Universidad del Valle

Dans une conversation sur le dopage sur YouTube, Camille Dumoulié répond à un jeune homme qui a toutes les allures d’un entraîneur sportif. Dans cet échange socratique sur un sujet apparemment banal, Camille Dumoulié aborde des arguments et des analyses sur des questions contemporaines à partir de concepts philosophiques et psychanalytiques ; sur la nature de son propre discours, à un moment, il dit à son interlocuteur : C’est ce que fait un professeur. Et c’est la même image que nous avons de lui, nous qui l’avons connu dans son travail quotidien alors qu’il vient de prendre sa retraite : ses arguments percutants et pédagogiquement organisés dans ses cours, ses conférences et ses livres sont le discours attentif à des concepts qui permettent de comprendre notre condition contemporaine et les problèmes conceptuels particuliers de la psychanalyse, de la philosophie et de la critique littéraire.

Son discours sur l’irradiation et l’influence de la littérature et de la critique littéraire dans les sciences dites humaines à l’heure où s’effondrent certaines des cloisons étanches qui séparaient les disciplines nous intéresse particulièrement. De la même manière que les travaux de Paul Ricœur et Hayden White ont montré que le métier d’historien dispose de nombreux éléments rhétoriques, sémantiques, métaphoriques et narratifs de la littérature, l’œuvre de Camille Dumoulié éclaire les rapports étroits – et parfois rivaux – entre la littérature et la philosophie.

Dans l’introduction à l’édition des communications d’un des nombreux colloques qu’il a organisés à l’Université Paris-Nanterre, en tant que directeur du Centre de recherches « Littérature et Poétique comparées », on lit sa vision, non exempte de véhémence poétique et d’imagination scénique, de la relation entre littérature et philosophie :

[...] la littérature, à travers l’expérience poétique, la fiction et le dialogisme romanesque, par l’écriture de soi et la fabrique de personnages, dans la dramaturgie du tragique, de la fureur ou de l’absurde, fut, tout autant que la philosophie, et peut-être même, avant elle, le champ d’élaboration poétique du sujet, la scène de ses exploits, de ses échecs, de ses illusions perdues. Reste à savoir s’il s’agit du même sujet, ou encore si la littérature ne tend pas au sujet philosophique un miroir de sorcière où il se contemple au risque de perdre son âme.¹

Ses écrits sur le désir, la fureur, la lignée littéraire de Don Juan, la construction du sujet, le théâtre de la cruauté (Artaud), Nietzsche, le rapport musique-littérature-philosophie, le corps et ses traductions, etc., donnent une continuité au travail conceptuel et théorique tenace de ce chercheur qui a participé avec plaisir et ferveur à certaines des journées d’études que nous avons organisées à Cali, Colombie, autour de la Littérature Comparée. De son séjour en Colombie et de sa participation à des événements académiques en Amérique Latine il nous reste ses articles et ses conférences en espagnol publiés dans des revues locales et que nous ajoutons en annexe à la présente édition.