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COLLOQUES


LE DÉFAUT : Études en hommage à Camille Dumoulié


Cannibales et autres monstres dans les Essais et La Tempête

François Laroque


Université Sorbonne Nouvelle-Paris III

 

L’influence exercée par les Essais de Montaigne sur Shakespeare via la traduction de John Florio publiée à Londres en 1603 est tout aussi incontestable qu’avérée de longue date et étudiée par les spécialistes avec force détails. En effet, dès la fin du XVIIe siècle, en 1780, le critique littéraire anglais Edward Capell (1713-1781), le septième à entreprendre une édition complète des œuvres de Shakespeare, fut le premier à signaler que Shakespeare s’était directement inspiré de l’essai de Montaigne intitulé « Des cannibales » (I, 31) dans le discours mi-utopiste, mi-fantaisiste de Gonzalo dans La Tempête, la dernière pièce que le dramaturge ait écrite seul (1611). La découverte de Capell devait rester sans lendemain jusqu’à ce qu’en 1838 la bibliothèque du British Museum fasse l’acquisition d’un exemplaire des Essais dans la traduction de Florio, dont la page de garde portait la signature « Shakspere ». Mais les notes en marge de ce volume ne sont visiblement pas de la main du directeur du théâtre du Globe, ce qui fait donc planer des doutes sérieux sur l’authenticité de la signature, dont on considère aujourd’hui qu’il s’agit en réalité d’un faux datant du XVIIIe siècle. Néanmoins, la polémique qui allait naître autour de la réalité et de l’importance de l’influence de Montaigne sur Shakespeare était lancée et, comme le montre l’ouvrage de Robert Ellrodt, Shakespeare et Montaigne1, elle continue à aller bon train de nos jours.

Il est donc intéressant d’évoquer l’impact qu’ont pu avoir les écrits de celui en qui l’on peut sans doute voir l’un des plus grands philosophes français sur les œuvres de celui qui incarne le génie du théâtre et de la langue anglaise. Il ne s’agira pas ici d’un quelconque choc des cultures, même si la Renaissance donne autant d’exemples d’intolérance que de libre circulation des hommes, des idées et des textes, ni même de connivences possibles entre deux esprits au fond assez différents, du moins pour ce qu’on peut en deviner en lisant leurs écrits, mais bien de ce que l’homme de Bordeaux nomme « l’entreglose », c’est-à-dire la marqueterie quasi maniériste des emprunts, des porosités et des détournements, compte tenu des décalages inévitables dus au passage d’une langue à l’autre. Car, comme nous le verrons, il existe bel et bien des affinités électives entre ces deux immenses écrivains qui sont aussi de grands bricoleurs et chapardeurs de textes2. Il n’y a dans mon esprit nulle irrévérence dans cette formule qui désigne tout simplement le fait que la Renaissance privilégiait un mode d’écriture essentiellement fondé sur l’imitation de sorte que l’originalité n’était pas réellement valorisée en tant que telle. Montaigne, comme Shakespeare – et Antoine Compagnon l’a bien noté dans La seconde main3 – sont tous deux parfaitement conscients de ce que le critique américain Harold Bloom a appelé « the anxiety of influence », c’est-à-dire l’idée que tout texte ne peut que renvoyer à un autre qui se pose alors en modèle ou en archétype et qui suscite dès lors une situation de rivalité et d’inquiétude puisque le jeune écrivain n’est jamais sûr de pouvoir égaler et encore moins surpasser les anciens.

La question de l’héritage de Montaigne au sein de l’œuvre de Shakespeare mérite donc d’être abordée, à la fois pour tenter de mieux comprendre la nature autant que les raisons de l’emprunt, mais aussi pour la situer dans un contexte à la fois anthropologique et colonial, en étudiant la représentation du personnage du cannibale tel qu’il est abordé par le philosophe dans l’essai du même nom, et peut-être aussi tel qu’il est indirectement reflété dans celui que la liste des personnages de La Tempête définit comme un « esclave sauvage et difforme », et qui n’est autre que le « monstre » Caliban. Certes, le discours utopiste de Gonzalo ne contient aucune allusion à un quelconque cannibale mais comme il pastiche et renvoie sans la moindre ambiguïté à l’essai de Montaigne dans la traduction de John Florio, dont un certain nombre de termes, voire de membres de phrases, sont directement reproduits dans le texte shakespearien, il paraît impossible de s’en tenir au seul éloge paradoxal du primitivisme. Par ailleurs, les thèmes de l’étrange, du difforme et du monstrueux hantent littéralement les dialogues de cette pièce tardive (1611) de Shakespeare, renvoyant ainsi indirectement aux éléments fabuleux liés à la littérature de voyage de l’époque mais aussi à la réflexion ironique et relativiste de Montaigne sur le statut et la nature du sauvage et sur celles du civilisé et du barbare. Quels sont les véritables monstres, où réside la pire sauvagerie, quels rapports l’art entretient-il avec la nature ? Telles sont certaines des questions que Montaigne pose très explicitement dans son essai et auxquelles Shakespeare apporte quelques éléments de réponse sans toutefois dissiper toutes les ambiguïtés. Le texte de sa pièce conserve en effet une partie de son mystère, comme toujours chez ce dramaturge en fin de compte assez insaisissable et qui ne cesse de susciter ainsi de nouvelles interrogations et interprétations.

