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COLLOQUES


LE DÉFAUT : Études en hommage à Camille Dumoulié


« Plus arabes qu’en Arabie », plus romains qu’à Rome ? L’Âne au bouquet de roses (1802) et Les Matinées du sultan (1821), ou la réécriture comme correction des défauts

Carole Boidin


Université Paris Nanterre (LIPO)

 

Lorsque Antoine Galland traduit les Mille et une nuits, il les compare, dans sa correspondance, à L’Âne d’or : « Ces contes sont de la nature de l’Âne d’Apulée2 ». Cette comparaison, bien qu’incidente, est à double tranchant : il se dédouane auprès de son destinataire, le grand érudit hollandais Gisbert Cuper, d’avoir consacré du temps à des textes aussi frivoles, tout en leur apportant une certaine valeur par la comparaison avec des classiques. À l’époque, en effet, L’Âne d’or fait l’objet d’éditions et de traductions régulières, et sert aussi de modèle et d’ancêtre au genre à la mode du conte de fées3. Un modèle qui n’est pas sans défaut : c’est du moins ce qu’affirme Charles Perrault, pour définir sa posture d’auteur moderne de contes à la fois plus moraux et mieux composés que les fictions fabuleuses « qui nous restent des anciens », fictions qui, écrit-il, « n’ont été faites que pour plaire, sans égard aux bonnes mœurs, qu’ils négligeaient beaucoup4 ».

Réciproquement, les Mille et une nuits sont, elles aussi dénigrées, dans la suite de l’échange épistolaire entre Galland et Cuper, qui les qualifie de « contes grotesques5 ». Galland lui-même souligne certains de leurs défauts pour s’arroger le droit de modifier leur présentation, au début du troisième volume de sa traduction :

Les lecteurs des deux premiers volumes de ces contes ont été fatigués de l’interruption que Dinarzade apportait à leur lecture. On a remédié à ce défaut dans les volumes qui ont suivi. On ne doute pas qu’ils ne soient encore plus satisfaits de celui-ci, où ils ne seront plus arrêtés par les autres interruptions à chaque nuit. Il suffit qu’ils soient instruits du dessein de l’auteur arabe qui en a fait le recueil6. »

Connaître le « dessein » de l’auteur peut suffire en matière de traduction : ennuyer un lecteur de contes de fées est en revanche une faute redoutable qu’Antoine Galland se donne le devoir d’éviter.

Galland traduit, Perrault adapte, mais dans les deux cas l’exhibition du défaut de l’original, dans les péritextes, permet d’asseoir une autorité, qu’elle soit issue de la connaissance de règles de composition, y compris morales, ou des réactions du public. Cette connaissance autorise la correction, modèle sur lequel se pense alors la réécriture littéraire, qu’elle se présente comme traduction ou comme adaptation. Suivant la définition du « défaut » dans le Dictionnaire universel de Furetière – « imperfection, vice naturel, ou acquis7 » – la réécriture serait alors justifiée comme reprise, au sens artisanal du terme, ou comme entreprise de perfectionnement. C’est dans cette gamme de conceptions que se déploie, dans l’Europe de la première modernité, ce que les formalistes qualifient, de manière transhistorique, d’intertextualité8.

Comme l’ont montré plusieurs travaux portant sur le conte littéraire à cette époque9, les auteurs profitent d’un nouvel intérêt pour des types de fiction qui échappent aux règles issues de l’héritage aristotélicien pour publier des récits combinant des inspirations diverses et expérimenter des formes de récits novatrices. Un rappel des règles classiques, auxquelles ces modèles dérogent, peut alors être une façon moderne de légitimer la fiction la plus débordante, en manifestant une distance critique vis-à-vis de ces repoussoirs efficaces. L’Âne d’or, et bientôt les Mille et une nuits font partie de ces modèles. Au XVIIIe siècle, on peut ainsi distinguer une ligne de réception et de réécriture commune pour L’Âne d’or et Les Mille et une nuits. Ils présentent un modèle de recueil sophistiqué, justifié par un récit-cadre souvent reçu comme un prétexte pour rassembler des histoires, ce qui donne lieu à des réécritures, des pastiches et des parodies. Le titre que nous avons choisi pour cet article fait allusion à une boutade de Hamilton dans ses Quatre Facardins :

Ensuite vinrent de Syrie
Volumes de contes sans fin,
Où l’on avait mis à dessein
L’orientale allégorie,
Les énigmes et le génie
Du talmudiste et du rabbin,
Et ce bon goût de leur patrie,
Qui, loin de se perdre en chemin,
Parut, sortant de chez Barbin,
Plus arabe qu’en Arabie10.

Défaut de morale, répétitivité, ou débordement de la matière : les deux ancêtres du conte de fées sont sous le signe de l’excès, que de nouvelles œuvres prétendent corriger, tout en contribuant dans les faits à ce déferlement.

Nous nous proposons d’étudier en ce sens deux ouvrages explicitement inspirés des Mille et une nuits et de L’Âne d’or, et publiés au tout début du XIXe siècle. Le titre du premier, L’Âne au bouquet de roses, renouvelé de l’Âne d’Apulée (1802) semble le désigner comme l’adaptation de l’ouvrage d’Apulée à une nouvelle époque ; pourtant, bien au contraire, elle inscrit tout entière l’histoire de l’âne dans l’Antiquité, en mettant en scène Apulée lui-même comme narrateur. Le titre du second, Les Matinées du sultan, fait signe vers la mode parodique du conte à l’orientale qui a fleuri au siècle précédent ; pourtant les histoires rassemblées s’inspirent de bien d’autres traditions11. Qu’y a-t-il donc à « renouveler », ou à parodier, dans l’Âne d’or et les Mille et une nuits, en ce début de siècle tourmenté où les fictions merveilleuses peuvent sembler hors de saison ?

