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COLLOQUES


LES LETTRES FRANCOPHONES, HISPANOPHONES, LUSOPHONES ET LA LATINITE
Les avatars de la latinité au Pérou

Françoise Aubès - Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense


Je rappellerai que l'expression Amérique latine est une des nombreuses et évidemment insatisfaisantes définitions de ce Nouveau monde dont l’onomastique variera au fil des siècles, de l'idéologie. «Abus manifeste du concept linguistique et ethnique»1, l'appellation Amérique latine fait aujourd'hui l'unanimité, mais elle est toujours néanmoins2 modulée, nuancée, explicitée: citons par exemple le livre d'Alain Rouquié Amérique latine. Introduction à l'extrême occident ; l'expression est en effet une véritable arme à double tranchant ; il ne faut pas oublier que la latinité en question a souvent été vue comme caricaturale et négative ; pensons au latino pour les Français, au sudaca pour les Espagnols, au rastaquouère, chicano, latin lover, autant de cache-misères d'une identité en faire, fluctuant selon les moments de l'histoire, capable de trouver une nouvelle légitimité, en se définissant contre le grand voisin du Nord, comme un contre poids idéologique à la civilisation du struggle for life, du darwinisme social. C'est ce qui se passe à la fin du XIXe siècle quand les Etats-Unis, en plein essor impérialiste, menace d'imposer et de généraliser le modèle d'une «Amérique délatinisée» 3 selon le philosophe idéaliste uruguayen José Enrique Rodó, auteur d'Ariel (1902), véritable manifeste spirituel adressé à la jeunesse latino-américaine. Aujourd'hui, la latinité de l'Amérique de langue espagnole ou portugaise, retrouve une sorte de second souffle, en ces temps de globalisation et de néolibéralisme, comme l'attestent les nombreux colloques organisés sur ce sujet4. Tels sont les avatars de la latinité ; nous nous intéresserons plus particulièrement au cas péruvien.
En 1907 le juriste et philosophe péruvien Francisco García Calderón(1883-1953), disciple de Rodó, et auteur de Les démocraties latines de l'Amérique (1912), ouvrage qui reste une référence, publie en 1907 Le Pérou contemporain ; on y trouve la réflexion suivante : «Le Pérou est un pays latin, donc qui peut très bien passer de son histoire préhispanique»5. Un siècle plus tard, dans la revue Socialismo y participación, Víctor Samuel Rivera évoque l'identité péruvienne ainsi : «la globalisation relègue l'identité péruvienne à la sphère de la gastronomie et à ses ruines inoffensives et lointaines »6 .
Entre ces deux citations, un siècle de questionnement et de fluctuations identitaires que nous analyserons plus spécialement à travers le prisme de la littérature nationale et après avoir posé le postulat suivant : en Amérique latine et a fortiori au Pérou, le terme de latinité recouvre presque totalement celui d'hispanité. En effet, le Pérou est indépendant en 1821, mais pendant trois siècles, il fut une sorte de fer de lance, de porte-étendard, de bastion quasiment indestructible de l'hispanité ; Lima, capitale de la vice-royauté de Nouvelle Castille, est le paradigme d'une Espagne décentrée ; ville blanche, fondée par Pizarro en 1535, elle restera jusqu'à la première moitié du XXe siècle le symbole de l'identité nationale criolla7. L' hispanité, au Pérou, peut être plus que dans tout autre pays latino-américain, est donc l' héritage d'une histoire : la conquête, la colonisation, l'instauration d'institutions tant politiques que culturelles, l'hacienda, héritière du grand latifundium de formes féodales, l'autoritarisme, le caudillisme, la formation d'un empire spirituel au nom de la religion catholique. Et c'est tout particulièrement à travers l'interrogation de ce qu'est la littérature nationale que se jouera ce débat identitaire, car chercher à asseoir théoriquement les bases d'une littérature nationale, revient à réfléchir sur ce qu'est la nation et son identité.
En 1883, la défaite péruvienne dans la guerre du Pacifique qui opposait le Pérou et la Bolivie au Chili vainqueur, sera le point de départ, voire l'électrochoc de tout un questionnement sur la nation, ou plutôt sur l'inexistence même de la nation péruvienne, incapable d'intégrer ses masses indiennes (d’où l'humiliante défaite face aux Chiliens). Ce questionnement sera évidemment réactivé au XXe siècle et de façon de plus en plus extrémiste, à travers deux courants d'idées en apparence violemment opposés : les hispanophiles, conservateurs, réactionnaires, défenseurs d'une certaine idée «latine» du Pérou et un autre courant désireux d'imposer une identité contraire : l'indigénisme des années vingt en la personne de son idéologue José Carlos Mariátegui 1894-1930), fondateur du parti socialiste péruvien qui deviendra à sa mort en 1930 le Parti Communiste Péruvien.
Le premier courant est formé par une intelligentsia d’écrivains, historiens de droite Ils sont les premiers à écrire sur la littérature nationale, à en cerner les limites et les spécificités. Ainsi dans El carácter de la literatura del Perú independiente (1905) José de la Riva Agüero, estime que la littérature péruvienne est avant tout et indissociablement hispanique : le lien avec la mère patrie est inaltérable :