Sans doute rédigés à partir de 1572, les Essais remportèrent un grand succès dès leur parution. C’est ce que montrent les quatre éditions publiées de 1580 à la date de la mort de Montaigne à l’âge de 59 ans en 1592, suivies de la seconde édition de 1588, dite édition de Bordeaux, qui comporte de nombreux ajouts introduits à partir des annotations marginales de Montaigne sur son exemplaire de la première édition de 1588, l’édition de 1592 et enfin l’édition posthume de 1595 établie par sa disciple Marie de Gournay et Pierre de Brach. Le retentissement immédiat qu’allaient avoir les Essais lors de leur publication dans un contexte sensible où la controverse avait bien entendu sa part, fit que la réputation de Montaigne allait rapidement traverser la Manche, où le genre des essais connaîtra une grande popularité dès le début du XVIIe siècle. On sait par exemple qu’en 1597, Sir Francis Bacon publiait un premier volume de onze essais lesquels passèrent au nombre de 38 en 1612 puis de 58 dans l’édition de 1625. Sir William Cornwallis (1579-1614), s’inspirant de Montaigne plutôt que de Bacon (ce sont, dit-il, des « conversations avec lui-même » écrites dans un style assez oral tout à fait éloigné des aphorismes du philosophe et homme d’État anglais), écrivit de son côté des Essais qui furent publiés en deux volumes de 25 (1600) puis de 24 essais en 1601. C’est donc ce même Cornwallis qui fut le premier à attirer l’attention sur Montaigne, alors totalement inconnu en Angleterre. Mais la vogue de l’essai se poursuivra bien au-delà, comme on le voit vers la fin du XVIIe siècle, avec L’Essai sur l’entendement humain (1689) de Locke ou encore, au XVIIIe siècle, avec le poème philosophique de Pope intitulé l’Essai sur l’homme (1733).

Dans son épître dédicatoire à sa traduction des Essais, John Florio déclare que « sept ou huit grands esprits » avaient tenté avant lui de traduire Montaigne en anglais. Il y eut notamment un certain Edward Aggas qui, dès 1595, avait fait inscrire au Registre des Libraires « The Essais of Michael, Lord Mountene ». Tout cela indique qu’avant la date du 4 juin 1600, où une autorisation d’impression est officiellement donnée pour la publication des Essais de Montaigne à Edward Blount (1565-1632) – c’est, soit dit en passant, le même imprimeur qui, en association avec William et Isaac Jaggard, publiera le premier in-folio des pièces de Shakespeare en 1623 – il y avait déjà eu bon nombre de tentatives ou d’intentions de traduction de l’ouvrage du Bordelais. C’est à la demande de Sir Edward Wotton (1548-1628), le demi-frère du célèbre diplomate Henry Wotton, qui fut ambassadeur à Venise, que Florio entreprit la traduction de l’essai intitulé « De l’institution des enfans ». À la suite de quoi, Lucy Harington, comtesse de Bedford (1580-1627), chez qui il résidait, l’encouragea à poursuivre son travail. Au terme de près de cinq années d’un labeur éreintant, qui lui demanda « sueur et sang », il parvint au bout du voyage et publia sa traduction en 1603.

John, ou Giovanni, Florio était le fils d’un protestant florentin qui avait fui l’Italie et traversé la Manche pour échapper aux persécutions. Il fut professeur d’italien à Oxford avant de revenir à Londres où il fréquenta l’aristocratie. Précepteur du troisième comte de Southampton, Sir Henry Wriothesley (1573-1624), souvent présenté comme le fameux « Mr W.H. » le dédicataire des Sonnets de Shakespeare, il publia un dictionnaire italien-anglais, A World of Words (Un monde de mots) en 1598. Cette somme lexicographique tout à fait remarquable lui valut une notoriété rapide. Il est clair que, pour lui, ce sont moins les idées que la langue de Montaigne qui l’intéresse et que sa traduction s’offre comme une vitrine d’une langue anglaise augmentée de nombreux néologismes et trouvailles linguistiques. Dans sa première épître dédicatoire à la comtesse de Bedford, membre du cercle de Sidney et du comte d’Essex et grande protectrice des arts et des lettres, Florio se présente comme le parrain de cet « enfant » qu’il a transporté de France en Angleterre, qu’il a habillé à l’anglaise, et à qui il a appris une langue souvent mâtinée de « jargon français ». Désireux de doter la langue anglaise d’un vocabulaire élargi, Florio allait faire de cette traduction une œuvre à la fois personnelle et créatrice, même si son style a parfois un caractère euphuiste4 et maniéré, marqué par des parallélismes et une tendance à l’augmentation linguistique (il met plus de mots en anglais pour traduire le français alors que l’usage et l’expérience des deux langues montre que c’est l’inverse qui prévaut). Dans un ouvrage intitulé La Dette de Shakespeare envers Montaigne (1925), le critique anglais G.C. Taylor a répertorié quelque 750 mots que Shakespeare aurait empruntés à Montaigne dans les pièces écrites après 1603, ce qui suggère bien un processus d’imprégnation progressive.