Des contes qui mettent en jeu les conventions du « conte » littéraire

Les titres : deux projets différents mais convergents

Comme son titre l’indique, L’Âne au bouquet de roses, renouvelé de l’Âne d’Apulée (1802) présente une adaptation, une réécriture de l’ouvrage d’Apulée12. Il s’inscrit par là même dans une tradition remontant à la Renaissance italienne, où les aventures du personnage de Lucius sont souvent transposées dans le monde connu du lecteur ou dans une langue qui lui est familière13. L’insistance sur le bouquet de roses rappelle de façon poétique la condition nécessaire, dans l’intrigue, pour que le personnage principal, changé en âne, puisse retrouver sa condition d’homme ; c’est également le signe d’une réécriture orientée stylistiquement vers la production galante. Les Matinées du sultan (1821) proposent quant à elles, dès le titre, une réécriture parodique des Mille et une nuits, puisqu’il n’est pas question de nuits, mais de matinées. Comme chez Hamilton, l’intrigue se présente comme une suite du recueil arabe, mais il est question du fils de Schariar et de sa passion pour les récits14.

Le dispositif énonciatif

Chacun de ces ouvrages retravaille le cadre énonciatif de sa source, dans le sens de la poétique des contes littéraires du XVIIIe siècle, c’est-à-dire, comme des recueils de contes sophistiqués, proches de l’esthétique des romans digressifs d’un Sterne, par exemple.

L’Âne au bouquet de roses commence par s’inscrire dans une tendance plus ancienne d’interprétation philosophique de L’Âne d’or, composée par Apulée le platonicien. Le récit commence en effet au milieu d’une conversation sur la métempsycose entre Apulée et ses amis philosophes. Après une exclamation de Sexte qui envie la tranquillité des animaux, à l’image de l’âne qu’ils ont sous les yeux à ce moment-là, Apulée l’interrompt pour lui dire que la vie de cet animal n’est peut-être pas si paisible qu’il n’y paraît :

J’en parle par expérience, et si, comme moi, vous aviez été âne pendant toute une année, vous ne porteriez pas envie au sort de cet animal15.

Cette déclaration fait rire ses compagnons, qui croient qu’il plaisante sur les théories de Pythagore. Or Apulée précise que c’est bien d’une métamorphose qu’il s’agit, et il invite ses amis à l’écouter. L’auteur de cet ouvrage adapte donc les aventures de Lucius en les plaçant directement dans la bouche d’Apulée, et concrétise ainsi d’une façon curieuse la lecture autobiographique de l’ouvrage, qui court depuis Augustin16. C’est Apulée qui énonce les informations biographiques que les traducteurs antérieurs plaçaient dans leur introduction17, et il raconte son expérience comme une leçon de vie, d’autant plus piquante qu’il est question de métempsycose, un thème à la mode depuis quelque temps lors de la parution de l’ouvrage18.

Mais cette dimension exemplaire est un prétexte, qui disparaît rapidement au profit de récits de magie et surtout d’amour. Au préalable, le texte fait l’ellipse de plusieurs de ces récits présents dans l’Âne d’or, en soulignant ce procédé par un commentaire prononcé par Apulée lui-même :

je ne vous parlerai pas de toutes les histoires prodigieuses qui me furent racontées pendant la route ; elles me paraissaient toutes incroyables ; mais plus je les trouvais invraisemblables et plus j’avais d’impatience d’être à portée de juger par moi-même19.

Apulée juge ainsi les défauts de l’œuvre originale, ce qui semble autoriser la suite de la réécriture, comme œuvre plus authentiquement conforme à la sensibilité de l’auteur antique.

La métamorphose d’Apulée en âne, annoncée très tôt dans l’œuvre contrairement à ce qui se produit dans l’Âne d’or, est ensuite sans cesse retardée par d’autres épisodes, comme le souligne Sexte qui interrompt Apulée au moment où il évoque ses amours avec Photis, en sous-entendant qu’à ce moment-là il a eu la lubricité d’un âne. Par cette intervention humoristique, Sexte amène Apulée à reconnaître que ce qui précède la métamorphose, dans son récit, est superflu, mais agréable20. Ce récit est ainsi pleinement conforme à l’esthétique moderne du plaisir de l’affabulation, assumé explicitement : « Je ne peux cependant me refuser à vous raconter encore, avant d’en venir à ma transformation, deux aventures assez singulières qui se placent naturellement dans mon récit »21. L’auteur rejette ainsi toute lecture allégorique de la curiosité du personnage, et la présente comme un prétexte pour rassembler de bonnes histoires, au fil des digressions du narrateur.

Les Matinées du sultan, quant à elles, racontent les aventures de Schariar II, sultan après la mort de son père, qui refuse de se marier car il préfère à la compagnie des jeunes femmes celle des vieilles : il n’a qu’une seule passion, celle d’écouter des histoires, passion qu’il tient de sa mère. L’auteur se place ainsi parmi les auteurs qui ont imaginé une suite pour Les Mille et une nuits, d’ailleurs l’un des derniers récits est explicitement désigné comme la suite des aventures de Maugraby insérées dans la continuation des Mille et une nuits de Cazotte (1788-89)22. L’ouvrage joue également sur le topos du jeune homme qui refuse de se marier23, et sur les représentations des contes qui les associent au féminin. En effet, sa mère Schéhérazade, inquiète de la survie du royaume (pour éviter « les horreurs d’une guerre civile »), et sous la pression du peuple qui tient à son bon régime monarchique, engage alors vingt jeunes femmes de toutes origines. Le récit explicite la portée politique du blocage qu’occasionne la lubie du fils, à l’image de la vengeance disproportionnée qu’exerçait son père contre les jeunes filles du royaume. Ici aussi, c’est une figure fictionnelle d’autorité, la Schéhérazade qui énonçait les contes dans les Mille et une nuits, qui porte la critique sur les défauts du recueil original. La réécriture va démultiplier ces figures de conteuses. À tour de rôle, l’une de ces jeunes femmes devra raconter, chaque jour, une histoire d’une heure au sultan, à sa sortie du divan, afin que, séduit par l’une d’elles, il admette que les jeunes femmes aussi savent raconter, et que l’on peut trouver son bonheur dans le mariage. Pourquoi vingt femmes ? Est-ce que ce stratagème porte ses fruits ? Rien ne le dit au terme du troisième volume, qui laisse l’histoire principale en suspens. Cette réécriture est une variation amusante sur la machinerie narrative des Mille et une nuits.

