais la traduction française de Thomas Sebillet publiée en 1581 et à laquelle je renvoie, sous la référence Contramour, pour la traduction des passages tiré d’Anteros que je cite dans mon article. J’ai repris le texte de Sebillet sans le modifier mais j’ai modernisé la ponctuation, dissout les abréviations et transcrit  "et" le perluète "&". Sebillet Thomas, Contramours. L’Anteros, ou contramour de messire Baptiste Fulgose, iadis duc de Gennes. Le dialogue de Baptiste Platine, gentilhomme de Cremmone, contre les folles amours. Paradoxe contre l’amour. Paris, Gilles Bey, Martin le Jeune, 1581. Lorsque je cite le texte de Fregoso j’utilise la numérotation des pages de l’incunable.

2 Cette xylographie a déjà été publiée par Panowsky Erwin, Studi di iconologia. I temi umanistici nell’arte del Rinascimento, [Studies in Iconology], Introduzione di Giovanni Previtali, Traduzione di Renato Pedio, Torino, 1975, p. 177. La xylographie est reproduite et commentée aussi par M. Gabriele in Alciato Andrea, Il libro degli Emblemi, secondo le edizioni del 1531 e del 1534, Introduzione, traduzione e commento di Mino Gabriele, Milano, Adelphi, 2009, p. 392 ; Wirth Jean, La jeune fille et la mort. Recherches sur les thèmes macabres dans l’art germanique de la Renaissance, Genève, Droz, 1979, p. 65.

3 Les données relatives à la naissance de Battista se trouvent dans sa Nativitatis figura conservée à Londres à la Britsh Librairy (cod. Ms. Arundel 88, c. 108v.). Pour la biographie de Battista de Fregoso je me refère à Gasparini Carolina, « Appunti sulla vita di Battista Fregoso », cit., p. 398-420. Brunelli Giampiero, in Dizionario biografico degli Italiani, ad vocem, consultable en ligne, www.treccani.it. Sassi Giuseppe Antonio, Historia literario typografica mediolanensi, Mediolani, Aedibus Palatinis, 1745, coll. CCCXCVIIIb-CCCCd. Salvago Alessandro, Cronaca di Genova, «Cronaca di Genova scritta in francese da Alessandro Salvago e pubblicata dal socio Cornelio Desimoni» , in Atti della società ligure di storia patria, XIII, (1879), p. 423 et suiv.  Spotorno Giovanni Battista, Storia letteraria della Liguria. Epoca seconda. Dall’anno 1300 all’anno 1500, Genova, Ponthenier, t. II, p. 57-63. Levati Luigi Maria, Dogi perpetui di Genova. 1339-1528, Genova, Marchese & Campora, 1930, p. 443-465. Musso Gian Giacomo, « La cultura genovese tra il Quattro e il Cinquecento », in Miscellanea di Storia Ligure, vol. I, Genova, 1958, p. 123-186.

4 Stellae Georgii et Iohannis, Annales Genuenses, a cura di Giovanna Petti Balbi, Rerum Italicarum Scriptores, ns, vol. XVII/2, Bologna, (1975), p. 162-172.

5 Battilana Natale, Genealogia delle famiglie nobili di Genova,  Tipografia Fratelli Pagano, Genova, 1825, rist. anast. Forni, Bologna, 1971, I, tav. Campofregoso et Tavola cronologica dei dogi di Genova anteriori al 1528. Trucco Angelo Francesco, Antiche famiglie genovesi, A. Formi, 1927. À propos de Tommaso de Campofregoso, le plus connu des membres de cette lignée: Petti Balbi Giovanna, « La celebrazione del potere. L’apparato funebre per Battista di Campofregoso », in Governare la città : pratiche sociali e linguaggi politici a Genova in età medievale, Firenze, University Press, 2007, p. 325. Idem, « Tra dogato e principato », in Storia di Genova. Mediterraneo, Europa, Atlantico, a cura di Dino Puncuh, Genova, Società Ligure di Storia Patria, 2003, p. 287-295. Idem, « Un episodio di affermazione signorile: i Campofregoso in Lunigiana nel Quattrocento (1421-1484) », in Papato, stati regionali e Lunigiana nell’età di Nicolò V, a cura di E. Vecchi, Memorie dell’Accademia lunigianese "Giovanni Capellini", LXXIII, 2003, p. 359-398. Kristeller Paul Oscar, Iter Italicum, I-II, s.v. Campofregoso, Tommaso. Musso Renato, « Le istituzioni ducali dello Stato di Genova durante la signoria di Filippo Maria Visconti (1421-1435) », in L’età dei Visconti. Il dominio di Milano fra XIII e XIV secolo, Milano, La Storia, 1993, p. 65-112. Sassi Ferruccio, « Signorie liguri. I Campofregoso in Lunigiana », in Giornale storico e letterario della Liguria, VI (1928), p. 1-15. Sur le doge Pietro I, père de Tommaso, et sur son gouvernement, Borlandi Antonia, « Ragione politica e ragione di famiglia nel dogato di Pietro Campofregoso », in La storia dei Genovesi, IV, Genova, 1984, p. 353-402.