Comme l’a bien montré Robert Ellrodt, la lecture de Montaigne a accru l’intérêt que Shakespeare portait à la vie intérieure et à la connaissance de soi dans la période qui s’étend d’Hamlet au Roi Lear, soit de 1601 à 1606. Dans les pièces qui suivent, cette influence paraît nettement moins marquée et on ne la voit véritablement resurgir que dans La Tempête. On ne peut donc que s’interroger sur les raisons de ce retour à Montaigne dans une pièce de facture classique qui respecte les trois unités de lieu, de temps et d’action (un cas quasi unique sur l’ensemble des 37 pièces que compte son œuvre), qui, contrairement à l’essentiel du corpus dramatique de l’auteur d’Hamlet, ne repose sur aucune source principale et qui emprunte une partie de son matériau à tout un ensemble de bigarrures : l’Enéide de Virgile, les Métamorphoses d’Ovide, la littérature de voyage contemporaine, mais aussi la commedia dell’arte, les traités de magie et de démonologie, le Dr Faust de Marlowe, la pièce perdue du dramaturge allemand Jakob Ayrer (1543-1605) Die Schöne Sidea, ainsi que les masques de cour écrits par Ben Jonson en collaboration avec l’architecte et machiniste Inigo Jones. À cet inventaire, il faut bien sûr ajouter les Essais de Montaigne et notamment l’essai « Des cannibales » du Livre I. Ce faisceau de sources donne évidemment à penser que le dernier Shakespeare a pu être influencé par la réflexion de Montaigne qui est toujours fortement appuyée sur les auteurs classiques et l’Antiquité romaine en dehors de son expérience personnelle. Par ailleurs, celui que son ancien rival, le polygraphe Robert Greene (1558-92), avait qualifié de « corbeau parvenu » dans un libelle satirique paru juste avant sa mort, pouvait aussi, à la fin de sa longue et brillante carrière, avoir à cœur de répondre à son autre ami et rival Ben Jonson qui écrira plus tard, dans le poème qu’il inscrira dans l’in-folio de 1623, que Shakespeare n’avait que « peu de latin et encore moins de grec », faisant ainsi allusion au fait qu’il était autodidacte et n’avait pas étudié les langues anciennes sur les bancs de l’université.

L’île où le Duc Prospéro, chassé du pouvoir par son frère Antonio, débarque avec sa fille Miranda au terme d’une expulsion nocturne de la ville de Milan et d’une longue errance en mer à bord d’une barque pourrie, est une île de nulle part, un u-topos :

PROSPÉRO
Le jour choisi, à minuit, Antonio a ouvert
Les portes de Milan et, au cœur des ténèbres,
Les sbires à son service nous ont jeté dehors,
Moi et toi, un bébé qui pleurait […]
>En bref, ils nous ont embarqués à la hâte,
Pour nous mener au large, où nous attendait une
Barcasse pourrie, sans le moindre gréement, cordage,
Voile ni mât– et que les rats eux-mêmes avaient
Instinctivement quittée […]

MIRANDA
Comment
Avons-nous touché terre ?

PROSPÉRO
Grâce à la divine
Providence ; nous avions des vivres et de l’eau douce,
Qu’un noble Napolitain, Gonzalo, nous avait
Donnés par charité– car c’est lui qui avait
Eté chargé de cette besogne– avec, en sus,
De beaux habits, du linge, des étoffes et des choses
Qui nous ont beaucoup servi depuis lors ; par pure
Gentillesse, sachant que j’aimais mes livres, il prit
Dans ma bibliothèque les volumes dont le prix
Est pour moi supérieur à celui de mon duché (1.2.126-65)5

Contrairement à Antonio le frère félon de l’ex-Duc de Milan, et à Sébastien, le frère du roi de Naples, Alonso, Prospéro est un prince humaniste qui possède une bibliothèque à laquelle il attache le plus grand prix. Le livre, qui symbolise la connaissance érudite mais aussi les savoirs occultes et interdits (grimoire), accède donc au statut d’objet précieux par excellence mais aussi, alors que le mot « book » servira d’euphémisme à l’ivrogne Trinculo pour désigner sa bouteille de vin, à celui de bréviaire qui lui permettra de renoncer à la vengeance, de pardonner à ses ennemis et d’atteindre la sagesse. Cette double idée d’accès à la connaissance et à la sagesse nous ramène donc vers les Essais de Montaigne, dont Gonzalo serait, sinon le porte-parole ou le représentant dans la pièce, du moins le vulgarisateur.