Les deux ouvrages présentent ainsi des cas de pastiche (« à la manière de ») mais aussi de parodie, car ils dénoncent – non sans humour – des conventions propres à leurs sources et aux genres littéraires qui se sont constitués dans les reprises de ces sources. Par exemple, l’intrigue des Matinées du sultan souligne combien l’enjeu matrimonial a paru un prétexte artificiel aux yeux des lecteurs des Mille et une nuits, au point que Galland ait supprimé les interruptions de Schéhérazade. D’emblée, le lecteur des Matinées du sultan est prévenu que les histoires ne seront pas interrompues comme elles devraient l’être, et qu’on leur donnera pour titre le nom des conteuses successives :

Pour ne pas interrompre la chaîne de narration, le lecteur est prié de supposer que chaque jour, après une heure passée à raconter les contes suivants, ils sont remis au lendemain, et l’assemblée congédiée. On donnera ici les narrations, sans autres interruptions que de donner, au commencement de chaque conte, le nom de celle qui doit avoir la parole24.

Dans les deux œuvres, il n’y a ainsi pas véritablement de suspens quant à l’intrigue, mais plutôt une curiosité quant à la façon dont la reprise va se singulariser. Ces ouvrages fonctionnent donc sur des effets de reconnaissance et de connivence entre l’auteur et le lecteur.

Les histoires enchâssées : le lieu de toutes les surprises

D’autre part, les deux ouvrages rendent tous les deux problématique le régime fictionnel qu’ils utilisent, brouillant les repères spatiaux et temporels. Ce phénomène est particulièrement visible dans certaines histoires insérées, qui s’avèrent essentielles pour notre propos.

Dans L’Âne au bouquet de roses, passé l’amusement suscité par le parti-pris autobiographique de l’énonciation, le lecteur s’attend à une reprise de l’histoire célèbre de Cupidon et Psyché qui est au cœur de L’Âne d’or. Dans l’original, cette histoire est racontée par une vieille femme à une jeune fille qu’elle doit divertir, et L’Âne au bouquet de roses semble respecter ce dispositif. La vieille femme, effectivement présente, annonce en effet son intention d’une manière proche des propos qu’elle tient dans l’original :

Pour vous distraire un peu de votre mélancolie, je vais vous raconter une des plus jolies fables de notre mythologie25.

Dans l’Âne d’or, la vieille femme annonçait : « Mais je vais te distraire par de doux récits et des histoires de vieilles26 ». La réécriture corrige la récursivité de l’énonciation d’histoire de vieilles par une vieille femme, en soulignant l’appartenance du récit qui va suivre au domaine noble des « fables » mythologiques. De façon surprenante, cette vieille femme commence pourtant à raconter l’histoire du jugement de Pâris, ce qui constitue un changement par rapport au texte latin, bien que cette histoire y soit aussi présente, mais à un autre endroit27. Or la jeune fille l’interrompt car elle connaît déjà l’histoire, et c’est alors que la vieille femme commence l’histoire de Psyché, en précisant que remplacer les trois déesses de l’épisode mythologique par les trois sœurs de Psyché doit lui paraître plus agréable. L’histoire attendue est ainsi mise en valeur, et l’auteur insiste, par ce commentaire, sur le charme de cette histoire pour les lecteurs de l’époque : c’est un conte de fées, dont le merveilleux se distingue du merveilleux mythologique28. Mais la jeune fille interrompt une fois encore la vieille femme, en manifestant une certaine lassitude :

- Si je ne me trompe, répondit la jeune demoiselle, c’est celle de Psyché et de Cupidon. Comment ne la connaîtrais-je pas ? Elle a été écrite de nos jours par un auteur célèbre qui l’a embellie des agréments de son style et des charmes de son heureuse imagination.

- Oh, reprit la vieille, je vois bien que vous ne demandez qu’à être seule avec vous-même pour vous livrer à votre tristesse, et c’est précisément ce que je ne veux pas. Eh bien, voici une histoire que je vous défie bien de savoir, car c’est la mienne, et personne, que je sache, ne l’a encore écrite29.

L’allusion est double. D’une part, dans la fiction, la scène se passe dans l’Antiquité, à l’époque d’Apulée ; or l’auteur célèbre qui a repris cette histoire à cette époque ne peut être qu’Apulée lui-même, du moins si l’on suppose qu’il est bien l’auteur, dans le monde réel, de L’Âne d’or. Apulée ferait donc, dans cette conversation supposée avec ses amis philosophes, allusion à sa propre œuvre. Mais il ne l’évoque jamais explicitement. Il y a donc une possible métalepse, un peu complexe30. D’autre part, pour le lecteur de L’Âne au bouquet de roses, ce passage peut également fournir une allusion aux Amours de Psyché et de Cupidon de La Fontaine (1669). Il y aurait ainsi un autre niveau de métalepse, l’époque dans laquelle vit le lecteur faisant irruption dans le temps de référence de la fiction. Quoi qu’il en soit, la jeune fille attire ainsi l’attention du lecteur sur l’absence d’originalité de l’histoire, défaut qui souligne le défi que relève ainsi l’ouvrage : l’auteur se démarque de la tradition, en refusant de rivaliser avec les adaptateurs de l’histoire de Psyché. Il substitue à ce conte une histoire personnelle plus romanesque, ce qui renforce la cohérence générique du récit global.