 

«Non seulement la littérature du Pérou est de toute évidence castillane dans le sens où la langue qu'elle emploie et la forme qu'elle revêt sont et ont été castillanes mais espagnoles dans le sens où l'esprit qui l'anime et les sentiments qu'elle découvre sont et ont été non pas toujours mais presque toujours ceux de la race et de la civilisation de l'Espagne»8.

José de la Riva Agüero, aristocrate liménien, historien, est le défenseur d'une identité latine, néocoloniale ; il rend hommage à trois siècle de colonisation qui représentent pour lui la civilisation : «le sang, les lois, les institutions de l'Espagne ont amené ici la civilisation de l'Europe et ont créé l'essentiel du Pérou moderne»9, en se substituant à «l'empire barbare» qui régnait avant arrivée des Espagnols, c'est-à-dire l'empire inca.
On pourrait trouver chez l'écrivain péruvien Ventura García Calderón (1886-1959) la traduction littéraire d'une telle idéologie. Ventura García Calderón, écrivain diplomate, frère du philosophe, résidera en France, écrira en français des nouvelles exotiques à l'usage de ses lecteurs parisiens, européens, avides de sensations fortes. Ventura García Calderón a du talent, ménage le suspense, surprend, raconte des histoires de momies, de condors, d'Indiens ensauvagés. La venganza del cóndor (1924), Danger de Mort (1926), Couleur de sang (1932) paraissent dans les années vingt, en pleine mode de l'exotisme ; il écrira aussi en français un Si Loti était venu ( 1926) pour le Mercure de France ; il imagine Pierre Loti éperdument amoureux d'une jeune Indienne Killa, qu'il devra quitter pour retourner dans son village des Charentes ; les nouvelles de García Calderón sont un condensé idéologique de tout ce que ce courant hispanophile et conservateur véhicule. L'Indien y est de façon récurrente vu comme appartenant à la race faible, vaincue, silencieuse, minérale. Le narrateur en général est un criollo ou señorito ( fils de famille) de Lima qui va connaitre dans la sierra ou dans la selva des aventures terrifiantes ; on retrouve le grand débat idéologique qui marque depuis le XIXe siècle en Amérique latine tout questionnement identitaire et projet national : civilisation et barbarie, (binôme qui se complique, car pour certains pays comme l'Argentine, la civilisation signifie l'Europe du Nord ou les Etats Unis et non les Latins, et Méditerranéens, paresseux et indisciplinés). Dans les nouvelles de Ventura García Calderón, le monde des Andes et même de l'Amazonie, est en miniature une image d'un Pérou figé dans des structures héritées de l'empire colonial. Le personnage le plus représenté est celui du grand hacendado, armé d'un fouet et d'un revolver, espèce de Cid criollo10 qui use de toute son autorité sur ses Indiens asservis, mais néanmoins capables de terribles vengeances. Une nouvelle a suscité de nombreux commentaires, car elle a été souvent analysée d'un point de vue moral pour la dose de racisme et de machisme qu'elle contient. C'est la nouvelle intitulée «Amor indígena» (Amour indigène); le jeune narrateur, en voyage dans la puna, se fait «offrir» une petite Indienne, une fois l'acte consommé, alors que le jeune homme repart avec ses amis, il entend derrière lui des pas menus; c'est la jeune fille qui le suit telle une esclave soumise et le narrateur d'exulter, car il sent tout à coup l'égal de ses magnifiques aïeux, les conquistadores ; il éprouve : «l'orgueil de ces demi-dieux de la conquête péruvienne qui enlevaient des femmes terrorisées sur la croupe de leur cheval»11. Dans les nombreux essais de Ventura García Calderón, on retrouve des allusions à l'héritage latin hispanique à maintes reprises ; dans "Vale un Perú", il étudie l'identité péruvienne «dans son interrogation pleine d'admiration sur ses ancêtres « ¿Cómo era aquel español»?(«Comment était cet espagnol»?) 12, dans une sorte de filiation avec le passé impérial de l'ancêtre conquistador : «j'écoute le rythme de mon sang»13. Il est conscient de la force de cet héritage: «Serons-nous un jour du Nord au Sud les Etats-Unis de la latinité?14 ». Comme Riva Agüero contemplant le champ de bataille d'Ayacucho (bataille qui a scellé en 1824 l'Indépendance du Pérou et de l'Amérique du Sud ) avec nostalgie et revendiquant le patrimoine de trois siècles de colonisation15 ,Ventura García Calderón estime «qu' il serait indécent de maudire ces aïeux magnifiques dont nous devons être fiers » 16 difficile d'effacer d'un trait de plume l'héritage espagnol: «Nous sommes autant Espagnols que les habitants des terres qui s'étendent de Gibraltar aux Pyrénées»17 .