Voici à présent en effet le passage où le sage conseiller, que les comploteurs machiavéliques et les âmes noires que sont Antonio et Sébastien vont essayer de faire passer pour un idiot ou un vieux gâteux radoteur et pédant, expose sa vision d’un monde idéal sous forme d’utopie primitiviste :

GONZALO
Dans ce type de gouvernement, je ferais
Tout à rebours, car je n’admettrais nul commerce ;
Aucun titre de prince ; nul recours à l’écrit ;
Ni riches, ni pauvres, ni serviteurs ; pas de contrat,
D’héritage, de bornes, de propriété, et nul
Labour ni viticulture ; pas de métal, de blé,
De vin ni d’huile ; aucun métier et tous les hommes
Seraient oisifs, tous, les femmes aussi, mais pures
Et innocentes ; aucune souveraineté– […]
La nature produirait tout en commun sans sueur
Ni labeur. Je n’admettrais ni trahison ni
Félonie, ni épée, pique, couteau, fusil ni
Quelque engin que ce soit, mais la nature produirait
D’elle-même tout à foison, tout en abondance,
Pour nourrir mon peuple innocent […]
Ma façon de gouverner, Monsieur, serait si
Parfaite, qu’elle surpasserait l’Âge d’Or (2.1.132-52)

Écoutons à présent Montaigne nous parler des Brésiliens cannibales qu’il a rencontrés à Rouen en 1562 et dont il a lu les descriptions dans les récits de Léry et de Thévet6 :

Or je trouve […] qu’il n’y a rien de barbare en cette nation à ce qu’on m’en a rapporté : sinon que chacun appelle barbarie, ce qui n’est pas de son usage […] Ils sont sauvages de même que nous appelons sauvages les fruits, que nature de soi et de son progrès ordinaire a produits : là où à la vérité ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice, et détournés de l’ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages […] Les lois naturelles leur commandent encore, fort peu abâtardies par les nôtres […] il me semble que ce que nous voyons par expérience en ces nations-là, surpasse non seulement toutes les peintures de quoi la poésie a embelli l’âge doré […] C’est une nation, dirais-je à Platon, en laquelle il n’y a aucune espèce de traffic, nulle connaissance de lettres, nulle science de nombres, nul nom de magistrat, ni de supériorité politique, nul usage de service, de richesse ou de pauvreté, nuls contrats, nulles successions, nuls partages, nulles occupations qu’oisives, nul respect de parenté que commun, nuls vêtements, nulle agriculture, nul métal, nul usage de vin ou de blé […] Combien trouverait-il la république qu’il a imaginée éloignée de cette perfection…7

Le début de la tirade de Gonzalo évoque un monde à l’envers tandis que la réplique finale fait référence au mythe classique de l’Âge d’Or, situant ainsi la société idéale du vieux conseiller quelque part entre carnaval et fable humaniste. Il rêve d’une société d’abondance où le travail ne serait pas le moteur de la richesse, où tous les biens seraient mis en commun et où Mère Nature nourrirait ses enfants sans sueur ni labeur et nous donne donc là l’image correspondant à celle du « Pays de cocagne » comme sur le célèbre tableau de Peter Bruegel. On voit bien, en lisant les deux extraits en vis-à-vis, que Shakespeare s’amuse à paraphraser Montaigne dans la langue de Florio, faisant de Gonzalo un doux rêveur, un idéaliste prompt à s’émerveiller de tout, une sorte de Candide avant la lettre en somme.

Shakespeare reprend ici à son compte la formule négative (« rien… aucune… nul ... nulle », etc.) et le style délibérément paradoxal de la déclamation qu’il a pu, comme Montaigne, trouver dans L’Utopie (1516) de Thomas More ou dans L’Éloge de la folie (1511) d’Érasme, un texte publié exactement un siècle avant la représentation de La Tempête. Il s’agit d’un exercice rhétorique, d’une peinture idéale éloignée de tout réalisme, le vieux et fidèle conseiller Gonzalo n’étant ici qu’un roi de carnaval, un prince bienveillant et sans aucun pouvoir qui a abdiqué toute souveraineté au profit de ses sujets. Il joue donc un peu le rôle de fou du roi, de pourvoyeur de divertissement inventant ce topos d’une république sans gouvernement pour distraire le roi de Naples et le Duc de Milan de l’affliction qui suit leur naufrage et la disparition du prince Ferdinand qu’ils croient noyé.

Pourtant, Montaigne sait bien que, dans le monde réel, les Indiens du Brésil pratiquent l’agriculture, filent et tissent le coton, s’adonnent à une économie de troc et ne cessent de se faire la guerre. Il reconstruit la figure du Brésilien en essayant de le faire comparaître physiquement comme Shakespeare le fait de son côté en mettant en scène Caliban, le fils vicieux et difforme de la sorcière Sycorax et du diable en personne. Montaigne fait allusion au hamac et aux armes, à la nourriture et à la boisson de ces peuplades (« fait[e] de quelque racine […] couleur de nos vins clairets »), aux bâtons de rythme, aux danses, à la musique aussi avec des chansons guerrières et une chanson amoureuse qu’il juge « tout à fait Anacréontique »8. De même, Caliban se montre sensible à la musique puisqu’il déclare à Stéphano :

N’aie pas peur. L’île est pleine de bruits, de sons, et d’airs
Suaves, qui nous ravissent et ne font aucun mal.
Parfois, j’entends mille instruments vibrer qui
Bourdonnent à mes oreilles ; parfois, ce sont des voix,
Qui, quand je m’éveille d’un long sommeil,
Me font me rendormir et alors, dans mes songes,
Il me semble voir les nuages s’ouvrir et me montrer
Des richesses prêtes à me tomber sur la tête,
Si bien qu’en m’éveillant je voudrais rêver encore (3.2.113-21)