6 Fregoso Battista, Factorum ac dictorum memorabilium, Londres, British Library, ms. Bibl. Harl. 3878. Baptista C. Fulgosus, Factorum ac dictorum memorabilium, Londres, British Library, ms. Bibl. Harl. 3878, p. 1. À ma connaissance ce manuscrit est un unicum et il n’a jamais été publié. L’ouvrage, écrit en vulgaire, fut traduit en latin  par Camillo Gilino, il parut pour la première fois à Milan en 1509 et connut ensuite de nombreuses éditions : Baptista Fulgosus, Dictis factisque memorabilibus collectanea a Camillo Gilino latina facta, Mediolani, Jacopo Ferrario, 1509. Dans le Prologue du Factorum ac dictorum memorabilium que Battista adresse à son fils Pietro, il rappelle avoir eu comme précepteur Raimondo Soncino auquel il aurait souhaité confier son ouvrage pour qu’il le traduise en latin. Pour une biographie de Raimondo Soncino voir Ceruti Paolo, Biografia Soncinate, Milano, 1834, p. 276-283. Faisant référence à ce passage de l’ouvrage de Fregoso, P. Ceruti constatait avec regret que l’original en langue vulgaire du Factorum ac dictorum memorabilium était sans doute perdu, on sait aujourd’hui que déjà à l’époque le manuscrit, qui faisait partie de la collection de Robert Harley vendue à l’Etat britannique en 1753, était déjà entré dans les collections du British Museum.

7 Pausanias, Graecia descriptio, éd. de Herman Hitzig, Leipzig, Reisland, 1896, I, 30 et VI, 23, 3, 5, cit., in Merril Robert V., « Eros et Anteros », in Anteros, Actes du Colloque de Madison, sous la direction de Ullirich Langer et Jan Miernowski, Orléans, Paradigme, 1994, p. 27-59, ici p. 29-30. J’ai puisé l’essentiel des éléments concernant l’histoire et la fortune du couple Eros et Anteros dans cette étude où R. Merill reconstruit leur parcours de la littérature antique jusqu’à la Renaissance et à laquelle je renvoie pour d’autres exemples de cette reconstitution.

8 « En la présence de l’autre il cesse comme celui-ci de souffrir, en son absence il éprouve les mêmes regrets, et il est regretté de la même façon : il éprouve un « contre-amour » image réfléchie de l’amour ».  Merril Robert V., « Eros  et Anteros », cit., p. 31.

9 Ibid.

10 « Cupido primus Mercurio et Diana prima natus dicitur ; secundus Mercurio et Venere secunda ; tertius, qui idem est Anteros, Marte et Venere terti ». Ciceron, De natura deorum, traduit et commenté par Clara Auvray-Assayas, Paris, Les Belles Lettre, 2002, III, XXIII, 60.

11 Merril Robert V., « Eros  et Anteros », cit., p. 39-40. Dans son commentaire à l’Énéide Servius explique que Didon abandonnée sur le point de se donner la mort évoque Anteros, le dieu qui venge les amants délaissés. Georg Thilo – Hermann Hagen, Servii grammatici qui feruntur in Vergilii carmina commentarii, Hildeshein, G. Olms, 1961, 2 vol. I, p. 559 (IV, 520).