Mais l’histoire en question est en fait une histoire orientale, digne des Mille et une nuits par son décor indien. Elle relève du genre du conte de fées, puisque l’héroïne est connue de son futur époux par l’intermédiaire d’un oiseau qui lui dérobe son soulier : en le voyant, le prince tombe amoureux par avance de sa propriétaire. C’est également un roman héroïque en miniature, puisque la vieille femme raconte comment elle a épousé dans sa jeunesse un roi de l’Inde, qui s’est fait tuer par les Parthes. Elle est alors constituée prisonnière par le roi des Parthes qui tente d’abuser d’elle, mais celui-ci est assassiné par la rivale de l’héroïne, qui finit par être vendue comme esclave en Grèce. Entre-temps, elle a reçu la visite d’un brahmane, qui lui a prédit que dix ou douze siècles plus tard elle serait Roxelane la Circassienne et mènerait à sa guise les volontés des plus grands sultans. Nous retrouvons ici le thème de la métempsycose, traité selon un mode curieux. L’histoire d’Azola-Mirza figurerait ainsi une forme antique du conte à l’orientale… Voilà qui ne manque pas de piquant : la vieille femme, narratrice topique des contes de fées, est en fait une ancienne princesse orientale. La créativité du conte oriental est mise au service de la fabula antique. Cette contamination des imaginaires est permise par le fonctionnement du conte comme forme littéraire, qui intègre des inspirations diverses, issues de plusieurs strates historiques. Le recueil de L’Âne d’or devient ainsi, dans cette réécriture, l’équivalent pragmatique d’un recueil de contes orientaux, ou plutôt il se constitue comme un ancêtre de l’ancêtre des fictions, pour ainsi dire.

Dans les Matinées du sultan, de façon moins spectaculaire, les histoires s’enchaînent, variant légèrement selon le tempérament de chaque conteuse. Elles forment ainsi un recueil varié, allant des histoires orientales aux histoires médiévales courtoises, car le sultan possède, bien sûr, des esclaves issues du monde entier, y compris une Française et une Anglaise. Cette suite des Mille et une nuits est là encore conforme à la technique de construction des recueils de contes, où la diversité est de mise. Mais là où, dans Les Mille et une nuits, Schéhérazade avait en mémoire des récits anciens et de tous genres, dans les Matinées du sultan elle rassemble une inspiration tout aussi vaste dans l’entourage même du souverain, en la personne des conteuses, qui constituent autant d’échantillons des traditions narratives du monde. La culture encyclopédique de Schéhérazade, limitée au domaine oriental, est ainsi améliorée. Cette technique permet de démultiplier les contes à l’infini, malgré le nombre limité de jeunes filles annoncé au départ : le troisième volume s’achève sur la mention d’une suite à venir de l’histoire du jeune sultan.

Les deux ouvrages rassemblent donc des contes tout en soulignant leurs modalités fictionnelles. Les vingt jeunes femmes des Matinées du sultan ne sont ouvertement que des prétextes à insérer des histoires, et L’Âne au bouquet de roses ne s’achève pas sur une initiation isiaque comme c’est le cas dans L’Âne d’or, ni sur un simple retour du héros à lui-même, comme c’est le cas dans Lucius ou l’âne, version grecque de l’histoire attribuée à Lucien de Samosate et connue en Europe depuis la Renaissance31. L’auteur de L’Âne au bouquet de roses connaît vraisemblablement aussi cette version et, bien que plaçant Apulée comme cible explicite de sa réécriture, dès le sous-titre et en le plaçant comme personnage-narrateur, il joue ici des attentes du lecteur quant à la version qu’il adoptera pour la chute de l’histoire. Un degré de plus est franchi : il se place également en redresseur des défauts de la fin de ces histoires d’âne. En effet, dans les deux versions antiques, le personnage principal touche à la fin de son expérience asinienne après avoir connu des mésaventures, mais également des moments agréables. Il passe en effet sous la propriété d’un riche citoyen qui, époustouflé par cet âne surpris à consommer du vin en secret et capable de maîtriser les codes des banquets, le donne en spectacle à ses commensaux et lui offre des conditions de vie luxueuses. Une riche matrone entreprend alors de louer les services de l’animal pour une expérience sexuelle dont il tire un plaisir inattendu et abondamment décrit. Cela incite son riche propriétaire à le mettre en scène dans un spectacle cette fois offert à la cité, au cours duquel il doit être amené à châtier une criminelle par une atteinte sexuelle forcée, avant qu’elle ne soit livrée en pâture aux bêtes sauvages. Prêt au suicide pour échapper à ce déshonneur, il est sauvé in extremis et redevient un homme, simple citoyen dans la version grecque, prêtre d’Isis chez Apulée.

Ici, l’épisode entier des plaisirs sexuels de l’âne avec la matrone disparaît, tout comme la menace de devenir un instrument de torture sexuelle. C’est à une épreuve toute philosophique que le personnage est promis : les commensaux du riche Thiase, amenés à réfléchir sur ce qui distingue l’âme humaine et l’âme animale au vu de cet âne se comportant de manière si humaine au banquet, décident de saisir l’occasion pour mettre en pratique l’hypothèse théorique connue comme le paradoxe de l’âne de Buridan, au sujet des déterminations des actes. Attribuée à Jean Buridan, philosophe du XVe siècle, par Spinoza32 puis reprise dans de nombreux contextes, cette parabole met en scène un âne placé à égale distance de deux seaux de picotin, et qui serait, faute de toute détermination extérieure, incapable de choisir vers lequel se diriger et condamné à mourir de faim. Dans L’Âne au bouquet de roses, cette hypothèse est réputée connue de tous dès l’époque d’Apulée « ayant, avant de devenir âne, été assis à côté d’eux sur les bancs de l’école33 ». Le philosophe changé en âne s’amuse à feindre l’indécision pour complaire à l’assistance et joue une « comédie » si bien reçue qu’il est ensuite donné en spectacle à toute la cité, ce qui lui fournit l’occasion de trouver les roses qui lui permettront de retrouver sa forme humaine. Mais, nouveau retournement, le personnage d’Apulée révèle in fine qu’il n’a fait que rêver toute cette aventure, en dormant aux côtés de sa bien-aimée34. L’auteur se plaît ainsi à souligner, une fois de plus, la gratuité de l’œuvre, mais aussi sa moralité – plaisamment teintée de culture philosophique.