« L’esclave sauvage et difforme » de La Tempête est donc à la fois musicien et poète. C’est aussi un danseur qui s’adonne à une bacchanale en entonnant une forme d’hymne à la liberté :

‘Ban, ‘Ban, Ca-Caliban
A un nouveau maître– qu’il trouve un autre esclave !
Liberté, c’est la fête ! C’est la fête, liberté ! Liberté, c’est la fête, liberté (2.2.145-46)

On sait qu’Aimé Césaire reprendra ce refrain dans Une tempête. Adaptation pour un théâtre nègre (1971) :

Shango marche avec force
à travers le ciel, son promenoir !
Shango est un secoueur de feu
chacun de ses pas ébranle le ciel
ébranle la terre
Shango Shango ho !9

Caliban sert sans doute à figurer la réalité ironique qui viendra contredire le discours merveilleux autant qu’émerveillé de Gonzalo comme il interrompra indirectement le masque prénuptial que Prospéro fait représenter par Ariel et ses esprits sous les yeux ébahis des amoureux que sont le prince Ferdinand et la jeune Miranda. L’étymologie de ce nom est sans doute une métathèse du mot cannibale ou peut être aussi une formation à partir du nom de l’Indien caribe, prononcé tantôt caribe, tantôt « calibe ». Une autre étymologie renverrait à la ville de Calibia situé sur la côte de l’Afrique du Nord (on sait que sa mère Sycorax est native d’Alger). D’autres critiques mettent en avant l’argot des gitans, dont Shakespeare avait une certaine connaissance par l’intermédiaire des brochures satiriques de Robert Greene sur les bas-fonds et les vagabonds de Londres (cony-catching pamphlets), où le mot Cauliban ou kaliban signifie « noir » et tout ce qui est associé à cette couleur10. Une telle dérivation ferait de l’esclave de Prospéro un sauvage à la peau foncée (d’où peut-être son appellation de « thing of darkness » – « créature de ténèbres » à la fin de la pièce). Shakespeare répondrait donc au Brésilien de Montaigne par la création d’un personnage appartenant aux îles caraïbes (on sait que par ailleurs l’esprit de l’air et du feu au service de Prospéro, Ariel, fait allusion aux « Bermudes »), même si l’on nous dit explicitement qu’il est le fils d’une sorcière d’Alger.

Mais ce personnage de sauvage cannibale (par son nom plus que par ses mœurs car il se nourrit essentiellement de baies et de petits mollusques ainsi que de ouistitis qu’il réussit à piéger sur l’île) nous ramène indirectement à la question du livre ainsi qu’à John Florio, évoqué au début. En effet, en consultant l’édition originale de 1603, on trouve un passage assez surprenant dans l’épître dédicatoire à Lucie, comtesse de Bedford, placé avant le début du livre I, où le traducteur décrit son labeur en termes aussi frappants qu’imagés :

Je dois dire que, pendant que je travaillais à ceci et pensais être pareil à un cannibale captif qu’on engraissait avant de me mettre à mort, vous m’avez souvent crié « Coraggio » en disant « ça, ça » en applaudissant à mon passage [...]

Il est possible que Shakespeare ait eu ce passage en tête, puisqu’il est situé au tout début du volume et qu’il n’a donc pas pu ne pas le lire, quand il a créé son Caliban, cannibale captif s’il en est. Ceci est confirmé par un autre indice qui apparaît à l’acte 5 lorsque Stéphane houspille Caliban en lui disant « Coraggio, joli monstre, coraggio » (5.1.275), ce qui irait dans le sens d’une identification aussi littérale qu’ironique du traducteur avec Caliban sous la plume de Shakespeare. Par ailleurs, un peu plus loin dans la même dédicace, Florio remercie John Harrington, frère de la comtesse et traducteur du Roland furieux de l’Arioste, de l’aide qu’il lui a apportée, lui permettant, grâce à ce « fil d’Ariane » de sortir du « labyrinthe inextricable » où il se trouvait. Or, l’image du labyrinthe s’applique à plusieurs reprises à l’île de La Tempête comme on le voit avec l’emploi récurrent du mot « maze » qui désignait un labyrinthe de verdure, comme on les aimait alors dans les jardins ou dans la campagne anglaise11. On voit donc mieux désormais comment et pourquoi Florio est indissociable de Montaigne quand on étudie d’un peu près la question de l’influence des Essais sur la pièce.

Si les livres rapprochent Gonzalo de Prospéro dans La Tempête ainsi que Shakespeare de Montaigne, cela dans le cadre d’un plaidoyer humaniste et ironique écrit à la manière de More ou d’Érasme et dont le but est de relativiser le point de vue du civilisé sur le sauvage, on notera que le mot « monster » est employé à 34 reprises dans La Tempête (toujours à propos de Caliban) sur un total de 70 occurrences que l’on trouve de ce terme dans l’ensemble de l’œuvre dramatique Shakespeare. Autrement dit, près de la moitié des emplois du mot sont concentrés dans cette seule et ultime pièce.