12 Themistius, Themistii orationes ex codices mediolanensis emendatae, Wilhelm Dindorf (éd.), Lipzig, C. Cnobloch, 1832, p. 367, Or. XXIV, cité par Merril Robert V.,, « Eros et Anteros », cit., p. 38.

13 Panowsky Erwin, Studi di iconologia. I temi umanistici nell’arte del Rinascimento, cit., p. 177. Le thème des deux amours, Amour vertueux et Amour charnel, Amour céleste et Amour terrestre a été souvent repris dans la poésie amoureuse des XVe et XVIe siècles, voir à ce propos, Comboni Andrea, « Eros e Anteros nella poesia italiana del rinascimento : appunti per una ricerca », in Italiques, III, 2000, p. 7-21.

14 La date de rédaction du Commentarium in Convium Platonis dont l’heureux prétexte fut la célébration d’un banquet qui eut lieu à Careggi le 7 novembre 1468, supposé être le jour anniversaire de la naissance et de la mort de Platon que Ficin avait ainsi voulu commémorer, a été établie par Raymond Marcel dans l’étude introductive à de l’édition du texte latin accompagné de la traduction française du Commentarium. L’introduction se trouve p. 11-131, concernant la datation du Commentarium, voir p. 11- 48. Ficin Marsile, Commentaire sur le Banquet de Platon, texte du manuscrit autographe présenté et traduit par Raymond Marcel, Paris, Les Belles Lettres, 1956.

15 Anteros sive contra amore, Milano, Leonardo Pachel, 1496 a4r. Dorénavant Anteros. La fortune des Triomphes et du Canzoniere de Petrarque entre le XVe et le XVIe siècles a été, on le sait, considérable. Michele Carlo Marino signale qu’entre 1470 et 1600 sont attestées à ce jour, 281 publications du Canzoniere et des Triomphes, 65,6% sont italiennes, 34,4% étrangères. Parmi les éditions italiennes le plus grand nombre a été édité à Venise. Après l’editio princeps de Vindelino da Spira en 1470, celle milanaise d’Antonio Zaroto en 1473 et d’Ulrich Scinzenzeler -associé de Léonard Pachel lequel deux ans plus tard en 1496, imprimait aussi l’Anteros- en 1494. Marino Michele Carlo, « Il paratesto nelle edizioni rinascimentali italiane del Canzoniere e dei Trionfi », in Santoro Marco, Marino Michele Carlo, Pacioni Marco, Dante Petrarca, Boccaccio e il paratesto. Le edizioni rinascimentali delle « tre corone », a cura di Marco Santoro, Roma edizioni dell’Ateneo, 2006, p. 55. Pour la description des éditions de Antonio Zaroto et de Ulrich Scinzenzeler voir : Gazzotti Marisa, « Il Petrarca nella prima edizione milanese di Antonio Zaroto », in Il fondo petrarchesco della biblioteca trivulziana. Manoscritti e edizioni a stampa (secc. XIV-XX), a cura di Giancarlo Petrella, Milano, Vita e Pensiero, 2006. Ledda Alessandro, « Gasparo Visconti filologo petrarchesco : l’edizione Milano, Ulrich Scinzenzeler, 1494 », Ibid., pp. 68-70. Sur la fortuna de Petrarque au Quattrocento reste fondamentale le travail de Dionisotti Carlo, « Fortuna del Petrarca nel Quattrocento », in Italia Medievale e Umanistica, XVII, 1974, pp. 61-113. Savoca Giuseppe,  « I testimoni manoscritti e le stampe »,  in  Il "Canzoniere"  di Petrarca. Tra codicologia ed ecdotica, ch. IV - Firenze, Olschki, 2008, p. 97-129. Balsamo Jean, « Chi leggeva le cose volgari del Petrarca nell’Europa del ‘400 e ‘500 », La Bibliofilia, CIV, 2002, p. 247-266. Tateo Francesco, «Sulla ricezione umanistica dei Trionfi», in I Triumphi di Francesco Petrarca, Atti del Convegno (Gargnano del Garda, 1-3 ottobre 1998), a cura di C. Berra, p. 375-401. Idem, «Nota su Petrarca e l'umanesimo volgare», Italianistica, 2, 2004, p. 179-184. Au XVe siècle les ducs des Milan possédaient la précieuse bibliothèque de Pétrarque que les Visconti avaient pris aux Carrara, seigneurs de Padoue, après avoir conquis la ville en 1388. Pedralli Monica, Novo, grande, coperto e ferrato. Gli inventari di biblioteca e la cultura a Milano nel Quattrocento, Milano, Vita e Pensiero, 2002, p. 4.