Cette virtuosité paisible ne doit cependant pas tromper. Il y a en effet dans ces œuvres plusieurs indices qui laissent percevoir une réflexion peut-être plus profonde sur les enjeux de cette tradition.

Produire des contes pour oublier l’histoire ?

Comme Jean-Paul Sermain l’a montré, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le conte modèle les formes d’une énonciation communautaire idéale : les contes n’ont pas d’auteur, n’importe qui peut raconter et exprimer par là sa vision du monde ; les mies des contes de fées expriment une vision naturelle de l’ordre chrétien et monarchique, les Orientaux expriment le mélange de fatalisme et d’énergie de leur tempérament, malgré le despotisme qu’ils subissent. Le conte est alors conçu comme une émanation de croyances ancestrales, mises en beau langage par des auteurs mondains35.

Mais quelle communauté les contes peuvent-ils manifester en tant de crise ? C’est le problème qui se pose aux auteurs de nos deux réécritures, aux prises avec les troubles politiques du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. S’ils composent des contes désormais « à l’ancienne », très conscients de leurs procédés et très parodiques, c’est pour tenter, semble-t-il, de penser encore, non sans un côté parfois réactionnaire, une communauté naturelle et un ordre social légitime, voire légitimiste. En réécrivant ces œuvres comme des contes de ce genre désormais désuet, ils mettent, de façon étonnante, des ensembles narratifs comme Les Mille et une nuits au service de projets qui ne sont pas aussi émancipateurs que c’est le cas pour d’autres écrivains et d’autres réécritures. C’est sous cet angle qu’il convient alors de présenter ces deux pièces curieuses, isolées, et qui semblent être, dans cette perspective, des reliquats des réécritures dix-huitiémistes de ces deux sources.

L’Âne au bouquet de roses, ou le refuge du conte en temps de désordre

Le recueil de 1802, « renouvelé de l’Âne d’Apulée » et raconté par Apulée lui-même, est publié de façon anonyme, sans préface. Les catalogues d’anonymes36 lui attribuent pour auteur Guy-Marie Sallier-Chaumont de la Roche (1763-1839), futur député de Côte d’Or en 1824, qui a d’abord soutenu les idées de la révolution de 1789, « mais la marche de la Révolution refroidit son enthousiasme. Il vécut alors fort retiré, s’adonnant à la littérature37 ». Il serait donc proche, au moment de composer L’Âne au bouquet de roses, du « repos » sur lequel son adaptation insiste beaucoup, celui que choisissent Apulée et l’héroïne à l’orientale, la vieille servante. Or il revient à la politique en 1802, année où il publierait donc, sous anonymat, cette adaptation d’Apulée, en même temps que des Essais historiques pour servir d’introduction à l’histoire de la révolution française, qu’il dédie à Bonaparte, alors Premier consul38. Dans ses ouvrages historiques, Sallier-Chaumont de la Roche se montre préoccupé par les désordres qui ont dévoyé les idées des révolutionnaires, et prône un retour à l’autorité éclairée. Ce savoir sur l’écrivain est-il pertinent pour notre interprétation de son Âne ?

Nous ne pouvons exclure l’hypothèse qu’il ait seulement retravaillé une traduction à partir des documents de son grand-oncle, l’abbé Sallier, professeur de langue hébraïque au Collège royal et membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres. Mais il nous semble que sa posture n’est pas sans intérêt, en ce sens qu’il renouvelle, si l’hypothèse est exacte, une conception pragmatique du conte, de l’écriture des contes, comme dérivatif à l’ennui ou à la mélancolie, topos des recueils de nouvelles depuis la Renaissance. Ce topos avait déjà été retravaillé, par exemple, dans les paratextes de l’édition du texte latin de L’Âne d’or publiée par John Price (1650), Anglais catholique émigré en France et en Hollande, qui dit avoir travaillé sur ce texte « parce qu’il fallait faire quelque chose, même si cela devait moins plaire aux autres, qui puisse en tous cas de façon certaine soulager et tromper mon chagrin au sujet de ma malheureuse patrie39 ».

Les Matinées du sultan ou la fiction au service du souverain ?

Le second ouvrage pose des problèmes encore plus directement politiques. Le topos du sultan rendu despotique parce qu’il est esclave de ses plaisirs est, nous l’avons dit, renouvelé de façon amusante par l’attitude de Schariar II. Mais l’usage du conte oriental comme un laboratoire de pensée politique, fréquent au XVIIIe siècle40, prend une orientation curieuse dans le cas des Matinées du sultan.

Elles sont publiées par Ferdinand Fullerton Weston, et nous ne savons que peu de choses sur ce « gentilhomme anglais » partisan des ultras, qui a composé, outre cet ouvrage, des Stances sur le sacre de S.M. Charles X, en 1825, et une traduction anglaise de l’Ode sur le baptême de S.A.R. le Duc de Bordeaux, par le Chevalier de Loizerolles41.

La préface des Matinées du sultan commence par une objection véhémente à la publication de ces contes :

Des contes ! des contes ! L’auteur, éditeur, traducteur, ou quelle que soit sa dénomination, serait-il assez vain, assez présomptueux, assez fat, en un mot, pour croire, dans ce moment où toutes les têtes sont occupées à discuter sur les importantes questions que la politique de ces temps orageux nous présente, qu’on a le loisir, ou l’inclination même de se livrer à un genre de lecture aussi léger et aussi insignifiant que celui de contes ? Non vraiment ! Les considérations qui absorbent toutes les facultés, qui mettent tous les esprits en mouvement, sont trop sérieuses, trop alarmantes, pour que l’on puisse s’amuser à lire des balivernes42.