La comédie du monstrueux est source d’un humour grinçant autant que grotesque au sens bakhtinien du terme12 c’est-à-dire imprégné de l’esprit du carnaval et de la fête populaire qui privilégient le bas corporel et matériel, les orifices ou les parties saillantes du corps comme le nez, les oreilles, les fesses ou le pénis. De ce point de vue, le monstre à deux têtes, à quatre jambes et à deux voix (une voix de devant et une voix de derrière) que forment Trinculo et Caliban cachés sous la gabardine pendant l’orage, exploite les clichés rabelaisiens de la scatologie autant que les facéties et les lazzi des tréteaux de foire (hommes enceints, « souffle-à-culs etc..) dans ce qui ressemble à une parodie d’accouchement et à une naissance anale à la Rabelais13.

Certes Caliban est laid, vicieux, mal embouché (il a souvent l’insulte aux lèvres) et incarne la gouaille démotique autant que l’esprit de révolte et de revanche populaires (Montaigne dit que le cannibalisme que pratiquent les Indiens du Brésil est un « cannibalisme de vengeance »), s’affirmant assez vite comme un adepte assez stupide de ce qu’Étienne de La Boétie appelle la « servitude volontaire ». Il troque en effet le maître, certes exigeant et tyrannique qu’est Prospéro, contre un ivrogne et un bouffon, en qui il voit des dieux et à qui il fait allégeance en proposant de leur baiser le pied. Mais il saura reconnaître sa bêtise à la fin, alors que le vrai méchant et le monstre de l’histoire n’est autre que le frère usurpateur de Prospéro, Antonio, qui refuse tout repentir en gardant obstinément le silence quand il se retrouve face à son frère qu’il a pourtant détrôné et banni et qui vient de lui pardonner publiquement ses avanies.

De même Montaigne, avec le goût du paradoxe provocateur qui le caractérise, va dédouaner l’Indien cannibale pour mieux s’en prendre au prétendu civilisé qui pratique les pires tortures et abomination au nom de sa foi et de son Dieu :

Après avoir longtemps bien traité leurs prisonniers […] celui qui en est le maître fait une grande assemblée de ses connaissants : il attache une corde à l’un des bras du prisonnier et donne au plus cher de ses amis l’autre bras à tenir de même : et eux deux en présence de toute l’assemblée l’assoment à coups d’épée. Cela fait, ils le rôtissent, et en mangent en commun, et en envoient des lopins à ceux de leurs amis qui sont absents […] Je ne suis pas marri, que nous remarquons l’horreur barbaresque, qu’il y a en une telle action, mais oui bien de quoi jugeants bien de leurs fautes nous soyons si aveuglés aux nôtres. Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant, qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par gehennes, un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens, et aux pourceaux : comme nous l’avons, non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non seulement entre des voisins et concitoyens, et qui pis est, sous prétexte de piété et de religion, que de le rôtir et manger après qu’il soit trépassé.

Cet excursus relativiste à la Lévi-Strauss autour des notions antithétiques du cru et du cuit, se retrouvera plus tard dans l’humour noir de La Modeste proposition (1729) de Jonathan Swift, où le satiriste, s’inspirant de Juvénal, propose de venir en aide aux Irlandais, en pleine période de famine, en conseillant aux femmes de mettre des enfants au monde pour pouvoir utiliser la chair de leur bébé en tant que ragoût ou de rôti et réussir ainsi à nourrir leur famille famélique. Cet essai trempé au vitriol est évidemment un pamphlet redoutable à l’encontre des Anglais accusés de laisser mourir de faim des dizaines de milliers de gens par cynisme autant que par intérêt. On voit bien, là encore, que les monstres sont en fait ceux qui se prétendent civilisés, les Anglais en l’occurrence, et non les Irlandais alors présentés comme des sauvages, qui sont leurs victimes désignées. Soit dit entre parenthèses, Caliban est parfois décrit par la critique comme un Irlandais, une interprétation qui permettrait d’expliquer son goût pour l’alcool et pour la musique.

Pour en revenir à Montaigne, on voit, dans l’essai intitulé « Des Boiteux » (III, 11), consacré à la question de la difformité physique (où le paradoxe de l’auteur montre qu’elle ne va pas sans quelques avantages), qu’il n’hésite pas à s’identifier lui-même à un monstre :

Je n’ai vu monstre et miracle au monde plus expres que moi-mesme.
On s’apprivoise à toute estrangeté par l’usage et le temps ; mais plus
je me heurte et me connois, plus ma difformité m’estonne, moins je
m’entens en moy.

Sans aller jusqu’à dire que Montaigne ébaucherait ici la notion d’inconscient (qui sera plus tard élaborée, bien avant Freud, par Nietzsche, ce grand lecteur et admirateur des Essais), on voit que le projet que l’auteur avait de se peindre aboutit à une forme d’impasse ou d’échec. Plus il s’étudie, moins il se trouve ou se comprend. « Je ne peins pas l’être, je peins le passage » dira encore l’auteur dans l’admirable chapitre 2 du livre III, « Du repentir ». La vérité de l’être qui n’est que mouvement, « sauts et gambades » à l’image du style de l’essayiste, ne se laisse jamais appréhender ni fixer une fois pour toutes. L’individu ne cesse de s’échapper à lui-même.

En un sens, on peut dire qu’il en va de même pour Prospéro qui, à la fin de La Tempête, s’identifie assez clairement avec son esclave Caliban quand il déclare en présence de tous « […] cette créature/De ténèbres, je la reconnais mienne » (5.1.291-92).