16 Prandi Stefano, Scritture al crocevia. Il dialogo lettrario nei secc. XV e XVI, Vercelli, Edizioni Mercurio, 1999, p. 169-177.

17 Sur le rôle archétypal du De Sermone de Giovanni Pontano dans l’élaboration d’un  art de la conversation comme expression d’une civilisation qui sera perfectionnée dans des ouvrages comme Il libro del cortegiano de Castiglione, Il Galateo de Della Casa ou encore La civil conversatione de Stefano Guazzo, voir Quondam Amedeo, La conversazione. Un modello italiano, Roma, Donzelli, 2007.

18 Les apports de Leon Battista Alberti restent inégalés et couvrent une grande partie du siècle, depuis le célèbre De familia, écrit au début des années 1430, jusqu’au De iciarchia rédigé sans doute aux environs de 1468-1469. Entre les deux Theogenius (1440), Profugiorum ab aerumna (1441-1442), Cena familiaris, et Deifira. Pour la première moitié du siècle, un autre exemple de dialogue en vulgaire est la Vita Civile de Matteo Palmieri (1439) fortement redevable au De familia albertien. La deuxième moitié du siècle témoigne d’un vide encore plus considérable. Mis à part le De iciarchia (1468 ca), on peut rappeler : Il Filotimo dialogo tra la testa e la berretta, petit ouvrage inspiré aux dialogues de Lucien écrit par Pandolfo Colenuccio probablement autour de 1497, mais imprimé seulement en 1517, le Dyalogo d’amore de Filippo Nuvoloni écrit autour de 1474. Il y a aussi un dialogue de quelques pages de Francesco Bandini, qui a été publié en 1956 par Paul Oscar Kristeller. Pour le Theogenius, le Profugiorum ab aerumna, le De Iciarchia : Alberti Leon Battista, Opere volgari, a cura di C. Grayson, Bari, Laterza, 1966, vol. II. Pour Deifira, in Alberti Leon Battista, Opere volgari, a cura di C. Grayson, Bari, Laterza, 1973, vol. III. Palmieri Matteo, Vita Civile, a cura di Gino Belloni Firenze, Sansoni, 1982. Nuvoloni Filippo, Dyalogo d’amore, a cura di Cracolici Stefano, Il ritratto di Archigynia. Filippo Nuvoloni (1441-1478) e il suo Dyalogo d’amore, Firenze, Leo S. Olschki Editore, 2009. Kristeller Paul Oscar, « Francesco Bandini, and his consolatory dialogue upon the death of Simone», in Studies in Renaissance Thought and Letters, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1956, vol. I, p. 395-437. Le dialogue est p. 411-437.

19 Il n’y a pas à ma connaissance d’éditions récentes du De Amore ou Contra amores de Bartolomeo Sacchi, dit Platina, depuis le De Amore, Milano, Antonius Zarotus, 1481, ni des Anterotica de Pietro Cavretto dit Petrus Haedus, Anterotica sive de amoris generis, Treviso, Gerardus de Lisa Flandria, 1492. Sur Bartolomeo Sacchi: voir les Actes du Colloque International qui s’est tenu à Crémone en 1981 pour le cinqcentième anniversaire de sa mort, Bartolomeo Sacchi il Platina (Piadena 1421-Roma 1481), Atti del Convegno Internazionale di Studi per il V centenario (Cremona 14 – 15 novembre 1981), a cura di A. Campana – P. Medioli Masotti, Padova, Antenore. Sur les rédactions du dialogue de Platina, Tissoni Benvenuti Antonia, « Due schede per il Platina », Ibid., p. 209-220. Sur Anterotica de Edo voir, Adam Sharon, « The  Anterotica  of Petrus Haedus : A fifteenth Century Model for the Interpretation of Simbolic Images », in Renaissance and Reformation , II, 1978, n. 2, p. 111-126. Francesco de Nicola, Introduzione a Edo Pietro, Il rimedio amoroso, Ravenna, Longo, 1978, p. 19-23.