Suit alors une description non moins véhémente de toutes les tendances politiques qui se disputent dans les débats contemporains, à savoir les libéraux, les progressistes, et les royalistes. Cette objection n’est bien sûr qu’une posture rhétorique, et par un revirement de posture, l’auteur défend ses contes comme un moyen de détente, qui n’est pas plus invraisemblable que les discours politiques de ceux qui s’opposent à la royauté, et qui saura peut-être divertir celui en qui il place ses espoirs, le duc de Bordeaux, futur comte de Chambord. L’auteur effectue ainsi, lui aussi, une surprenante actualisation du topos qui fait des contes un dérivatif pour les esprits accablés, ou un miroir des princes apte à former les futurs souverains.

Mais la politique est également présente d’une autre façon dans cette préface. L’auteur dit tenir ses contes d’un ami ayant voyagé au Levant. Il lui aurait envoyé la traduction d’histoires qu’un homme de Smyrne racontait chaque soir dans un café :

Il y a environ deux ans qu’un de mes amis, étant à Smyrne, avait l’habitude de passer ses soirées dans un café où venait tous les jours un petit homme très vif, et parlant avec feu, qui gagnait sa vie en racontant des aventures semblables à celles des Mille et une nuits. Vous savez sans doute, ou si vous ne le savez pas, je vous l’apprends, que ces narrateurs sont très fréquents dans toutes les parties du Levant ; et qu’ils ont la coutume d’interrompre leur récit à un des endroits les plus intéressants de l’histoire, afin d’exciter la curiosité de leurs auditeurs, et de les engager à venir en entendre la suite le lendemain43.

Dans sa préface, l’auteur double ainsi le récit-cadre fictionnel, en représentant une autre énonciation première, qui relèverait des pratiques réelles des Orientaux. Il renouvelle ainsi le topos du manuscrit trouvé, et s’inscrit dans une filiation symbolique avec l’attitude antiquaire de Galland et de Cazotte, qui eux-mêmes évoquaient abondamment leurs sources d’Orient. Mais ce « petit homme » a été mis en prison pour avoir critiqué le pouvoir en place. Cela permet à l’auteur de prendre position au sujet de la valeur politique de ses contes :

L’on sait très bien que, sous la domination turque, messieurs les libéraux, indépendants ou radicaux n’ont pas beau jeu, et qu’il n’est pas permis, comme dans certaines contrées de l’Europe, de s’ingérer dans les affaires de l’administration, pour en censurer les mesures. Notre homme, trop tard, découvrit cette vérité, et apprit, à ses dépens, qu’il valait mieux faire des contes, que de se mêler de ce qui ne le regardait pas44.

L’auteur prétend donc préférer le divertissement aux intrigues politiques. Que cette attitude soit ironique ou non, peu importe : elle pose la question de la pertinence du genre dans le champ de la littérature de l’époque.

Par ailleurs, dans l’intrigue du livre, une conteuse se distingue dans cette perspective. Floriana, jeune Anglaise, déclare d’emblée :

Née loin des régions qui obéissent à votre majesté, je connais fort peu vos coutumes et vos mœurs, et je crains beaucoup que la simple histoire que j’ai à raconter ne soit pas digne de votre attention. Élevée dans une terre libre, ma bouche ne saurait parler le langage de la servitude. Vous me pardonnerez donc, sire, si, par ignorance, je venais à manquer au respect qu’on attend de nous dans ce pays ; et je vous prie très humblement de croire que je suis très loin de l’idée de vouloir vous offenser. Ayant dit ce peu de mots pour m’attirer votre indulgence, je m’empresse, sans plus de préambule, à me soumettre à vos augustes ordres45.

Cette déclaration souligne le caractère particulier de ce récit46. Floriana raconte une histoire de style gothique, où un chevalier anglais est appelé par un spectre dans un château, où il voit défiler les compagnons défunts de son père, qui a été tué avant la naissance de ce fils, du fait de la trahison de l’un de ses proches. Il doit le venger, et c’est l’enjeu du reste du conte. Nous verrions volontiers dans cette histoire une allusion à la situation du duc de Bordeaux ; son père, le duc de Berry, a été assassiné le 13 février 1820, et lui-même est né le 29 septembre. Fullerton Weston, anglais comme la conteuse de ce récit, transmettrait ainsi un message d’encouragement au futur souverain, tout en corrigeant – ce qui le distingue – le défaut d’efficacité politique des fictions, et en particulier des Mille et une nuits.

S’il est difficile de répondre de façon tranchée à ces interrogations, une question se pose clairement, pour paraphraser le titre d’un livre d’André Miquel : peut-il y avoir des contes innocents47 ? Si nous reprenons cette question, c’est en l’inscrivant délibérément dans une perspective historique et poétique : le conte, tel que Galland et ses contemporains le concevaient, présentait une perspective politique communautaire complexe, mais globalement soumise à une hiérarchie idéale : est-il encore une forme d’actualité au début du XIXe siècle ? Ou encore, pour formuler les choses dans une perspective plus littéraire : peut-on encore écrire de tels contes à une époque où les Romantiques révolutionnent justement la conception du conte ?

Rousseau, Goethe et les Romantiques poussent en effet bien plus loin que les mondains l’image du conte populaire, en cherchant dans les contes les traces d’une conscience morale naturelle, spontanée, qui a été pervertie par les valeurs urbaines et les intérêts marchands48. Ils passent d’une généalogie de la fiction à une exploration comparative des histoires de chaque peuple, qui reposent sur des motifs communs mais expriment des visions du monde, des sensibilités spécifiques. Ils valoriseront ainsi non pas une image de conte populaire en langage mondain, mais les contes qu’ils attribuent à tous ceux que les mondains rejettent, vieillards, fous et marginaux. Ils imagineront donc un conte qui soit le moins littéraire possible, d’une certaine façon.