Il convient, en guise de conclusion, de revenir sur la question liminaire de ce texte, à savoir la raison pour laquelle Shakespeare choisit d’en revenir à Montaigne dans sa dernière pièce. La question de la subjectivité et de la conscience de soi n’est en effet pas le sujet qui l’occupe dans cette œuvre testamentaire qui récapitule la plupart des grands thèmes de son œuvre (usurpation, trahison du frère, voyage, errance, exil, vengeance, jeux, ruses et comédie de l’amour, théâtralité, mise en abyme et en perspective du sens et des valeurs etc.). Il y est en effet question de mémoire, de restauration, voire de refondation dynastique, et les vertus mises en avant sont la tempérance, la chasteté et le pardon. Contrairement au dernier Montaigne qui fait l’éloge de la sensualité et des plaisirs de Vénus dans « Sur des vers de Virgile » (III, 5), Prospéro bannit Vénus et Cupidon du masque de fiançailles offert en spectacle à Ferdinand et Miranda, à qui il ne cesse de rappeler qu’ils doivent rester vierges jusqu’au mariage. Face à cet ascétisme du désir ouvertement revendiqué et appliqué, Caliban apparaît comme l’apôtre et l’apologiste de la promiscuité amoureuse, comme celui qui a tenté de violer la jeune Miranda pour tenter de peupler l’île de « petits Calibans ». Montaigne, dans son chapitre « Des cannibales », fait quant à lui ce qui ressemble fort à un éloge de la polygamie, louant les épouses des Indiens du Brésil qui, non seulement ne manifestent aucune jalousie face aux assiduités dont d’autres femmes pourraient faire preuve vis-à-vis de leur mari, mais vont jusqu’à les encourager et à rechercher leur amitié au motif que le nombre de ses femmes serait un signe d’honneur et un témoignage de la vaillance de leur époux :

Étant plus soigneuses de l’honneur de leurs maris, que de toute autre chose, elles cherchent et mettent leur sollicitude à avoir le plus de compagnes qu’elles peuvent, d’autant que c’est un témoignage de la vertu du mari.

Il y a bien sûr une forme de provocation malicieuse chez Montaigne quand il écrit ces lignes mais il est vrai aussi que la promiscuité sexuelle, qui avait tant choqué les missionnaires espagnols au moment de la Conquête, faisait déjà partie du mythe de ce primitif que l’on n’allait pas tarder, à la suite des voyages de Cook et de Bougainville, à nommer le « bon sauvage ». Rien de tel toutefois chez Shakespeare qui voit dans la libération effrénée du désir une source de violence, de malheur et de mort (voir à ce sujet l’interdépendance d’éros et de thanatos dans ses tragédies amoureuses, Roméo et Juliette, Othello et Antoine et Cléopâtre).

Il me semble donc que ce qui a pu séduire Shakespeare dans le « Des cannibales » des Essais, c’est en fait le parti pris de distance ironique, la malice et la ruse avec laquelle Montaigne administre sa satire et sa leçon de vie, toutes choses que Shakespeare s’efforce d’imiter en montrant que le naïf Gonzalo est en fait un homme sage et bon qui a gain de cause à la fin, puisque tout est bien qui finit bien. Par ailleurs, le masque d’Iris, Junon et Cérès à l’acte IV reprend la vision de fertilité et d’abondance de l’âge d’or rêvé dans son Utopie insulaire. On trouve aussi le même jeu de renversement ironique dans les paroles de Miranda qui, en voyant soudain apparaître devant elle Antonio, Sébastien, Alonso et les autres, s’exclame :

Ô merveille ! Qu’ils sont nombreux tous ces nobles êtres
Qui sont ici ! Que le genre humain est beau !
Oh ! Comme ce monde nouveau est joli avec
Ces personnes si belles ! (5.1.194-97)

Ce sont donc les jeux de l’ironie et les renversements de perspective que Shakespeare aura retenus de la lecture de cet essai de Montaigne, tout en maintenant certaines réserves sur l’éloge du cannibalisme et de la polygamie, même s’ils font partie d’une déclamation a contrario, d’un jeu d’esprit fondé sur le goût de la surprise et du paradoxe, car il y a toujours chez l’homme qui était à la tête des Comédiens du Roi, la peur que le carnaval ne se transforme en orgie sanglante, comme dans la révolte de Jack Cade (dans la deuxième partie d’Henri VI) ou en messe noire comme dans Macbeth. La Tempête est aussi, ne l’oublions pas, la réponse que Shakespeare donne au Dr Faust de Marlowe où le nom de Faust est l’équivalent latin de l’italien Prospero, tous deux signifiant ironiquement le chanceux ou le bienheureux. En effet, l’addiction fatale du professeur de Wittenberg à une magie diabolique aboutira à son démembrement et à sa damnation au terme des vingt-quatre années du contrat qu’il a signé avec Méphistophélès. Prospéro, quant à lui, prend soin d’enterrer sa baguette magique à plusieurs brasses sous terre et de noyer son livre là où plusieurs sondes ne peuvent pas descendre. Et, à la fin, on le voit s’agenouiller face au public pour demander aux spectateurs de lui accorder le pardon. Cette ultime note d’humilité du comédien ajoutée à cet adieu à la magie et donc aux pouvoirs du théâtre rejoint l’image du souverain de l’utopie de Gonzalo, celle du roi qui abdique en faveur de ses sujets. En cela il rejoint in fine les préoccupations du premier Montaigne (« que philosopher c’est apprendre à mourir »), Prospéro termine en disant que désormais, pour lui, « un tiers de ses pensées/Seront consacrées à la tombe » (5.1.326-27).