20 Anteros, a5r. «[…] afin que contre la loy et le droit, Amour que ie doy accuser ne soit plus tost condamné, que par l’un de nous defendu». Contramour, p. 7.

21 Anteros,a5v. «Parquoy cest Amour semble estre un desir ou effrené appetit, conjoint avec luxurieuse concupiscence et excité de l’oisiveté». Contramour, p. 8.

22 Anteros, b4v.

23 Ibid., c7r. « Pource que le cheval d’Amour, ne connoissant ne frein ne bride, transporte chacun ou il luy plaist, quelque ferme qu’il soit aux arçons : mais pour le plus souverain remede, est de ne pas se laisser par luy, ne porter ne transporter hors la voye, ou le conduisent la nociere Iunon, et l’honorable Hyménée : qui meslez aveque luy emportent tout ce qu’il peut avoir de mauvais ; tout ainsi que Methridat purge, et fait sortir le venin du corps, ou il entre ». Contramour, p. 62.

24 Anteros, f7r « Dignement, et tout au contraire de ce que paravant ie pensoye, (tant estimoy-ie Amour gaillard) et aveque bonnes raisons, authoritez, et exemples, vous avez descouvert sa vicieuse nature, et ses pernicieux effais ; en sorte que je consen a vostre opinion : et voeil croire, comme vous ; que cest Amour est meschant ». Contramour, p. 134.

25 Au XVe la culture médicale se fondait d’une part sur les ouvrages de références, les auctoritates, c’est-à-dire sur les textes fondateurs des auteurs anciens, d’autre part sur l’apparat qui s’était formé autour de ces textes fondateurs : commentaires, approfondissements, anthologies, summae. Dans les bibliothèques milanaises du Quattrocento est bien attestée la présence des traités de médicine de Galien, d’Avicenne, d’Averroès, de Razis et de Pietro d’Abano ainsi que de nombreux commentaires et summae. Pedralli Monica, Novo, grande, coperto e ferrato. Cit., p. 139-149. Jaquart Danielle, «La scolastique médicale», in Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. I, Antiquité et Moyen Âge, sous la direction de D. Mirko Grmek et Bernardino Fantini, Paris, Seuil, 1995, p. 175-210. Sur le regimina sanitatis, Gil-Sotres Pedro, Paniagua A. Juan, Garcia-Ballester Luis, Arnaldi da Villanova. Opera medica omnia, Regimen sanitatis ad Regem Aragonum, édité par Luis Garcia-Ballester et Michael R. Mc Vaugh, Barcelona, Publicacions de la Universitad de Barcelona, 1996, Parte II, 2, p. 481-563. Il faut signaler que Fregoso ne mentionne pas le De amore heroicus d’Arnaud de Villeneuve.