Mais malgré l'étiquette d'hispanophile intransigeant, Ventura García Calderón est aussi conscient que le Pérou est le résultat de la fusion de trois races ; constat qui montre l'ambigüité de cette classe sociale, entre mauvaise conscience et paternalisme ; ces élites hispanophiles, éclairées, attachées aux valeurs chrétiennes, comme José de la Riva Agüero ou Víctor Andrés Belaúnde défendent l'idéal du gentilhomme chrétien ou hidalgo tout en sachant qu'il faudra bien annexer l'Indien, compter avec ces masses «barbares » : «Comment tendre un pont ne serait-ce qu'un pont fragile à la manière de nos ponts suspendus entre deux races sans bords?» 18, accepter le mélange difficile à vivre 19. Même le très conservateur Riva Agüero admet que le berceau de la nationalité est le métissage, mais à une condition : «le métis se tiendra à sa place ; il ne bouleversera pas l'ordre de la société traditionnelle » 20 et il restera sous autorité tutélaire du christianisme.
L'autre courant revendique une littérature qui ferait une place à l'époque préhispanique, à la littérature orale, c'est ce que défend Luis Alberto Sánchez dans Literatura peruana: capítulo de un ensayo preliminar en 1920 ou encore le théoricien de l'indigénisme José Carlos Maríategui, auteur de Siete ensayos de interpretación de la realidad peruana (1928) 21 qui radicalisera le constat violent que faisait un Manuel González Prada à la fin du XIXe siècle, en attaquant une élite qui se voulait et se voyait blanche , tournant le dos à la sierra et n'intégrant pas les masses indiennes. Pour Mariatégui, point d'hispanité liée à la colonie, pas de criollisme : le véritable ciment identitaire est l'Indien. A l'éloge nostalgique de l'empire espagnol et de ses des glorieux ancêtres, il répond par «Péruanisons le Pérou». La conquête est une irrémédiable destruction et l'imposition d'une société médiévale. L'Espagne est parmi les nations latines, celle qui a le moins su s'adapter au capitalisme " 22et qui a donc légué au Pérou une société rétrograde, féodale, marquée par le poids de l'église catholique romaine, «héritière de l'empire romain» en ce qui concerne la politique de colonisation et d' assimilation des peuples soumis à son pouvoir23 .De même que les Romains assimilent les divinités grecques, de même l'empire espagnol impose le catholicisme tout en s'adaptant, en laissant l'Indien admirer à travers Jésus, le dieu soleil etc., contrairement au pragmatisme protestant. Quant à la littérature péruvienne24, pour Mariátegui, elle est en formation comme la nation. Le legs de l'Espagne consiste en une littérature ampoulée, prise dans l'imitation servile, qui se complaît dans le criollismo et véhicule de pseudo mythes fondateurs comme celui de la Perrichola25, (d'ou l'invention du mot perricholismo). Seul l'indigénisme viendra à bout de cet héritage, un indigénisme réducteur car éliminant évidemment tout ce qui représente pour Mariatégui l'esprit colonial (voir ce qu'il dit de l'apport de l'esclave noir qui «abâtardit le sang indien»). «L'indigénisme extirpe peu a peu le colonialisme» 26 .
Ce mouvement indigéniste très radical, au fil des temps et des grand bouleversements identitaire démographiques, c'est-à-dire l'arrivée massives de migrants de la sierra dans la capitale péruvienne à partir des années cinquante, se nuancera pour privilégier le cholo, le métis. Il faut citer le rôle de l'écrivain ethnologue José María Arguedas (1911-1969) qui donnera sa place au monde indigène; il en fera l'œuvre de toute une vie tant au niveau fictionnel que comme folkloriste puis ethnologue. Eloigné du sectarisme indigéniste qui veut tirer un trait sur l'héritage hispanique, Arguedas milite pour un Pérou de tous les sangs (Todas las sangres, roman publié en 1964). Signalons au passage que le sujet de sa thèse d'ethnologie soutenue en 1963 à l'université de San Marcos, portera sur Las comunidades de España y del Perú , résultat d'un travail de terrain en 1958 en Espagne dans la région de Zamora. En observant le fonctionnement des communautés paysannes espagnoles, il analysera les apports de l'Espagne à l'ayllu27 traditionnel, pour mieux comprendre les communautés indigènes d'aujourd'hui qui de toute évidence et contrairement aux élucubrations intégristes des indigénistes défenseurs d'un communisme inca, doivent aussi beaucoup aux institutions imposées par la conquête ; la conquête ayant dès le début détruit ou altéré à tout jamais les cultures indigènes , la revendication d'une identité non altérée, originelle est un leurre, une falsification idéologique. Il constate bien évidemment que les villes péruviennes sont la reproduction quasi parfaite des villes espagnoles; et en conclut que les Espagnols ont instauré au mieux leurs système d'administration en les adaptant à l'organisation de l'ancien ayllu préhispanique 28.