Au niveau de la création littéraire, on assiste, sur cette période, à un essoufflement d’une écriture fondée sur l’imitation ou la parodie (le conte oriental, le conte à l’antique), au profit de formes rénovées (histoires symboliques orientalisantes dans la veine de Goethe ou Wieland ; petits romans à l’antique, qui annoncent les créations de Nerval, à mi-chemin entre récits de voyage et récits oniriques). L’Âne d’or quitte alors le statut de recueil de contes pour être lu comme un roman mystique ; Les Mille et une nuits connaissent elles aussi un bouleversement par le travail éditorial et de traduction des Anglais. Le conte « à l’ancienne » trouve alors un autre public, non moins essentiel : celui des enfants pour les plus moraux, celui des salles de garde pour les plus gaillards. Ni Les Mille et une nuits, ni L’Âne d’or ne feront l’économie de ces métamorphoses, qui leur vaudront anathèmes puis retours en grâce, en fonction de la place que leur réserveront les canons littéraires du moment.

 

1 Cet article est la version très remaniée d’une communication lors du colloque international « Les Mille et une nuits et la créativité littéraire », Fès, 28-30 oct. 2009 (Université Dhar el-Mehraz – INALCO). Je remercie les organisateurs de ce colloque de m’avoir autorisée à la retravailler pour cette publication.

2 Mohammed Abdel-Halim, Correspondance d’Antoine Galland, édition critique et commentée, Thèse complémentaire de lettres, Paris, Faculté de lettres, 1964, p.436 : lettre de la fin du mois d’août 1702, à Gisbert Cuper. Nous modernisons l’orthographe.

3 Voir par exemple Jean-Michel Adam et Ute Heidmann, Textualité et intertextualité des contes : Perrault, Apulée, La Fontaine, Lhéritier…, Paris, Classiques Garnier, 2010.

4 Charles Perrault, Préface des Contes en vers (Grisélidis, nouvelle, avec le Conte de Peau d’âne et celui des Souhaits ridicules, Paris, J.-B. Coignard, 4e éd., 1695) réunis aux Histoires ou Contes du temps passé (1697). Éd. Roger Zuber, Paris, Imprimerie Nationale, « Lettres françaises », 1987, p. 81-82.

5 Lettre non datée, dans Mohammed Abdel-Halim, Correspondance d’Antoine Galland, op. cit.,p. 493.

6 Antoine Galland, Les Mille et une nuits, présentation par Jean-Paul Sermain et Aboubakr Chraïbi, notices, dossier, chronologie, bibliographie par Jean-Paul Sermain, Paris, GF Flammarion, 2004, 3 vol. : vol. 2, p. 257.

7 Dictionaire universel contenant generalement tous les mots françois, tant vieux que modernes, & les termes de toutes les sciences et des arts […], par Antoine Furetière, La Haye / Rotterdam, Leers, 1690, t. 1, p. 400.

8 Voir notamment Jean-Paul Engélibert et Yen-Maï Tran-Gervat (dir.), La Littérature dépliée. Reprise, répétition, réécriture, Presses Universitaires de Rennes, 2008 et Groupe "Lire, Commenter, Réécrire", Métamorphoses du commentaire (XVe-XVIIIe siècle) : une anthologie, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2020.

9 Voir notamment les travaux publiés dans la revue Féeries des ELLUG (notamment le volume 2 de 2004-2005, dirigé par Jean-François Perrin sur le conte oriental), ainsi que Jean-François Perrin et Régine Jomand-Baudry (dir.), Le Conte merveilleux au XVIIIe siècle : une poétique expérimentale (Actes du colloque de Grenoble, 2000), Paris, Kimé, 2002.

10 Antoine Hamilton, Les Quatre Facardins, Paris, J-F Josse, 1730 [numérisé sur le site Gallica ; cote NUMM 88609], p.5.

11 [Sans auteur], L’Âne au bouquet de roses, renouvelé de l’Âne d’Apulée, 2 tomes, Paris, Leriche, 1802 ; Ferdinand Fullerton-Weston, Les Matinées du sultan, 3 vol., Paris, Pigoreau, 1821.

12 L’indication de l’auteur est en soi une prise de position sur l’interprétation de l’œuvre, comme nous le verrons. Sur ce problème, on pourra consulter la synthèse récente de Julia Gaisser, The Fortunes of Apuleius and the Golden Ass, a Study in Transmission and Reception, Princeton & Oxford, Princeton University Press, 2008.

13 Voir par exemple Matteo Maria Boiardo, Apulegio volgare, (dell’Asino d’oro), Venise, 1516 (composé vers 1470) ; Agnolo Firenzuola, L’Asino d’oro, di Apuleio tradotto, Venise, 1549. Ces traductions adaptent L’Âne d’or comme un recueil de nouvelles, selon des perspectives différentes mais souvent satiriques : Firenzuola fait de Lucius un Toscan contemporain qui adopte certains de ses propres traits.

14 Nous conservons la façon dont nos sources orthographient les noms des personnages.

15 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 6.

16 Outre l’ouvrage déjà cité de Julia Gaisser, on peut consulter, à ce propos, celui de Robert H.F. Carver, Protean Ass, the Metamorphoses of Apuleius from Antiquity to Renaissance, Oxford-New York, Oxford University Press, 2007.

17 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 7-8 : « Vous savez que je passe dans le vulgaire pour être fort versé dans la magie, et que j’ai même été obligé de me défendre de cette inculpation devant le proconsul d’Afrique sur la dénonciation d’un certain Scininius Emilianus ».

18 Voir Jean-François Perrin, « Petits traités de l’âme et du corps : les contes à métempsycose (XVIIe-XVIIIe siècles) », dans Le Conte merveilleux au XVIIIe siècle, op. cit., p.123-139.

19 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 8-9.

20 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 21 : « Il me semble, interrompit Sexte, qu’Apulée nous avait promis l’histoire de sa transformation. Je ne sais si ce début doit l’y conduire ; mais en ce cas il avouera que s’il n’y a pas de plaisir à être âne, il y en a du moins à le devenir ».