26 «A me satisfece hieri certamente tanto, in dimostrarmi amor esser cosa perniciosa e spiacevole e non diletevole o buona, come alcuni, e io tra l’altri, già il stimai, che con parole nol saprei exprimere, e tanto mi truovo contento per quello esser di tale error uscito che veramente nol potresti credere. Ma perché quanto l’infirmità è più pestifera, che d’altro nome non mi par debiam chiamarlo, tanto dovemo più con ogni diligentia a tale cura esser vigilanti, e seguendo l’ordine de’ prudenti e docti medici, la prima e vera cagione d’amore investigare. Si perché non sapendo l’origine sua, volendo trovar a tal peste rimedio non ritrovando la radice che tagliare, invano e ciechi s’afatichiamo ala cura.» Anteros, f8r. Battista fait ici référence à l’amor hereos. L’origine de cette expression amor hereos ou heroicus reste incertaine et les interprétations sont multiples. Selon Danielle Jacquart et Françoise Micheau, Constantin l’Africain, en traduisant le Viaticum de Ibn- al-Ğazzar aurait rendu le mot arabe al-‘išq par le latinisme eros. Quelques années plus tard Jean Afflacius, donnant une nouvelle version du Viaticum, aurait remplacé eros par heros en une graphie rappelant herus qui signifie dans le latin de cette époque «baron», «noble». La maladie d’amour devient «passion héroïque», c’est-à-dire pour le commentateur Girardus Bituricensis, puis pour Arnaud de Villeneuve (mort en 1311) dans le De amore heroico, un mal qui atteint de préférence les seigneurs. Jacquart Danielle et Micheaud Françoise, La médecine arabe et l’occident médiéval, Maisonneuve et Larose, 1990, p. 118-117. Voir dans ce même ouvrage le chapitre III consacré à la pénétration de la médecine arabe en Italie, Ibid., p. 87-129. Sur la question de l’origine de l’expression amor heroicus voir aussi : Poma Roberto, « Metamorfosi dell’hereos Fonti medievali della psicofisiologia del mal d’amore in età moderna (XVI-XVII), Actes du Colloque Eros et Pharmacon, Ri.Lu.Ne., 2/2007, n. 7., p. 39-52. www.rilune.org. Livingston- Lowes John, «The Loveres Maladye of Hereos», cit.; Agamben Giorgio, Stanze. La parola e il fantasma nella cultura occidentale, Torino, Einaudi, 1977, en particulier ch. 3, p. 17 et suiv.. Mc Vaugt R. Michael, Introduction à Arnaud de Villeneuve, Tractatus de amore heroico, in Idem, Opera omnia, tome 3, Barcelone, Universitat de Barcelona, 1985, p. 5-17. Par ailleurs les médecins arabes utilisaient un terme spécifique pour désigner la passion amoureuse : al-‘ishq. Fregoso orthographe ce mot, ylisci, renvoie au désir irrésistible de posséder une personne. Le al-‘ishq conduit à la maladie d’amour : une fois dépossédés de leur raison, les amoureux sont sujets à de bien plus graves faiblesses et ils deviennent inconstants et imprudents.

27 «E perché nel’uscire e discorrendo pasa per luoghi nervosi e sensitivi, oltra il discorso fa per tutto il corpo in quel atto, una ventosità sutile che quasi fallo tutto titillare, induce un nuovo prurito assai suave il quale è in tutto el piacer del coito». Anteros, g1r.

28 Ibid., g1v. «Si nous en cherchons la raison , nous trouverons, que le sperme retenu ou multiplié envoye des vapeurs au cerveau : et qu’aveque l’ardente pointe, delaquelle il nous aiguillonne pour sortir, (dont nous avons deia parlé) il engendre en l’apprehension une phantasie d’embrassement qui recours a la femme a nous plus agréable; comme a chose la plus retenue en notre pensée et mémoire; et desirant s’alleger avec elle, ou engendre nouvelle Amour, ou augumente l’Amour ia engendré.» Contramour, p. 142.

29 Anteros, g1v. «[...] faut necessairement resoudre, que le desir de l’embrassement, et l’Amour, ne sont qu’une même chose : laquelle, en la sorte que jai dite, prend origine et naissance, du corps et de ses humeurs » Contramour, Ibid.

30 Anteros, g3r. «[...] ie dy selon mon jugement, qu’Amour est une maladie, non de l’esprit, mais du corps; causée par les rayons des yeux de deux personnes qui s’entreregardent lesquelles sont de semblable nature et pareille complexion; et par ceste resemblance et parité, se reçoit ou augmente plus aiséement ceste influxion aux personnes qui se regardent alors qu’elle est excitée de l’abondance du sperme. Et dy, que ceste maladie a son principal siege au coeur comme fontaine et receptacle du sang plus spiritueux, auquel estant une fois imprimée, par la subtilité des esprits, la nature et l’image de la personne delaquelle ils sont partis, et au moyen de ceste impression l’Amant tousiour l’ayant en la phantasie, rafreschie par les recents esprits qui tousiuor appetent et desirent de retourner à leur principe, pourtant desire l’Amoureux de se iondre a la personne qu’il ayme et en elle ieter son sperme auquel (pour la plus grande partie) sont tousiour meslez les esprits desquels la pointe est si piquante pour le desir qu’ils ont de promptement se reunir a leur force, que quant les personnes amantes s’approchent à l’embrassement, ils ne leur suffit pas de tres estroitement se ioindre, mais encore s’efforcent-elles (les stimulants les esprits courant par toutes les parties du corps) aveque les bras , la langue, et tous les autres membres, d’entrer toute l’une dedans l’autre et de deux ne faire qu’un corps». Contramour, p. 142-143.