Bibliographie

Sources primaires

Césaire, Aimé, Une tempête. Adaptation pour un théâtre nègre, Paris, Le Seuil (Points), 1997.
Montaigne, Michel de, Essais, édition d’Emmanuel Naya, Delphine Reguig-Naya et Alexandre Tarrête, Paris, Folio Classique, Gallimard, 2009, 3 vol.
Shakespeare, William, La Tempête (1611), ed. et trad. François Laroque, Paris, Livre de Poche classique, 2011.

Sources secondaires

Bakhtine, Mikhaïl, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard (Bibliothèque des Idées), 1971.
Chiari, Sophie L’image du labyrinthe à la Renaissance. Détours et arabesques au temps de Shakespeare, Paris, Honoré Champion, 2010.
Compagnon, Antoine, La seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979
Ellrodt, Robert, Montaigne et Shakespeare. L’émergence de la conscience moderne, Paris, José Corti, 2011.
Gaignebet, Claude et Marie-Claude Florentin, Le carnaval. Essai de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974.
Holbrook, Peter, ed., « Shakespeare and Montaigne Revisited », The Shakespeare International Yearbook, Aldershot, Ashgate, 2006.
Lestringant, Frank, « Le Brésil de Montaigne : l’essai « Des cannibales » (1580) » in Le Huguenot et le sauvage, Paris, Aux Amateurs de Livres, Klincksieck, 1990.
Pollock, Jonatah, Ariel, mon oiseau. Une lecture écocritique de La Tempête de William Shakespeare, Paris, Hermann, 2021
Taylor, G.C., Shakespeare’s Debt to Montaigne, Oxford, 1925.
Vaughan, Alden T., & Virginia Mason Vaughan, Shakespeare’s Caliban. A Cultural History, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.

 

1 Robert Ellrodt, Montaigne et Shakespeare. L’émergence de la conscience moderne, Paris, José Corti, 2011.

2 Montaigne le reconnaît bien volontiers dans le chapitre 12 (« De la Physionomie ») du livre III des Essais, quand il écrit :

« Parmi tant d’emprunts je suis bien aise d’en pouvoir dérober quelqu’un, les déguisant et difformant à nouveau service ». Montaigne, Essais, édition d’Emmanuel Naya, Delphine Reguig-Naya et Alexandre Tarrête, Paris, Folio Classique, Gallimard, 2009, 3 vol., III, p. 391. Cette citation est une addition marginale de l’exemplaire de Bordeaux. 

3 La seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979, p. 291-94.

4 Style précieux marqué par les balancements et les effets de symétrie rhétorique introduit en Angleterre en 1580 par l’écrivain John Lyly dans son roman Eupheus ou l’anatomie de l’esprit. Le terme vient du grec ευϕυης signifiant élégant, de bon goût.

5 Toutes les citations de La Tempête sont tirées de mon édition-traduction publiée au Livre de Poche Classique, Paris, Hachette, 2011.

6 Voir sur ce point Frank Lestringant, « Le Brésil de Montaigne : l’essai « Des cannibales » (1580) » in Le Huguenot et le sauvage, Paris, Aux Amateurs de Livres, Klincksieck, 1990, p. 133-148.

7 Montaigne, Essais I, chapitre 34, vol. I, p. 396-98.

8 Genre créé par le poète grec du VIe siècle avant J.C., qui fait l’éloge de l’amour et d’une douce ivresse, a été illustré au XVIe siècle par les poètes de la Pléiade, Marot, du Bellay et Ronsard.

9 Aimé Césaire, Une tempête. Adaptation pour un théâtre nègre, Paris, Le Seuil (Points), 1997. Voir à ce sujet le bel essai que Jonathan Pollock a consacré à la question du relativisme culturel et de la réécriture de La Tempête par Aimé Césaire, Ariel, mon oiseau. Une lecture écocritique de La Tempête de William Shakespeare, Paris, Hermann, 2021.

10 Voir sur ce point Alden T. Vaughan & Virginia Mason Vaughan, Shakespeare’s Caliban. A Cultural History, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, p  26-36.

11 Voir sur ce point l’ouvrage de Sophie Chiari, L’image du labyrinthe à la Renaissance. Détours et arabesques au temps de Shakespeare, Paris, Honoré Champion, 2010.

12 Mikhaïl Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard (Bibliothèque des Idées), 1971.

13 Voir sur ce point l’ouvrage de Claude Gaignebet et Marie-Claude Florentin, Le carnaval. Essai de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974.



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- Auteur : François Laroque
- Titre : Cannibales et autres monstres dans les Essais et La Tempête
- Date de publication : 26-04-2023
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=327
- ISSN 2105-2816