Au fil des ans, le système littéraire péruvien sera donc revisité, «totalité contradictoire» 29; on parlera des littératures péruviennes, écho d'une société hybride métisse que le binôme rigide soit hispanique soit indigéniste ne saurait plus définir. Transculturation, hétérogénéité, hybridation serviront à définir les tensions du textes et de l'entour du texte, comme le montreront les premières analyses sur le roman indigéniste d'Antonio Cornejo Polar : le roman genre occidental par excellence est sapé de l'intérieur par d'autres formes, celles d'une littérature orale, d'une culture sans écriture 30 ; genre hybride dans le sens positif du terme (capable de créer de nouvelle forme), le roman «indigéniste» annonce une littérature future; dès ses premières œuvres Arguedas force la langue espagnole pour que perce et résonne le quechua dans un style crypté comme dans Los ríos profundos (1956) . Arguedas percevra avant les autres ce work in progress qui est le grand laboratoire identitaire d'une culture hybride, comme il tentera de le mettre en mots dans son roman inachevé El Zorro de arriba y el zorro de abajo31. Dans ce roman atypique, il renoue le fil de ces «littératures d'absence » comme les appelle Edmundo Bendezú32; le titre renvoie aux renards mythiques de Huarochiri, sorte de Bible régionale retranscrite en quechua en 1598 par le Père Francisco de Ávila. Les deux renards mythiques, celui d'en bas et celui d'en haut, se rencontrent et parlent. L'univers diégétique du roman est un lieu hautement symbolique et pionnier ; il s'agit de Chimbote, un petit port de pêche qui grâce au boom de la farine de poisson, est devenu le confluent de ceux d'en bas et de ceux d'en haut, lieu de grande effervescence, bouillonnement linguistique et culturel où s'élabore pour Arguedas l'identité future du pays. Ce roman inachevé, ambitieux, impossible à écrire, est doublé par le journal intime d'un écrivain qui y mettra un point final en se suicidant.
Dans la lignée d'Arguedas, d'autres voix se feront entendre : par exemple celle de la communauté afro-péruviennes par l'intermédiaire de l'écrivain Gregorio Martínez qui dans ses romans comme Canto de sirena (1977) ou Crónica de diablos y músicos (1992), s'attaque aux fondements de l'héritage colonial, s'ingénie à tordre la langue de la Real Academia de la Lengua Española dans un esprit que l'on pourrait qualifier de postcolonial , contestant, parodiant l'histoire officielle; il s'agit d'écrire contre l'ennuyeuse rhétorique coloniale 33, de pratiquer le marronnage culturel. Certes la culture afro-péruvienne devrait s'insérer aussi dans un vaste ensemble de littérature afro-américaine, afro-hispanique ou afro-caribéenne dont le dénominateur commun serait non pas la latinité mais l'africanité, car on assiste aujourd'hui à un remaniement des notions et concepts qui semblaient indissociables pour définir et le Pérou et l'Amérique, anti-impérialisme, indigéniste et néocolonial. Il est vrai que dans le cas du Pérou, la fracture entre Andins, écrivains telluriques, provinciaux et écrivains criollos liméniens hégémoniques et cosmopolites, est encore forte, témoin d'un champ culturel conflictuel34. Mais les littératures «mineures», celles de ceux qui appartiennent à la culture subalterne (femmes, andins, afro-péruviens, amazoniens etc.), tentent de s'imposer contre le canon criollo35 .
La latinité est présente mais revisitée à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays d'Amérique ; pensons à la génération du Crack au Mexique revendiquant la liberté de ne pas faire de littérature 36latino-américaine. Reste l'espagnol, ciment de la latinité, mais concurrencé par la langue globale ; en ces temps de migrations transnationales et transcontinentales, de géographie alternative, les écrivains latino-américains et péruviens installés aux Etats-Unis écrivent directement en anglais; il faudrait alors repenser le corpus de la littérature latino-américaine, diasporique ou extraterritoriale.
La latinité n'est que le petit dénominateur commun d'une Amérique qui selon le bilan que François Chevalier fait dans L'Amérique Latine. De l'indépendance à nos jours tend vers une «culture anglo-hispano-métisse» 37 ou vers comme l'explique Edouard Glissant, la diversalité : ne pas s'enfermer à nouveau dans une catégorie stérile, ne pas s'enraciner38 : «(...) la culture des peuples latins doit être une culture de participation. Il ne faut pas essayer à nouveau de régir le monde subrepticement après l'avoir régi ouvertement»39.
Amérique latine, certes, mais à géométrie ou géographie variable.