21 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 21-22.

22 Les Matinées du sultan, op. cit., t. 3, p. 313 : « Ici, Bifatmé interrompit son discours pour adresser à Schariar les paroles suivantes : ‘Votre majesté, sans doute, se rappelle les événements qui occasionnèrent la mort du Magicien Maugraby, comme ils vous furent racontés par votre auguste mère. Je m’abstiendrai donc de les répéter, quoiqu’ils soient particulièrement liés avec le fil de mon récit. Je me contenterai de vous faire ressouvenir d’un seul fait, absolument nécessaire pour l’éclaircissement de mon histoire. […]’ ».

23 À propos des Mille et une nuits, La Harpe déclare que l’on peut conclure des efforts de Scheherazade que Shahryar aime les contes plus que les femmes (Lycée, ou cours de littérature ancienne et moderne, Paris, Depelafol, 1825, p.362, disponible sur le site Gallica, cote NUMM 202728) [1e édition 1798-1804].

24 Les Matinées du sultan, op. cit., t. 1, note p. 10.

25 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 113-114.

26 Apulée, L’Âne d’or, IV, 27 : sed ego te narrationibus lepidis anilibusque fabulis protinus auocabo. Nous reprenons les divisions du texte établi par D. S. Robertson dans la Collection des Universités de France des Belles-Lettres (1e édition 1940) et proposons notre traduction.

27 Apulée, L’Âne d’or, X, 29-32.

28 Véronique Gély montre comment l’histoire de Psyché est interprétée comme un conte de fées au XVIIe siècle (L’Invention d’un mythe : Psyché, allégorie et fiction, du siècle de Platon au temps de La Fontaine, Paris, Champion, Lumière classique, 2006, 2e partie, ch.2, « Quel genre de conte ? »).

29 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 1, p. 117-118.

30 Au sens où la définit Gérard Genette : « figure par laquelle le narrateur feint d’entrer (avec ou sans son lecteur) dans l’univers diégétique » (Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 244).

31 Alain Billault, « Lucien, l’âne et la métamorphose dans Lucius ou L’âne », Revue Des Études Grecques, vol. 132, 1, 2019, p. 263–76.

32 Baruch Spinoza, Éthique, traduction française par Bernard Pautrat, Paris, Seuil, « Points », 2010, p. 191-195 (scolie de la proposition 49 de la deuxième partie).

33 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 2, p. 143.

34 L’Âne au bouquet de roses, op. cit., t. 2

35 Jean-Sermain, Le Conte de fées du classicisme aux Lumières, Paris, Desjonquères, L’Esprit des lettres, 2005. Il lie cette idée à une remise en cause des genres hérités de l’antiquité, et à l’émergence d’un projet chrétien de communauté naturellement morale.

36 Antoine-Alexandre Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, 4 vol., Paris, Barrois l’aîné, 1822-27 [2e édition], vol.1, p.55 (n°758).

37 Biographie sur le site de l’Assemblée nationale http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/1789-1889/Tome_5/SAINTE-CROIX_SALMON.PDF, p.259-260.

38 Essais historiques pour servir d’introduction à l’histoire de la révolution française. Par un ancien magistrat. Paris, Leriche, 1802 (réimpr avec nom de l’auteur 1819). Il décrit ce rapport avec Bonaparte dans l’avant-propos de ses Annales françaises depuis le commencement du règne de Louis XVI jusqu’aux États-Généraux (1774-1789), Paris, Leriche, Libraire, quai des Augustins, 1813 : p. iv « Mais aujourd’hui qu’une main tutélaire a préservé la France et agrandi ses destinées, tous les sentiments doivent se confondre dans ceux de la reconnaissance et du dévouement. J’ai déjà consigné mon opinion à cet égard dans l’Introduction à cette histoire, ouvrage imprimé en 1802, et dont Sa Majesté, alors Premier Consul, a bien voulu permettre que je lui fasse présenter un exemplaire ».

39 Erat aliquid agendum autem, si quod alios juvaret minus, certe maerorem meum de infelicissima conceptum patria levaret falleretque (John Price, L. Apuleii Madaurensis Metamorphoseon Libri XI cum notis et amplissimo indice Ioannis Pricaei, accessit eiusdem index alphabeticus scriptorium qui in Hesychii greco vocabulario laudantur, Goudae, typis Gulielmi van der Hoeve, 1650, p.706 ; notre traduction).

40 Voir Jean-François Perrin, L’Orientale Allégorie, Le conte oriental au XVIIIe siècle en France (1704-1774), Paris, Honoré Champion, 2015.

41 J.-M. Quérard, La France littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savants, historiens et gens de lettres de la France […], t.3, Paris, Didot, 1823, p. 224.

42 Les Matinées du sultan, op. cit., t.1, p. i.

43 Les Matinées du sultan, op. cit, t.1, p. xi.

44 Les Matinées du sultan, op. cit., t.1, p. xii-xiii.

45 Les Matinées du sultan, op. cit., t. 2, p. 31.

46 Cette originalité est rappelée à la fin du conte : « Floriana finit ainsi son conte, qui intéressa vivement le sultan, et cela d’autant plus, que les aventures qu’il contenait différaient essentiellement de celles qu’il avait coutume d’entendre. » (Les Matinées du sultan, op. cit., t. 2, p. 84).

47 André Miquel, Sept contes des Mille et une Nuits (ou il n’y a pas de contes innocents), Arles, Sindbad / Actes Sud, 1981.

48 Nicole Belmont, Paroles païennes. Mythes et folklore, des frères Grimm à P. Saintyves, Paris, Imago, 1986.



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- Auteur : Carole Boidin
- Titre : « Plus arabes qu’en Arabie », plus romains qu’à Rome ? L’Âne au bouquet de roses (1802) et Les Matinées du sultan (1821), ou la réécriture comme correction des défauts
- Date de publication : 26-04-2023
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=323
- ISSN 2105-2816