31 «Per le qual cose tutte chiaro avete potuto vedere tali spiriti maligni esser cagione d’amore per temptaptioni, e la cagione a quello fare gl’induca, e il modo anchora servino in farlo, talmente credo abiate potuto comprender il spirito essere in tal atto, come la mano la quale piglia il fuoco e aproximalo ale legna e l’incende, perché quantunche il fuoco sia caldo e la natura sua sia d’ardere, e quella dela legna d’essere arsa, se non gli fosse la mano o altro instrumento ch’insieme gli acostassi, quantunche stessino nela loro natura, da loro non uscirebbe alcun incendio e forse anchora sovente aproximati o non si acenderiano, overo acesi si spengerian presto non intervenendogli l’excitation del fiato o vento. Il simile in noi fanno tali spiriti, perché quantunche il semme stimuli alcuno e la veduta dela cosa bella inciti l’appetito, niente di manco quel’ardore d’amore mai non riesce in incendio grande e cocente se non che per stimulo de’ spiriti n’e ne’ modi detti. E cossì credo giudicherete voi». Anteros, h1v.

32 «Dimostronno tutti questi per experientia che come Idio n’ha datto corpo sensibile e apetente di delicie e libidine, e come anchora n’ha ordinato nemico che di continuo ne stimuli a vici, cossì per sua bontà e giusticia havere datto a chiunque vole forza da vincere tutte queste cose, oltra che quando è richiesto in aiuto, con la potentia sua n’aiuti anchora. Che le alegate sentencie confirmando conclude amore causarsi da noi e non d’altrove, e in noi essere modo al resistere». Ibid., h7r

33 Ibid., i5r-i5v, je souligne. «Et pour certaine et et derniére conclusion se faut a ce resoudre : que l’Amour prend source de nostre vouloir, toutesfois qu’il est aidé et augmenté par les sens, par la conformité de la constellation et encore par l’aiguillon des malins esprits, lesquels (comme le vent du soufflet) aident a allumer le feu. Pareillement que les yeux sont grand moyen, et quasi le principal instrument, de ceste folle passion, non par les rayons envoyez diceux , ne par les sanguineux esprits, comme a voulu dire Baptiste, mais pource qu’Amour est un desir, que le desir ne peut estre sans précédant iugement et sans opinion que la choses que nous desirons est plus qu’une autre desirable, et qu’estant les yeux prompts instruments, pour former un tel iugement aussi ont-ils grande puissance pour embraser un grand feu d’Amour. Car la personne ia plus encline a la sensualité qu’a la continence, regardant une autre personne qui luy semble belle, porte ceste image de beauté de son oeil a l’imaginative et au sens commun, sis au prémier ventricule du cerveau, et de là la fait traverser et passer a l’estimative ou cogitative, c’est a dire au pensement et a la phantasie situez au moyen ventricule, l’arrestant puis au siége de la mémoire sis au dernier ventricule, qui est au derriére de la teste comme le premier au devant, duquel ainsi descendent les appréhensions comme du moyen le iugement et du dernier la souvenance. S’arrestant donques là ceste vuëu, en plaisant, elle forme en l’appetit un desir, fondé sur le faux iugement du plaisir, et de là peut on encore comprendre que l’Amour est une lesion ou maladie du iugement et de la memoire. Mais il y a une autre raison, par laquelle on peut encores monstrer que l’oeil a bien grande puissance en l’amoureuse affection Car puisque l’oeil est la partie la plus prompte et la plus propre a faire demonstration d’Amour et que l’opinion d’estre aymé est grand (voire le plus grand qui se puisse dire) fondement d’Amour, a ceste cause croit-on (et doit-on croire) que l’oeil (petite partie de nostre corps) en cetse grande passion fait grande opération.» Contramour, p. 198-199.

34 Cette théorie est essentielle pour comprendre le rôle de la mémoire dans le processus de connaissance. Frances Yates A., L’arte della memoria, Torino, Einaudi, 1985, i cap. I-IV in particolare, p. 3-97. Agamben Giorgio, Stanze. Cit., p. 122-183.