 

1 MINGUET Charles, «Panlatinismo, latinidad e identidades culturales. Los efectos sobre el conocimiento del México antiguo y moderno en Francia y Europa», in La latinidad y su sentido en América LAtina. Simposio, México,UNAM, 1986.

2 ROUQUIÉ Alain, L'Amérique latine. Introduction à l'extrême occident, Paris, Seuil, 1987.

3 «América deslatinizada», cf. Rodó, Ariel (1902) México, editorial Porrúa, 1968, p. 35.

4 Citons le colloque organisé par l'IHEAL, les 15 et 16 avril 2010, ainsi intitulé : "Nommer l'Amérique latine indépendante, ses intégrations, ses relations transaméricaines et transatlantiques.

5 Le Pérou contemporain cité par Alberto Flores Galindo in Buscando un inca: Identidad y utopía en los Andes, La Habana, Casa de las Américas, 1986, p. 258.

6 RIVERA Víctor Samuel, «Hermeneútica, política y nacionalidad para 1907», Socialismo y participación, n°103, Lima, 2007, consultable sur www-ceddeperru-org.

7 Le criollo est à l'origine un descendant de l'Espagnol, mais qui est né et a grandi ( criar en espagnol) en terre américaine ; au moment de l'Indépendance, le criollo revendiquera son autonomie par rapport à l'Espagne ; le terme devint synonyme d'Américain, sauf au Pérou où il restera associé à l 'héritage colonial espagnol.

8 Cf. RODRÍGUEZ REA Miguel Angel, La literatura peruana en debate, Lima, Ediciones Antonio Ricardo, 1986, p. 83.

9 RIVA AGUERO José de la, La historia en el Perú, cité par BOURRICAUD François, Pouvoir et société dans le Pérou contemporain, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques, 1967, p. 166.