35 Le De natura hominis de Nemèse d’Emèse avait été traduit en latin dès le Moyen Âge. Nemesius d’Emese, De natura hominis. Traduction de Burgundio de Pise. Edition critique avec une introduction sur l’anthropologie de Némésius, G. Verbenke et R. Moncho (edts), Leiden, Brill, 1975. Sur la phantasia et l’imaginatio voir : Phantasia-imaginatio. Atti del V colloquio internazionale del lessico intellettuale europeo, Roma 1988, en particulier : Bautier Anne Marie, «Phantasia-imaginatio. De l’image à l’imaginaire dans les textes du haut Moyen Age», p. 81-104 ; Spinosa Giacinta, «Phantasia e imaginatio nell’Aristotele latino», p. 117-133 ; Hamesse Jacqueline, «Imaginatio et phantasia chez les auteurs philosophiques du 12e et 13e siècle», p. 153-184 ; Sermoneta G., «La fantasia e l’attività fantastica nei testi filosofici della scuola del Maimonide», p. 185-204. Harvey E. Ruth, The Inward Wits. Psychological Theory in the Middle Ages and the Renaissance, London, Warburg Institute, 1975, VI, p. 31-61. Bundy Murray Wright, The Theory of Imagination in Classical and Mediaeval Thought, Urbana, 1928. Caparello Adriana, «Phantasia-imaginatio» in, Senso e interiorità in Alberto Magno, Roma , 1993, p. 117-15. Gabriele Mino, «Festina tarde : sognare nella temperate luce dell’immaginazione», in Storia della lingua e storia dell’arte in Italia, a cura di P. D’Achille, Roma, 2004, p. 161-174. Gabriele Mino - Ariani Marco, Commento, a Colonna Francesco, Hypnerotomachia Poliphili, Milano, Adelphi,1998, t. 2, p. 695, note 6.

36 Anteros, i5r.

37 Les passages du De amore heroico d’Arnauld de Villeneuve qui concernent la description de ces troubles sont cités et expliqués par Ciavolella Massimo, La « malattia d’amore » dall’Antichità al Medioevo, La « Malattia d'amore » dall'Antichità al Mediœvo, Rome, Bulzoni, « Strumenti di Ricerca », 1976.

p. 70-80.

38 «A me di questo, e cossì credo a Baptista, hai satisfacto mirabelmente e per ragione auctorità e exempli, né quanto per me più oltra ne desidero. Ma solo un scrupolo nela mente mi rimane che havendoti sovente udito nominare mente, anima e spirito vorrei sapere se sono differenti overo da stimare tutt’una cosa». Anteros, i5v.

39 « (...) non discorrerò delle varie opinioni philosophiche di questo, però ch’essendone statte molte varie e dala verità assai rimote, longo e soperchio saria recitarle ». Ibid.

40 Ibid., i5r.

41 «[...] con matrimonio di cosa grata a lui, si domma la carne se li travaglia l’animo, e con onesto amore si tacia l’impudico, venendo Venere con lo sancto cesto, cintura d’onestà e matrimonio, e seco menando il figlio pudico amore.» Ibid., h4v.

42 Anteros, h5r. «Mais ou ceste maladie seroit si avant enracinée, ou par long espace de temps, ou par la mauvaise nature du patient que tous les dessusdits remédes ne pourroyent de rien proufiter, combien que l’amant en ioüissant de ses amours ne fust en danger de sa vie, de son honneur ne de ses biens, plutost que demeurer prisonnier au serrail d’une simple femmelette, que d’estre la fable du peuple, que d’estre en la haine de Dieu, ie luy conseilleroye de prendre la medecine que pour ce mal enseigna Crates, le thebain philosophe, disant que celuy qui ne peut chasser l’ Amour aveques la faim, ne la guerir aveques le temps, il n’a autre moyen d’en eschaper, fort de prendre un lincol et de se pendre car (selon mon iugement, ains a la vraie verité la tyrannie de l’Amour est plus rude et plus douleureuse, que la plus cruelle des morts qu’homme pourroit imaginer.» Contramour, p. 223-224.



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- Auteur : Nella Bianchi Bensimon
- Titre : La mise à mort d’Éros : Anteros sive contra amorem de Battista Fregoso
- Date de publication : 06-11-2015
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=146
- ISSN 2105-2816