10 GARCÍA CALDERÓN VENTURA, Cuentos peruanos, « En los cañaverales», Páginas escogidas, Madrid, Javier Morata Editor, 1947, p. 111.

11 «Amor indígena», ibid., p. 93.

12 GARCÍA CALDERÓN Ventura, «El Perú en la obra de Ventura García Calderón», Madrid, Javier Morata Editor, 1947, p. 853.

13 Cf. Ibid., p. 853, « nos parece desdoroso maldecir a esos abuelos magníficos, de quienes debemos por el contrario ufanarnos», p. 973.

14 Ibid., p. 967 «¿Seremos un día de norte a Sur, los estados unidos de la Latinidad?».

15 RIVA AGÜERO José de la, Paisajes peruanos, Lima, PUCP, 1955, p. 143

16Ibid. , p. 972

17 «España somos tantos nosotros como los habitantes de las tierras que van de Gibraltar a los Pirineos», p. 990, "El Perú en la obra de Ventura García CAlderón", op. cit.

18 «¿Cómo tender un puente aun cuando fuera frágil a la manera de nuestros puentes colgantes entre dos razas sin orillas » p. 951, ibid.

19 «Nous sommes les petits fils, et c'est tout à notre honneur, de l'espagnol encomendero, de l'Indien asservi et du nègre », p. 973

20 BOURRICAUD François, Pouvoir et société dans le Pérou contemporain, op. cit., p. 168.

21 Voir aussi la création de l'APRA en1924 (front antiimpéraliste contre les Etats-Unis ; Víctor Raúl Haya de la Torre, son fondateur, défend l'indoaméricanisme contre le panaméricanisme qui n'est qu'allégeance servile à la domination yankee.

22MARIÁTEGUI José Carlos, Siete ensayos de interpretación de la realidad peruana, (1928) México,Era, p. 96

23 Ibid. , p. 157.

24 Cf. «El proceso de la literatura» in Siete ensayos de interpretación de la realidad peruana, op. cit.

25 Micaëla Villegas dite la Perrichola, maîtresse du Vice-Roi Amat au XVIIIe siècle; son histoire inspirera écrivains (Prosper Merimée, Le carrosse du Saint Sacrement), musiciens (Offenbach et sa Péricole) et cinéastes ( Le carosse d'or de Jean Renoir) .

26 «El indigenismo está extirpando poco a poco desde sus raíces al «colonialismo», ibid., p. 319.

27 ayllu mot quechua désignant la communauté indigène traditionnelle.

28 Ibid., p. 202.

29 CORNEJO POLAR Antonio, «La literatura peruana : totalidad contradictoria»(1982) in La formación de la tradición literaria en el Perú, Lima, CEP, 1989.

30 CORNEJO POLAR Antonio, « Para una interpretación de la novela indigenista».

31 Edition posthume en 1970.

32 BENDEZÚ Edmundo, La otra litertura peruana, México, FCE, 1986.

33 Revendiquer les littératures mineures ; cf. Guattari et Deleuze.

34 Cf. Madrid, 2005, 1er congreso de narradores peruanos.

35 Cf. ce que dit l'écrivain Zein Zorrilla « (...) le canon littéraire criollo contemple hypnotisé Madrid et Paris, tournant le dos aux cultures des Andes qui réalisent leur propre assimilation de l'Occident» («el canón literario criollo hipnotizado por Madrid y Paris, vueltas las espaldas a las culturas del Ande, que realizan su propia asimilación del occidente» in www.geocities.com/zeinzorrilla/zart08.htlm

36Manifeste postmoderne publié en 1996 au Mexique par cinq jeunes écrivains dont les plus connus sont Ignacio Padilla et Jorge Volpi.

37 CHEVALIER François, L'Amérique Latine de l'indépendance à nos jours, Paris, PUF, 1993, p. 676.

38 Cf. GLISSANT Edouard, Poétique de la relation : contre la racine unique pour le rhizome qui «récuse l'idée d'une racine totalitaire », Paris, Gallimard, 1990, p. 23.

39GLISSANT Edouard dans son discours «Métissage, créolisation et latinité», Río de Janeiro, mars 2001.



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- Auteur : Françoise Aubès - Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Titre : Les avatars de la latinité au Pérou
- Date de publication : 14-09-2011
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=81
- ISSN 2105-2816